Sans risque de se tromper, l’on peut affirmer que les invités de lundi dernier au GTTC ( General Teacher's Training Center) Hall Center de Kumba ont assisté à une discussion de haut niveau. Pour s’en convaincre, il suffisait de voir la composition du panel qui entourait le modérateur, Pr Ekwabi, Enseignant à l'Université de Buéa et de Maiduguri. Il s’agissait de : Ngo Hagbe Amandine, fonctionnaire camerounaise à la Commonwealth, Manje Jessica, magistrate retraitée, Dr Elokobi ancien secrétaire au ministère de la justice et Me Mbiedi, qui ne sont plus à présenter.Les invités, parmi lesquels des étudiants, des professeurs, des chercheurs, des journalistes, des hommes politiques, ont aussi aidé à rendre la causerie plus relevée. Le cas Hissene Habré a servi de base aux discussions. Et comme il fallait s’y attendre dans ce genre de débat, deux camps se sont affichés : les partisans de l’extradition et du jugement en pays neutre et ceux qui sont partants pour un jugement de proximité.
On pouvait ranger dans la première catégorie les panélistes Ngo Hagbe Amandine, Manje Jessica ont émis plutôt des réserves sur l’opportunité d’une extradition. Pour Amandine Ngo Hagbe: « Il faudrait intégrer dans le débat la question de la fiabilité des institutions chargées de dire le droit, si aujourd’hui on pose la question des institutions chargées de dire le droit.
Si on pose la question de la compétence universelle, l’Afrique a deux voix : ceux qui sont favorables et ceux qui sont contre. Je suis de ceux qui pensent qu’il aurait fallu la compétence universelle pour traduire les criminels. La Justice étant le rempart de la démocratie, il n’y a pas lieu de crier au scandale concernant l’extradition de criminels pour être jugés dans des juridictions où l’ensemble des droits sont garantis ».
Le clan des partisans du « non » voit les choses autrement. Pour eux, justice doit être rendue là où se sont déroulés les événements. A défaut, à proximité. Dr Elokobi : « Je me pose la question de savoir quelles sont l’opportunité et la légalité de la compétence universelle. Il faudrait plutôt mettre l’accent sur les juridictions nationales. La juridiction internationale ne devrait venir que quand il y a une carence côté national. Je me demande si un État souverain doit s’ériger en une juridiction pour aller chercher quelqu’un, quel que soit l’endroit où il se trouve, l’amener chez lui et le juger.
N’est-ce pas une immixtion dans les affaires d’un autre État ? ». Mais faute de tribunal national fiable, une partie de ce groupe propose des tribunaux supranationaux, à l’image de la Commission africaine des droits de l’Homme de l’Union africaine (CADH). Cette évocation a provoqué la réplique suivante de Maître Mbiedi : « Beaucoup d’avocats et de magistrats qui ont été choisis dans cette commission n’ont même pas la culture des droits humains ».
La question de la ratification des traités a été largement débattue pendant cette conférence. Des intervenants ont en effet trouvé que le Cameroun en dehors du traité du Rome sur le CPJ, le Cameroun signe toujours toutes les conventions qui lui tombent sous la main, alors qu’il ne les respecte pas souvent. « L'État s’empresse de le faire pour être considéré par les bailleurs de fonds comme un bon élève international. Un statut qui donne droit aux financements extérieurs », fera remarquer dans la salle un doctorant en droit.
En somme, la rencontre a donné l’occasion à chacun de s’exprimer sur cette question d’extradition. Mais les points de vue sont souvent à prendre à leur juste mesure. En effet, si le débat était hautement juridique, il n’en demeure pas moins que le sujet est surtout politico-juridictionnel, un domaine de passions. Et bien des intervenants n’étaient pas vierges politiquement. Cependant, malgré les petites piques lancées par-ci par-là, le mérite des organisateurs est d’avoir pu cadrer le débat, qui s’est terminé dans une bonne ambiance