Justice: Dangote traîne le Dg de la Scb à la gendarmerie
DOUALA - 30 OCT. 2012
© Jacques Doo Bell | Le Messager
"En effet, la société nigériane Corlay Cameroun (une entreprise du groupe Dangote) est la plaignante. Du temps où elle s’appelait Shell Cameroun, elle fut désignée tiers saisie dans le fameux contentieux qui opposa la Sonara à la société Apc du Dr Ekollo Moundi Alexandre, et qui à ce titre, avait cantonné la somme de 2 milliards 74 millions Fcfa appartenant à la Sonara suite à une saisie-attribution effectuée par Apc"
Pour avoir procédé à l’exécution de l’Ordonnance n°148 du 4 septembre 2012 la condamnant à payer à la société Apc la somme de 591 millions Fcfa sous astreinte de 500 000 Fcfa par jour de retard, M. Jamal Ahizoune y est poursuivi par Corlay Cameroun pour « abus de confiance ». Une blague qui n’amuse pas du tout les autorités et investisseurs marocains.
Au Cameroun, le ridicule a cessé de tuer depuis belle lurette. Mais de là à faire « rejuger » une décision de justice exécutoire sur minute et avant enregistrement dans une brigade de gendarmerie en lieu et place des voies de recours judiciaires prévues par la loi, il y a de quoi dire que dans notre pays pourtant en quête d’investisseurs, certains déploient beaucoup d’énergie pour les chasser. Après le long règne du tout puissant vice-Premier ministre Amadou Ali sur la Justice camerounaise, cette dernière avait perdu toute crédibilité, à tel point que le chef de l’Etat en personne fut contraint d’évoquer à maintes reprises les innombrables dysfonctionnements de cette institution dont la conséquence est l’insécurité juridique qui fait frémir les investisseurs dès qu’on leur demande de placer le moindre franc au Cameroun.
L’indépendance de la Justice était déjà une utopie à cette époque. Aujourd’hui, on aurait raison de dire qu’elle est embrigadée dans la mesure où des décisions rendues par les tribunaux de l’ordre judiciaire sont susceptibles de conduire leurs bénéficiaires et les juges qui les ont rendus devant la police ou la gendarmerie lorsqu’ils entreprennent de les exécuter. Une curiosité bien camerounaise.
Ce qui est reproché au Dg de la Scb
En effet, la société nigériane Corlay Cameroun (une entreprise du groupe Dangote) est la plaignante. Du temps où elle s’appelait Shell Cameroun, elle fut désignée tiers saisie dans le fameux contentieux qui opposa la Sonara à la société Apc du Dr Ekollo Moundi Alexandre, et qui à ce titre, avait cantonné la somme de 2 milliards 74 millions Fcfa appartenant à la Sonara suite à une saisie-attribution effectuée par Apc. Or, la Sonara n’ayant pas contesté cette saisie dans les formes et délais prévus par l’Ohada, le président du tribunal de grande instance du Fako par une ordonnance en date du 13 août 2002 enjoignit à ce tiers saisi de payer les fonds saisis au saisissant conformément à la loi.
Or, Shell Cameroun décida de porter cette procédure devant le juge du contentieux de l’exécution du tribunal de première instance de Douala-Bonanjo pour solliciter d’être mise hors de cause en affirmant avoir reversé cet argent au séquestre judiciaire, la société Total FinaElf. Or, cette dernière dément catégoriquement avoir perçu le moindre sou. Ce qui contraint le tribunal à constater que Shell Cameroun faisait de la résistance abusive et à lui infliger la sanction prévue à cet effet par l’Ohada, en la condamnant à titre personnel à payer à Apc les fonds en question sous astreinte de 200 000 Fcfa par jour de retard à travers une ordonnance en date du 1er octobre 2002. Shell ne fit pas appel dans les quinze jours à compter du prononcé de cette décision mais plutôt 54 jours plus tard. Pourtant la Cour d’appel du Littoral déclara ledit appel tardif recevable et annula l’ordonnance attaquée. Or, par un arrêt en date du 1er juillet 2010, la Cour commune de justice et d’arbitrage remonta les bretelles à cette dernière en cassant sa décision pour cause d’irrecevabilité de l’appel interjeté par Shell Cameroun.
Ainsi, la Sonara sortit définitivement de cette affaire et n’a aucune intention d’y être mêlée à nouveau. Selon l’article 41, les arrêts de la Ccja ont force obligatoire dans les Etats-partis dès leur prononcé et ne sont susceptibles d’aucun recours. Pour éviter toute manipulation dans leur exécution, cette Cour qui est au-dessus des Cours suprêmes des Etats-partis délivre pour chacun de ses arrêts une copie exécutoire qui tient lieu de grosse, une expédition exécutoire qui tient lieu de copie grosse et une expédition.
Disparition des 2 milliards Fcfa
Entretemps, Shell Cameroun changea de version sur le sort des 2 milliards 74 millions Fcfa de la Sonara qu’elle devait reverser à Apc en affirmant mordicus les avoir reversés à la Sonara. Or, cette opération n’ayant pas laissé la moindre trace, on soupçonne que ces fonds auraient soigneusement évité les comptes officiels de cette raffinerie pour trouver refuge dans ceux de certains dignitaires, au premier rang desquels on soupçonne fortement un ancien Sg/Pr actuellement détenu à la prison centrale de Kondengui.
C’est donc une partie de ces fonds cantonnés à la Société commerciale de banques Cameroun dont le président du tribunal de première instance de Douala-Bonanjo ordonna le paiement à Apc par ladite banque sous astreinte de 500 000 Fcfa par jour de retard.
Le dictat de Corlay à la Justice
Mais Corlay Cameroun a le bras long. En effet, elle donne des ordres au président de la Cour d’appel du Littoral, tel qu’en atteste sa correspondance à ce dernier en date du 19 mai 2011 et ayant trait à l’affaire en question dont la conclusion est la suivante : « Nous sollicitons par conséquent votre intervention pour réitérer vos instructions déjà données tant à vos collaborateurs qu’aux juges qui devront connaître de cette affaire afin d’éviter les dérapages qui ont abouti à l’ordonnance décriée du 1er octobre 2002 rendue par le tribunal de première instance de Douala-Bonanjo ».
C’est à cause de cette lettre qui laisse transparaître trafic et corruption que le Dg de la Scb Cameroun a failli élire domicile à la brigade de gendarmerie de Douala 1er et selon certaines indiscrétions, le président du tribunal de première instance de Douala-Bonanjo pourrait également s’y rendre pour s’expliquer sur la raison qui l’a poussé à se conformer à la loi en violant les instructions de Corlay Cameroun données à sa hiérarchie.
En attendant, les Marocains qui ont décidé d’investir massivement au Cameroun et ceux qui sont propriétaires de la Scb ne cachent pas leurs craintes quant à la protection par la justice camerounaise de leurs investissements présents et envisagés. Pour certaines mauvaises langues, les commissariats de police et les brigades de gendarmerie pourront bientôt devenir des tribunaux spéciaux chargés de juger les décisions de justice. Le monde à l’envers.
© Jacques Doo Bell | Le Messager
"En effet, la société nigériane Corlay Cameroun (une entreprise du groupe Dangote) est la plaignante. Du temps où elle s’appelait Shell Cameroun, elle fut désignée tiers saisie dans le fameux contentieux qui opposa la Sonara à la société Apc du Dr Ekollo Moundi Alexandre, et qui à ce titre, avait cantonné la somme de 2 milliards 74 millions Fcfa appartenant à la Sonara suite à une saisie-attribution effectuée par Apc"
Pour avoir procédé à l’exécution de l’Ordonnance n°148 du 4 septembre 2012 la condamnant à payer à la société Apc la somme de 591 millions Fcfa sous astreinte de 500 000 Fcfa par jour de retard, M. Jamal Ahizoune y est poursuivi par Corlay Cameroun pour « abus de confiance ». Une blague qui n’amuse pas du tout les autorités et investisseurs marocains.
Au Cameroun, le ridicule a cessé de tuer depuis belle lurette. Mais de là à faire « rejuger » une décision de justice exécutoire sur minute et avant enregistrement dans une brigade de gendarmerie en lieu et place des voies de recours judiciaires prévues par la loi, il y a de quoi dire que dans notre pays pourtant en quête d’investisseurs, certains déploient beaucoup d’énergie pour les chasser. Après le long règne du tout puissant vice-Premier ministre Amadou Ali sur la Justice camerounaise, cette dernière avait perdu toute crédibilité, à tel point que le chef de l’Etat en personne fut contraint d’évoquer à maintes reprises les innombrables dysfonctionnements de cette institution dont la conséquence est l’insécurité juridique qui fait frémir les investisseurs dès qu’on leur demande de placer le moindre franc au Cameroun.
L’indépendance de la Justice était déjà une utopie à cette époque. Aujourd’hui, on aurait raison de dire qu’elle est embrigadée dans la mesure où des décisions rendues par les tribunaux de l’ordre judiciaire sont susceptibles de conduire leurs bénéficiaires et les juges qui les ont rendus devant la police ou la gendarmerie lorsqu’ils entreprennent de les exécuter. Une curiosité bien camerounaise.
Ce qui est reproché au Dg de la Scb
En effet, la société nigériane Corlay Cameroun (une entreprise du groupe Dangote) est la plaignante. Du temps où elle s’appelait Shell Cameroun, elle fut désignée tiers saisie dans le fameux contentieux qui opposa la Sonara à la société Apc du Dr Ekollo Moundi Alexandre, et qui à ce titre, avait cantonné la somme de 2 milliards 74 millions Fcfa appartenant à la Sonara suite à une saisie-attribution effectuée par Apc. Or, la Sonara n’ayant pas contesté cette saisie dans les formes et délais prévus par l’Ohada, le président du tribunal de grande instance du Fako par une ordonnance en date du 13 août 2002 enjoignit à ce tiers saisi de payer les fonds saisis au saisissant conformément à la loi.
Or, Shell Cameroun décida de porter cette procédure devant le juge du contentieux de l’exécution du tribunal de première instance de Douala-Bonanjo pour solliciter d’être mise hors de cause en affirmant avoir reversé cet argent au séquestre judiciaire, la société Total FinaElf. Or, cette dernière dément catégoriquement avoir perçu le moindre sou. Ce qui contraint le tribunal à constater que Shell Cameroun faisait de la résistance abusive et à lui infliger la sanction prévue à cet effet par l’Ohada, en la condamnant à titre personnel à payer à Apc les fonds en question sous astreinte de 200 000 Fcfa par jour de retard à travers une ordonnance en date du 1er octobre 2002. Shell ne fit pas appel dans les quinze jours à compter du prononcé de cette décision mais plutôt 54 jours plus tard. Pourtant la Cour d’appel du Littoral déclara ledit appel tardif recevable et annula l’ordonnance attaquée. Or, par un arrêt en date du 1er juillet 2010, la Cour commune de justice et d’arbitrage remonta les bretelles à cette dernière en cassant sa décision pour cause d’irrecevabilité de l’appel interjeté par Shell Cameroun.
Ainsi, la Sonara sortit définitivement de cette affaire et n’a aucune intention d’y être mêlée à nouveau. Selon l’article 41, les arrêts de la Ccja ont force obligatoire dans les Etats-partis dès leur prononcé et ne sont susceptibles d’aucun recours. Pour éviter toute manipulation dans leur exécution, cette Cour qui est au-dessus des Cours suprêmes des Etats-partis délivre pour chacun de ses arrêts une copie exécutoire qui tient lieu de grosse, une expédition exécutoire qui tient lieu de copie grosse et une expédition.
Disparition des 2 milliards Fcfa
Entretemps, Shell Cameroun changea de version sur le sort des 2 milliards 74 millions Fcfa de la Sonara qu’elle devait reverser à Apc en affirmant mordicus les avoir reversés à la Sonara. Or, cette opération n’ayant pas laissé la moindre trace, on soupçonne que ces fonds auraient soigneusement évité les comptes officiels de cette raffinerie pour trouver refuge dans ceux de certains dignitaires, au premier rang desquels on soupçonne fortement un ancien Sg/Pr actuellement détenu à la prison centrale de Kondengui.
C’est donc une partie de ces fonds cantonnés à la Société commerciale de banques Cameroun dont le président du tribunal de première instance de Douala-Bonanjo ordonna le paiement à Apc par ladite banque sous astreinte de 500 000 Fcfa par jour de retard.
Le dictat de Corlay à la Justice
Mais Corlay Cameroun a le bras long. En effet, elle donne des ordres au président de la Cour d’appel du Littoral, tel qu’en atteste sa correspondance à ce dernier en date du 19 mai 2011 et ayant trait à l’affaire en question dont la conclusion est la suivante : « Nous sollicitons par conséquent votre intervention pour réitérer vos instructions déjà données tant à vos collaborateurs qu’aux juges qui devront connaître de cette affaire afin d’éviter les dérapages qui ont abouti à l’ordonnance décriée du 1er octobre 2002 rendue par le tribunal de première instance de Douala-Bonanjo ».
C’est à cause de cette lettre qui laisse transparaître trafic et corruption que le Dg de la Scb Cameroun a failli élire domicile à la brigade de gendarmerie de Douala 1er et selon certaines indiscrétions, le président du tribunal de première instance de Douala-Bonanjo pourrait également s’y rendre pour s’expliquer sur la raison qui l’a poussé à se conformer à la loi en violant les instructions de Corlay Cameroun données à sa hiérarchie.
En attendant, les Marocains qui ont décidé d’investir massivement au Cameroun et ceux qui sont propriétaires de la Scb ne cachent pas leurs craintes quant à la protection par la justice camerounaise de leurs investissements présents et envisagés. Pour certaines mauvaises langues, les commissariats de police et les brigades de gendarmerie pourront bientôt devenir des tribunaux spéciaux chargés de juger les décisions de justice. Le monde à l’envers.