Justice à tête chercheuse

Cameroun : Justice à tête chercheuseEn février 2012 au cours d’une levée des fonds de la 2ème phase du programme Choc (Changer d’habitude pour s’opposer à la corruption), le ministre de l’Economie, de la Planification et de l’aménagement du territoire (Minepat), Emmanuel Nganou Djoumessi, a brandi comme avancée de ce programme l’élaboration et l’entame de l’implémentation de la stratégie nationale de lutte contre la corruption, l’internalisation de la Convention des Nations unies contre la corruption à travers la mise en place d’une procédure législative concernant un avant projet de loi anticorruption, l’opérationnalisation des institutions de lutte contre la corruption avec des budgets à elles accordées, le renforcement des capacités de la société civile et de la Commission nationale anti corruption, Conac. De la pure théorie que certains n’ont pas manqué de railler sous cape.

C’est que, au fil des ans, les institutions n’arrêtent pas d’être créées dans le secteur de la bonne gouvernance ou de la transparence au Cameroun sans pour autant donner des résultats palpables sur le terrain. Alors que les différentes structures ainsi créées dans le cadre de ce projet de lutte n’arrêtent pas de se marcher les unes sur les autres, le ministère de la justice qui est chargé d’assurer le respect des lois via ses différentes juridictions disséminées à travers le pays (les tribunaux de première instance les tribunaux de grande instance, les tribunaux militaires, les cours d’appel, la Cour Suprême, la Haute Cour de Justice et plus récemment le tribunal Criminel Spécial ayant pour mission de juger les détournements de derniers publics d’un montant de 50 millions de Fcfa) a du mal à faire dire le Droit.

Seulement, à la désolation des populations, un fait perdure : malgré la multiplication de ces instances de lutte contre la corruption, le phénomène tend à s’étendre à travers le pays. Les gestionnaires de la fortune publique continuent de puiser dans les caisses du pays, espérant faire partie des privilégiés cités dans les différents rapports du Contrôle supérieur de l’Etat (Consupe) sans en être particulièrement inquiétés.

Comment expliquer en effet que, pour des infractions parfois similaires, les peines varient d’un point à l’autre et dans certains cas, une poignée de personnes est inculpée tandis que d’autres vaquent sereinement à leurs occupations ? C’est en tout cas le paradoxe que révèlent les documents du conseil supérieur de l’Etat publiés dans nos colonnes dans l’édition 3444 du mercredi 17 juillet dernier, laissant clairement planer sur l’opération Epervier dite de lutte contre la corruption de forts soupçons de justice à tête chercheuse qu’ont souvent dénoncé les personnes accusées dans le cadre de ces affaires.

Comment expliquer que l’ancien directeur général de la Crtv, Gervais Mendo Ze que l’on dit proche du chef de l’Etat et certains de ses anciens collaborateurs entendus par le Consupe en 2009, a reçu des amendes spéciales; est appelé à rembourser 2,6 milliards Fcfa au Trésor public, avec une déchéance de sept ans ; que Jean Jacques Ndoudoumou, chez qui des fautes de gestion ont également été constatées vit sa vie sans être inquiété par la justice alors que, tout à côté, Joseph Nguini Effa, indexé pour des faits similaires a été jeté en prison ? Les exemples ne manquent pas pour illustrer cet état de fait. Et bien que les mots peuvent changer, une constance demeure : tous ces dirigeants d’entreprises sont coupables et, à ce titre, doivent répondre de leurs actes devant la loi selon les dispositions de la République.

© Mutations : Dorine Ekwè


20/07/2013
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