Juillet 2010: Ces colonels qui voulaient renverser Paul Biya
YAOUNDE - 06 SEPT. 2010
© Darline Datchoua | La Nouvelle
"...analystes des milieux diplomatiques trouvent, en parcourant le flot de griefs formulés par les mutins contre Paul Biya, que les auteurs de cet enregistrement ne peuvent être que des militaires..."
© Darline Datchoua | La Nouvelle
"...analystes des milieux diplomatiques trouvent, en parcourant le flot de griefs formulés par les mutins contre Paul Biya, que les auteurs de cet enregistrement ne peuvent être que des militaires..."
Un nouveau vent souffle dans les
services de sécurité du Cameroun. A la faveur des textes signés par le
chef de l'Etat le 31 août dernier, plusieurs responsables ont été nommés
respectivement à la tête de la Délégation générale à la Sûreté
nationale et à la Direction de la recherche extérieure. Ainsi donc
Martin Mbarga Nguélé hérite du poste de Dgsn, à la place de Emmanuel
Edou, tandis que Léopold Maxime Eko Eko prend la place de Bienvenu
Obelabout. A l'origine de vaste mouvement, une affaire de coup d'Etat
initié par des colonels mécontents où un certain Enoh Meyomesse aurait
tout simplement été instrumentalisé. Le discours d'une durée de 10
minutes 30 secondes, contenu dans la bande dont nous avons pu obtenir
une copie, et que devait lire le président du gouvernement transitoire,
est assez révélateur. Dans ce Cd-audio, les putschistes prennent 10
grandes décisions pour la suite de leur magistère. Tout ceci survient au
moment où le chef de l'Etat camerounais se trouve en voyage officiel à
Paris où il assistait à la célébration de la fête nationale française.
Seulement, au niveau des services de renseignements, cette affaire
n'aura pas été prise au sérieux. Les différents responsables ayant
estimé qu'il s'agit d'une banale histoire de colonels mécontents.
Bienvenu Obelabout et Emmanuel Edou payent donc aujourd'hui le fruit de
leur attentisme, après avoir estimé que certains hauts gradés de l'armée
au courant de cette affaire, étaient tout simplement "alarmistes". La
Nouvelle rassemble les pièces du puzzle.
Réorganisation des services de sécurité L’affaire de coup d'Etat qui emporte Edou et Obelabout C'est une affaire de coup d'Etat, prise au sérieux par certains hauts responsables de l'armée, mais presque banalisée par Bienvenu Obelabout, ancien directeur de la Dgre, qui serait à l'origine de ce vent qui est entrain de souffler dans les services de sécurité de notre pays. Il y a quelques semaines l'histoire très persistante d'un coup d'Etat initié par des colonels mécontents et un certain Enoh Meyomesse s'est très vite répandue comme une traînée de poudre dans certains milieux de la capitale. A l'origine, on parlait de ces coups de fil qu'aurait reçus cet ancien collaborateur de Pauline Biyong. Et surtout du choix des colonels mutins pour qu'il préside le gouvernement transitoire, après que ceux-ci aient réussi à mettre fin au régime du président Paul Biya, pendant qu'il se trouvait en voyage à Paris où il assistait, le 14 juillet dernier, à la célébration de la fête nationale française. Quand l'information de cette affaire de coup d'Etat parvient à l'ancien directeur de la Dgre, il fait tôt de la banaliser en estimant qu'il ne s'agit que d'une banale histoire de colonels mécontents qui ont choisi de faire peur aux dirigeants en place pour obtenir certaines réformes dans l'armée, plus précisément le départ à la retraite de certains généraux. A tout le moins, selon des sources généralement bien informées, c'est ce qui ressort du rapport qu'il envoie quelques jours après au président de la République. Une version des faits qui sur tous les plans, ne cadre pas avec le ton suffisamment alarmiste des rapports des autres hauts responsables de nos forces de sécurité. On apprend par exemple qu'un Cd-audio contenant un discours enregistré, aurait été découvert. Dans les milieux diplomatiques où on aurait réussi à obtenir une copie de cet enregistrement d'une dizaine de minutes dont le contenu ne serait pas connu de certains responsables du haut commandement, des analystes trouvent que la voix de celui qui s'exprime, ne serait pas celle de Enoh Meyomesse. Une indication qui montre que certaines personnes auraient tout simplement voulu instrumentaliser Enoh Meyomesse. Pourquoi seulement lui, et pas un autre ? D'un, parce que, selon nos sources, il aurait entrepris des démarches auprès de certains pasteurs de l'église protestante, afin de solliciter leur bénédiction, après avoir manifesté son intention de se porter candidat à la prochaine élection présidentielle. Les auteurs de cet enregistrement contenu dans un Cd-audio seraient-ils au courant de des démarches auprès des pasteurs ? De deux, la proximité géographique d'Enoh Meyomesse avec le président Paul Biya aurait assurément influencé le choix de Enoh Meyomesse, pour des manœuvriers qui veulent démontrer à suffisance que le chef de l'Etat ne serait pas en phase avec ses frères "Bulu". Coup de force Seulement ces analystes des milieux diplomatiques trouvent, en parcourant le flot de griefs formulés par les mutins contre Paul Biya, que les auteurs de cet enregistrement ne peuvent être que des militaires. Puisqu'il apparait clairement que les grands bénéficiaires de ce coup de force, s'il avait eu lieu, auraient été les colonels qui devaient automatiquement passer au grade de général de brigade. En répondant à la question à qui profite le crime, ces analystes estiment sans ambages que ce sont ces colonels qui auraient profité de ce coup de force. Du coup, ceux-ci concluent que les auteurs militaires de l'enregistrement du Cd-audio sont des colonels. Quand, en plus, dans son témoignage, Enoh Meyomesse affirme qu'il avait été contacté au téléphone par un colonel anonyme, certains autres éléments du puzzle se mettent facilement en place. Il va sans dire que les autres maux soulevés par les mutins dans leur Cd, ne sont là que pour divertir l'opinion et pour tenter d'occulter leur vraie identité. Surtout quand ils parlent d'un "pays gouverné depuis Genève ou Mvomeka'a"; "d'un régime de corruption", "d'une nouvelle Constitution" ; "du mandat présidentiel renouvelable une fois et réduit à 5 ans"; "d'un nouveau découpage administratif avec plus de régions, de départements et d'arrondissements"; "des gouverneurs de région qui seront élus au suffrage universel à un tour pour un mandat de 5 ans renouvelable aussi une fois" ; "d'un scrutin à 2 tours pour les présidentielles" ; "des familles des militaires tombés à Bakassi et ailleurs qui se verront attribuer une allocation"; "du Bir qui verra à sa tête un Camerounais" et "d'un monument qui sera construit en l'honneur des militaires tombés à Bakassi." On reprocherait donc à l'ancien directeur de la Dgre d'avoir banalisé cette affaire de coup d'Etat sans avoir cherché au préalable à identifier les auteurs de ce florilège de critiques contre le régime de Paul Biya. Alors que d'un autre côté, le général de division Benoît Asso'o Emane, commandant de la 1ère région militaire, informé, aurait aussitôt mis les troupes en état d'alerte, après avoir disposé à tous les carrefours importants de la capitale, des éléments de la police militaire et du Bir. C'est d'ailleurs les mêmes éléments du Bir qu'on aura vu, à la place de ceux de la Gp, tout au long de l'itinéraire qu'emprunte habituellement l'escorte présidentielle, au retour du président Paul Biya de France. Ce qui veut dire que du côté des forces de sécurité, malgré les apparences et le degré de banalisation du rapport de Bienvenu Obelabout, l'on aura pris la menace de ce coup d'Etat au sérieux. Il se raconte même dans les couloirs du secrétariat d'Etat à la Défense que le général Benoît Asso'o Emane aurait surpris l'adjoint du colonel Mahamat, chef du secrétariat militaire, dans le bureau de Jean-Baptiste Bokam Nkoumba. Et qu'à l'occasion, il aurait fustigé l'attentisme du Sed devant la gravité de cette situation de coup d'Etat que certains s'évertuaient à banaliser, en estimant que certains hauts responsables étaient alarmistes. |
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