Jules Frédéric Nyongha, «Le chef de l’Etat doit intervenir pour mettre de l’ordre»

Cameroun : Jules Frédéric Nyongha, «Le chef de l’Etat doit intervenir pour mettre de l’ordre»L’ancien entraîneur national jette un regard sur le mal être des Lions indomptables et appelle Paul Biya au secours.

Comment décrivez-vous l’atmosphère qui règne dans la tanière des Lions indomptables?
Je pense que c’est une ambiance assez difficile à décrire. Parce que nous sortons de ce fameux match amical contre la Tanzanie, qui s’est déroulé dans des conditions inattendues. Le sélectionneur avait convoqué un certain nombre de joueurs dont une dizaine, n’a pas répondu présente. Aujourd’hui, tout le monde ignore les raisons qui ont poussé ces joueurs à faire défection. Bizarrement, personne n’en parle : le ministère n’en parle pas ; la Fédération n’en parle pas ; pareil pour le coach. C’est le flou total

Comment interprétez-vous l’absence de sanctions à l’encontre des joueurs concernés ?
Je crois que le ministre des Sports est encore peut être en train de prendre des informations par rapport à cette situation, afin de prendre la bonne décision en s’associant peut être avec la Fédération pour le faire. Mais je pense que la Fédération a davantage suivi ce problème sur le terrain, parce que techniquement, elle était présente pour pouvoir faire une enquête et savoir ce qui se passe. Mais ça tarde un peu trop. Or, dans quelques jours, le 23 mars, nous allons jouer un match extrêmement important pour le Cameroun (contre le Togo). Et il se pose pas mal de questions : est-ce que ces joueurs seront à nouveau convoqués? Accepteront-ils de se présenter? Est-ce qu’on a pris des mesures pour savoir pourquoi ils n’étaient pas en Tanzanie? Des sanctions vont-elles être prises? Tout ceci s’inscrit dans un flou que personne ne comprend et dont personne ne donne la moindre explication.

A votre avis, quelle est le problème?
Il y a un malaise que nous traînons dans cette équipe, depuis ce fameux match amical au Maroc, où les joueurs refusent de jouer plus tard en Algérie. Au retour de cette expédition foireuse, on n’a pas fait la lumière sur ce problème-là. C’est un problème qui n’a pas encore été résolu. On a tout simplement sanctionné Eto’o, et c’est sûr qu’il ne l’a pas bien encaissé, certains joueurs aussi. Et sa suspension vient ajouter une autre situation au problème de départ. Voilà à mon avis le centre du malaise. A ce moment là, certains ont accusé l’entraîneur. Il a été changé. Aujourd’hui, les joueurs refusent de venir en sélection, mais personne ne dit pourquoi. Même un aveugle peut comprendre que rien ne va.

Ne pensez-vous pas que cette situation pourrait avoir un impact négatif sur la prestation des Lions contre le Togo ?

Que les joueurs viennent ou pas, c’est déjà une situation assez compliquée ; parce que les Lions sont dans une instabilité psychologique et morale qui fait que nous partons un peu fragilisés. Maintenant, il faut envisager deux hypothèses : d’abord l’entraîneur va-t-il les reconvoquer étant donné qu’il les a convoqués une fois, et ils ne sont pas venus? Est-ce qu’il a fait la lumière là-dessus? Est-ce qu’on passe l’éponge? Il est seul à savoir. La seconde hypothèse, c’est que les joueurs campent sur leur décision, et il faut donc faire appel à d’autres. A ce moment là, je crois qu’il est nécessaire que le coach envisage déjà un plan B, au cas où il devait se retrouver dans cette situation. De toutes les façons, ce sera un match très difficile  pour le Cameroun, ne serait-ce que sur le plan psychologique, moral et relationnel. L’équipe est dans une situation inconfortable. Il y a quelque chose qui ne va pas, mais que personne ne veut mettre au grand jour.

Comment faire, selon vous ?
Je pense qu’il faut exorciser cette équipe. Il faut appeler tous les acteurs autour d’une table, la Fédération, le ministère, le coach, le représentant des joueurs ou les joueurs, pour parler, dire ce que chacun pense de cette situation, et qu’on crève l’abcès. Que l’on sache exactement ce qui ne va pas. Qui reproche quoi à qui, et pour quelles raisons? Qui est prêt à continuer, et qui ne veut plus? Alors, on saura sur quel pied danser. Si on continue à jouer au chat et à la souris, on ne sortira jamais de cet enfer. Je pense qu’il y a quelque chose que ces joueurs n’arrivent pas à nous dire. Il faudrait qu’ils se décident à parler. Je ne pense pas que ce soit simplement ce problème d’Eto’o avec la Fédération. Parce que les autres joueurs ne le disent pas ouvertement. Sauf si c’est ce problème là en réalité qui est à l’origine de la situation actuelle. Quoiqu’il en soit, il faut s’asseoir et discuter de tout cela.

Au regard des comportements des différents acteurs, pensez-vous qu’une telle assise peut avoir lieu?
Avant qu’Eto’o ne reprenne avec l’équipe nationale, il y a eu des interventions de très haut niveau. Au regard de la situation dans laquelle nous sommes, je crois que nous ne devons pas laisser les fils de ce pays se déchirer entre-eux, et rester les bras croisés. Surtout qu’on a besoin de ces joueurs là pour faire remonter notre équipe. On pourrait emprunter la même voie pour mettre de l’ordre. En d’autres termes, je pense que le chef de l’Etat doit intervenir pour mettre de l’ordre dans notre équipe. C’est la plus haute hiérarchie. Personne ne pourrait s’opposer à ses décisions.

© La Nouvelle Expression : Entretien mené par Arthur Wandji


07/03/2013
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