L’ancien sélectionneur des Lions parle de l’instabilité des sélectionneurs du Cameroun et explore les pistes pour éliminer le Cap-Vert.
A quoi est du l’instabilité chronique sur le banc de touche de Lions au niveau des sélectionneurs ?
Plusieurs facteurs militent en faveur de cette instabilité des
coachs à la tête des Lions. La longévité d’un ministre des Sports est
directement liée aux résultats des Lions indomptables. Il y n’a qu’à
faire le compte pour se rendre à l’évidence que le sort des entraîneurs
est lui aussi liée à celui du ministre ou inversement. A la suite d’un
mauvais résultat, surtout une non qualification de l’équipe, le ministre
est éjecté parfois même sans qu’il ait eu le temps de virer le coach,
pour mauvais résultat. Le ministre entrant quant à lui conseillé par une
foule de personnes sauf par celles en mesure de lui donner la bonne
information, forme son équipe et recrute un entraîneur à tout vent et
ainsi de suite.
Il est certain que rien de sérieux ne peut se construire dans
l’instabilité. Les entraîneurs en charge de l’équipe nationale n’ont
guère que des missions à court terme en relation avec un résultat
immédiat. Jamais mission n’a été confiée à un entraîneur de bâtir une
équipe opérationnelle car cela demande toujours beaucoup de temps.
Que de fois avons nous assisté au scenario ou l’équipe est qualifiée à
une Can ou une Coupe du monde par un entraîneur qui se voit déposséder
de l’équipe au bénéfice d’un nouveau venu, généralement cela se passe en
moins de deux ans. Dans ce contexte les résultats ne peuvent qu’être
mauvais entraînant automatiquement comme s’est le cas chez nous le
licenciement de l’entraîneur et même parfois du ministre. C’est pourquoi
en l’espace de deux ans, l’on peut compter trois entraîneurs à la tête
des Lions.
Pouvez-vous être précis…
En plus, on ne prend pas toujours le temps de choisir
l’entraîneur qui correspond aux besoins réels des Lions, résultat on
passe à côté des objectifs fixés, entraînant le départ de celui ci.
Pourtant il existe depuis un certain temps une Direction technique
nationale ( DTN) supposé être composée d’entraîneurs de haut rang
auxquels devrait être confié au préalable la tache de proposer le profil
de l’entraîneur dont a besoin l’équipe et d’aller à la recherche de
celui-ci, pour en faire des propositions à la hiérarchie. Or que se
passe t-il généralement ? Je ne veux pas dire que cette mission est
confiée aux néophytes qui ne voient derrière cette opération que leurs
intérêts souvent à l’opposé des besoins réels de l’équipe. Conséquence
le mauvais résultat est vite arrivé et le coach est viré.
Avec le retard de deux buts sur le
Cap-Vert, les Lions de Jean Paul Akono peuvent-ils renverser la vapeur
et se qualifier pour la Can 2013 ?
Au football tout est possible. L’équipe du Cameroun minable au match
aller peut se révéler redoutable lors du match retour et arracher la
qualification. Elle peut tout simplement gagner sans pour autant se
qualifier, comme elle peut tout simplement faire jeu égal. Un retard de
deux buts n’est pas insurmontable quand on sait que le Cameroun des
beaux jours a réalisé plus d’une fois un exploit. La question est de
savoir si notre équipe de ces derniers temps en est capable. Tout
dépendra à la fois des joueurs, de leur envie et de leur détermination à
vouloir renverser la vapeur, et de l’entraîneur qui malgré tout part
avec un handicap qui ne saurait négliger. Il connait peu cette
génération de joueurs et voudra sans doute s’entourer d’une bonne
fourchette d’anciens. Le temps de préparation joue contre lui pour
pourvoir asseoir une équipe bâtie selon ses aspirations.
Comment s’il n’est pas aidé par l’Etat, résoudre en si peu de temps et
si tardivement une situation de tension et autres divisions que nous
connaissons à l’intérieure de l’équipe. L’union sacrée peut –elle se
passer des mascarades et tromperies d’autant pour être quelque chose de
réel. Pourquoi faut-il que l’on pense aux solutions que lorsque
l’équipe a le dos au mur ? L’amateurisme que déplore Assou-Ekotto a
–t-il trouvé remède au sein du groupe. Pourtant il y a un match et le
Cameroun se doit de passer le cap, mais comment ?
Comment justement Jean Paul Akono doit-il procéder pour réussir sa mission ?
Difficile à dire et surtout à détailler car, il s’agit d’un ensemble
d’actions que difficilement Akono à lui tout seul peut dans ce laps de
temps résoudre. Ce sont des problèmes d’ordre technique et tactique
certes, mais surtout relationnels car il faut pourvoir réussir cette
réconciliation devenue si familière en période de crise chez-nous. La
mobilisation générale et totale est nécessaire et pas peut être
l’apanage d’Akono seul, qui en ce moment à plus à résoudre les problèmes
de choix de joueurs et des problèmes technico-tactique qu’autre chose.
Le Cameroun, c’est le Cameroun a dit le chef suprême et rien n’est
impossible. Autre chose, contenir l’attaque de cette équipe
Cap-Verdienne qui s’est montrée très dangereuse parce que disposant
d’une force offensive évidente. L’entraîneur qui est très averti saura
certainement faire jouer pour marquer trois buts et n’en encaisser
aucun.
Est-il nécessaire de négocier le retour de Samuel Eto’o au sein des Lions indomptables ?
On ne peut avoir un joueur de ce talent, un des meilleurs du monde et se
passer de ses services. L’idéal serait de l’avoir et c’est possible,
bien qu’à son avis il traine une sorte de ressentiment vis à vis de ses
coéquipiers que j’estime l’on trahi dans leur mutisme. Cependant Eto’o
reste quelqu’un de très responsable, un grand patriote qui l’a prouvé à
maintes occasions. On peut simplement regretter que des démarches allant
dans ce sens de l’apaisement s’entament précisément au moment ou nous
avons le dos au mur alors qu’il fut plausible pendant les mois de
suspension d’Eto’o d’envisager cette mobilisation dont nous entendons
dire être envisagée à ses trousses. Le choix de ses envoyés a-t-il été
bien fait ?
Ce n’est plus en secret pour personne,
Samuel Eto’o et Rigobert Song Bahanag se détestent. Comment doit-on
procéder pour réconcilier ces deux grandes figures du football
camerounais ?
Parler de mésentente entre Eto’o et Song comme vous le dite me
semble bizarre pour deux amis de longues dates, pour deux frères
dirais-je que j’ai eu mon temps en équipe nationale présenté comme
exemple de bonne entente. Qu’est ce qui a bien pu arriver si vraiment
quelques chose il y a ? Ceci nous nous ramène à l’après Coupe du monde
2010 où il s’est dit tant de choses sans que l’essentiel en ait été dit,
essentiel qui aurait contribué à dissiper ce genre de situation hélas
préjudiciable à l’équipe. Une fois de plus nous revoici dos au mur et
c’est à ce moment là que l’on se souvient qu’il y a problème et qu’il
faut l’arranger, alors qu’il y a plus de deux ans que l’on est supposé
savoir qu’il y a problème entre les deux, si vraiment problème il y a.
Ceux qui en parlent savent sans doute de quoi ils parlent et il serait
grand temps que cette situation soit aplanie.
Le coach Denis Lavagne a laissé plusieurs
chantiers de la reconstruction des Lions en suspens. Qui a, selon vous,
le profil pour remplacer Géremi Njitap comme latéral droit ?
Depuis le départ de Géremi à la retraite, le poste de latéral
droit connait beaucoup de problèmes. Ce poste avec la force,
l’intelligence et le savoir faire de Géremi était stratégiquement l’une
des grandes forces de l’équipe et tous les joueurs le savaient. Il
suffisait alors pour neutraliser les Lions, de museler Géremi et du coup
l’équipe était en danger. L’équipe se doit aujourd’hui de changer de
stratégie en octroyant aux latéraux de ces jours des rôles qui
correspondent à leur profil, leur capacité et à leur talent plutôt que
de vouloir en faire des Géremi. Il faut rebâtir une défense dans
laquelle on trouverait des joueurs chevronnés et hautement compétitif,
en donnant à chacun de ces nouveaux la latitude de s’exprimer à fond à
son poste au niveau de son talent et de ses capacités.
Comment
réinventer le milieu de terrain des Lions qui jouent depuis un certains
temps rien qu’avec les joueurs à tempérament défensif ?
Les options tactiques peuvent conduire un coach à n’aligner que
des milieux défensifs. C’est par exemple le cas lorsqu’on a acquis un
avantage certain en match à domicile (le cas par exemple du Cap-Vert).
Ceci peut aussi arriver au cours d’un match qu’on joue avec un milieu
défensif et un offensif et que pour des raisons d’étendre davantage le
milieu de terrain on ne mette que des milieux de terrains à vocations
offensives.
En attaque l’on remarque que les Lions
jouent très souvent avec des avant-centres de métiers sur les ailes,
tels Yannick Ndjeng, Vincent Aboubakar ou Benjamain Moukandjo. Est-ce la
solution pour se créer davantage des occasions de buts ?
L’avant centre est un joueur de précision, très habile dans les
espaces réduit et qui a rarement l’occasion d’avoir à courir sur 20
mètres balle au pied dans l’axe de buts. Fort de ceci, il serait
souhaitable de ne faire de substitution que si l’on est en panne au
niveau d’un poste de manière à donner au joueur la plénitude de ses
moyens d’expression et de production. Claude Leroy avait si bien
l’habitude de dire en pareille circonstance : « On a beau faillir les
oreilles de l’âne en piste, il ne sera jamais un cheval de course ».
C’est dire que votre avant-centre ne fera pas véritablement un ailier
de métier.
Pour revenir au match capital du 14 octobre. Comment doit-on faire pour mobiliser davantage les Camerounais autour des Lions ?
Denis Lavagne n’a jamais été accepté par les supporters et je
dirais même par les joueurs, mêmes s’ils avaient à eux leur façon de le
faire savoir. Celui-ci parti, le public peut revenir pour voir ce que va
apporter Akono. La présence de certaines figures emblématiques mises au
« frigo » peut susciter la curiosité du public à venir nombreux. La
foi inébranlable qu’on certains pour cette équipe les amènera au stade.
Cependant attention au revers de la médaille, je n’ose pas penser à ce
qui pourrait se passer si…