John Fru Ndi : De l’art d’exister par le brouillage
John Fru Ndi : De l’art d’exister par le brouillage
Depuis quelques mois et surtout ces derniers jours, le chairman du Sdf n’a plus été à court d’un changement de position.
Un
score de 10,71%, un deuxième rang conservé de même que le statut leader
de l’opposition, John Fru Ndi pouvait craindre plus. Surtout après
qu’une folle rumeur a annoncé, au lendemain du scrutin du 09 octobre
2011, que Garga Haman Adji, le leader de l’Alliance pour la démocratie
et le développement (Add) avait raflé la mise dans la partie
septentrionale du pays et notamment dans la région de l’Extrême-Nord, la
plus grande pourvoyeuse d’électeurs de toutes les dix. Surtout encore à
cause de cette image «d’opposant doux», aux antipodes de celle de
«farouche opposant» au régime de d’Etoudi, qu’il aura ardemment
contribué à donner de lui-même, en raison de ses fréquentations
présidentielles des derniers mois. La politique étant une question
d’image, le leader du Sdf savait dès avant le scrutin que ses positions
étaient menacées, dès lors que l’image d’Epinal sur laquelle il avait
construit tout son engagement politique, était ainsi «ablafardie»,
émasculée.
Un tel scénario, catastrophe pour lui et les siens,
eût signifié sans conteste, sa mise en retraite prématurée avec en
prime, une sortie jugée peu honorable: John Fru Ndi jouait, à travers
l’élection du 09 octobre dernier, son «va tout». Et en ces moments, où
le doute le dispute à l’incertitude et à l’angoisse, impossible de
cacher sa nudité. La sienne, du point de vue strictement politique,
épouse désormais les contours d’une sinusoïde folle, faite de positions,
d’ «ap-position» et «d’oppositions», et dont l’unique constante est
l’inconstance des extrema et des fréquences. Songez donc. Pour son
retour le 26 octobre 2011 à Bamenda, son fief, il accepte d’abord
l’itinéraire arrêté d’accords parties entre les représentants locaux du
Sdf et les services du gouverneur. Avant de décider, in situ, de le
dévier. Dans un contexte où ses sympathisants avaient décidé de lui
réserver un accueil digne d’un «Président», et où les passions étaient
au plus haut, même la forte mobilisation des forces de maintien de
l’ordre ne pouvait garantir un dénouement pacifique d’une telle
démarche. Les émeutes provoquées ont fait deux blessés dont un par
balles. Et la paix sociale à Bamenda passablement perturbée.
«G7» de l’opposition
Le
25 octobre dernier, dans un communiqué signé de son chairman et rendu
public quelques temps seulement après le discours radio-télévisé du
président réélu Paul Biya, le Sdf a dit qu’il «prend acte de la
proclamation par la Cour constitutionnelle des résultats des élections
du 09 octobre 2011 en faveur de M. Biya». Pourtant, c’est le même qui le
15 octobre dernier, réunissait autour de lui dans son domicile du
quartier Omnisports à Yaoundé, sept autres candidats à la présidentielle
de 2011, pour élaborer la fameuse «déclaration de Yaoundé». Dans cette
déclaration finalisée et rendue publique le 17 octobre 2011, John Fru
Ndi et six de ses collègues annonçaient déjà qu’ils ne reconnaîtraient
pas les résultats qui seraient proclamés, et appelaient «le peuple à
venir massivement manifester en faveur de leur droit de participer à des
élections libres et transparentes». En cause, selon le «G7» de
l’opposition, les nombreux cas de fraudes qui ont émaillé le scrutin. Sa
sortie du 25 octobre apparaît dès lors au moins comme une volte face.
Comment
en outre le chairman du Sdf, qui essaye de battre le président Paul
Biya aux urnes depuis 1992, et qui si l’on s’en tient à son propre
pronostique était crédité, malgré les fraudes, d’un score de 36% qui le
donnait vainqueur du scrutin du 09 octobre dernier, s’est-il empressé
d’en récuser par avance les résultats? A ce stade, même le dictionnaire
de l’incohérence devient inopérant pour suivre la logique de l’enfant
terrible de Ntarikong.
Et ce «brouillage de lignes» post électoral,
dessinait déjà ses premières courbes dès avant la convocation du corps
électoral. Car après avoir appelé ses troupes à boycotter le scrutin en
commençant par bouder les inscriptions sur les listes électorales, après
avoir provoqué de ce fait la démission de certains cadres de son parti
qui entrevoyaient le spectre d’un suicide politique derrière cette
stratégie, John Fru Ndi a finalement fait machine arrière trois semaines
avant le scrutin, en appelant à aller s’inscrire. La politique est
certes un jeu de rééquilibrage permanent. Mais qui n’en a pas moins ses
lignes rouges à ne jamais franchir. Où se situent celles du chairman du
Sdf? A Yaoundé, à Bamenda et y compris dans son dernier carré
d’inconditionnels, l’on n’arrête plus de se demander si la démarche
politique de «John» a jamais eu une constance et une substance plus
épaisses que son «Biya must go».
Serge D. Bontsebe