Justice : 70 à 80% de prisonniers sont des détenus préventifs
Justice : 70 à 80% de prisonniers sont des détenus préventifs
Sur 23.196 détenus au Cameroun, 14.185 le sont à titre préventif et
8.931 sont véritablement condamnés, révèle Avocat Sans Frontières.
Ils
ont tenu à honorer massivement le rendez-vous. Non pas pour se rendre
au prétoire où ils passent le clair de leur temps dans leur robe noire
mais, dans un hôtel de Douala. Lundi dernier, des centaines d’avocats et
hommes de droit ont apporté un éclairage sur les règles minimales des
droits des personnes détenues en milieu carcéral au Cameroun.
C’était
au cours du lancement du projet «dignité en détention». Le projet est
mis en place par l’antenne camerounaise des Avocats sans frontières
(Asf), en partenariat avec la France et le barreau du Cameroun. Ce
projet naît du fait que l’entrée en vigueur en 2007 du nouveau Code de
procédure pénale et l’adoption en 2009 par le Cameroun, de la loi
portant organisation de l’assistance judiciaire ne sont pas encore
appliquées.
Selon Me Job, bâtonnier, 70% à 80% des personnes
détenues dans les prisons sont des détenus préventifs (prisonniers
n’ayant pas encore été jugés). Une déclaration confirmée par Nicolas
Bernanga, représentant de l’Union Européenne (Ue). Pour ce dernier, les
détenus sont deux à trois fois plus nombreux dans les prisons. «Sur
23.196 détenus, 14.185 le sont à titre préventif et 8.931 sont
véritablement condamnés», précise Me Charlotte Mvie, avocate en France.
Des chiffres communiqués par l’Etat du Cameroun, apprend-on.
Un
fait que les avocats attribuent aux dispositions du nouveau Code de
procédure pénale. Ce qui est imputable aux lenteurs judiciaires, du fait
que la procédure qui est aujourd’hui accusatoire permet au juge
d’instruction de vous mettre sous mandat de dépôt alors que vous êtes
encore couverts par la présomption d’innocence, c'est-à-dire qu’au lieu
d’être en garde à vue, vous allez tout droit dans une maison d’arrêt
donc, placé sous mandat de dépôt», explique Me Madeleine Nsali Mbebi,
membre de Asf-Cameroun.
Violation de droits
Ses
homologues et elles dénoncent aussi les conditions de détention et la
surpopulation carcérale dans les prisons camerounaises. Des accusations
qui résultent des nombreuses visites effectuées par ces avocats dans les
prisons. «De prime à bord, les relations entre les agents pénitenciers
et les détenus ne sont pas évidentes. Il y a un irrespect des droits des
détenus par les agents pénitenciers. Cela se justifie soit par le fait
que ces gardiens de prisons ne connaissent pas les droits des détenus,
soit par le fait que ces détenus qui sont assez vulnérables n’arrivent
pas à pouvoir eux même respecter leurs droits», ajoute Me Madeleine
Nsali Mbebi. De nombreux droits des détenus sont ainsi violés. Il s’agit
entre autre du droit à la santé, du droit d’avoir un avocat, du droit
de communiquer avec son avocat, du droit d’être traité de manière digne…
C’est
d’ailleurs sur ces droits à la dignité en détention des détenus qu’Asf
France et Asf Cameroun, avec l’appui de l’Ue entendent travailler. Le
projet qui va durer trois ans a obtenu un financement de 15 millions
Fcfa de l’Ue. Pendant cette période, 500 détenus seront assistés et
leurs dossiers seront suivis gratuitement. Les détenus seront par
ailleurs sensibilisés sur leurs droits.
Les acteurs de la chaîne de
détention (officiers de police judiciaire, régisseurs de prisons,
magistrats, avocats, greffiers…) vont quant à eux recevoir une
formation. Car, pour Me Job, «l’Etat de nos prisons est indigne de notre
pays. C’est en visitant les prisons d’un pays que l’on sait l’état
d’avancement du droit. Il faut que cet état des choses change. Nous
sommes tous des détenus potentiels», conclu le bâtonnier.
Blaise Djouokep