Jean Ketcha : Golden boy dans un nid de poule
Ce député au grand coeur est contrarié par les états de services jugés moyens de son entreprise de Btp.
La journée de mardi dernier a particulièrement été longue pour le député Jean Ketcha. Suite à l’incident qui l’a opposé au ministre des Travaux publics, Bernard Messengue Avom, au Palais des congrès de Yaoundé, en début d’après-midi, au sujet du marché de l’entretien d’un tronçon de la route Yaoundé-Bafoussam, le patron de l’entreprise de Btp incriminée (Ketch), a cravaché dur pour gagner la bataille de l’opinion, face aux collaborateurs d’un ministre soucieux d’épargner à leur patron un scandale de plus, après la publication du rapport de la Commission nationale anti-corruption (Conac), mettant en cause son département ministériel pour des détournements présumés sur le chantier de la route Ayos-Bonis.
Jean Ketcha était surtout inquiet par rapport au fait que le ministre des Travaux publics (Mintp) aurait, selon les dires de l’honorable, menacé de lui retirer ce marché gagné sur l’axe Yaoundé-Bafoussam. Un marché d’une valeur de 300 millions Fcfa exécuté à 3% seulement, en dépit des 20% d’avance de démarrage. La ligne de défense du député du Ndé, région de l’Ouest, qui invoque la non signature du plan d’exécution du contrat et la mobilisation de ses ingénieurs pour un travail de colmatage sur la route menant au palais présidentiel de Mvomeka’a (ville natale du chef de l’Etat), n’a pas évacué les réserves du Mintp sur le professionnalisme de l’entreprise Ketch, qui appartient à ce dandy de 59 ans.
Selon un collaborateur de ce géotechnicien au physique d’athlète, ces «menaces» prouvent à suffisance que «le ministre des Travaux publics déteste l’entreprise Ketch. Il fait gagner à cette entreprise des marchés où les financements ne sont pas disponibles. La route Maroua-Bogo en est une illustration...». Sauf que les plaintes du patron de l’entreprise Ketch, qui compte dans ses rangs des ingénieurs formés à bonne école, à l’encontre des pouvoirs publics sont aussi récurrentes que suspectes.
S’agissant par exemple du marché de la pénétrante Nord de Yaoundé, qui dessert les quartiers Olembé, Messassi et Emana, l’entreprise Ketch, qui était la moins disante (11 milliards Fcfa) et qui soutenait avoir la meilleure offre technique, a été devancée par le géant égyptien Arab Contractors. Lequel proposait 14 milliards Fcfa pour la réalisation de la même route. Il faut préciser, pour ce cas, que le délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Yaoundé, Gilbert Tsimi Evouna, tirant les leçons du chantier de la route desservant le quartier Tongolo (confié à Ketch), avait, d’autorité, retiré le marché à cette entreprise.
Jungle
Des marchés de «reprofilage» gagnés dans la ville de Douala ont également valu des foudres à l’entreprise que dirige le député Jean Ketcha. Il revendique pourtant des états de services «concrets» : «la réalisation de l’échangeur de Bekoko, de l’échangeur Joss (sous traité avec les Tunisiens, ndlr), de la voirie du Port de Douala, jamais payé, de la voirie du marché central de Douala, de l’axe Nkololoun-Bali, de l’axe Bépanda-Bonamoussadi…».
Jean Ketcha récolterait-il donc la rançon de sa gloire ? Cet ancien fonctionnaire en service au Labogénie (Laboratoire national de génie civil), qui a lancé son entreprise, grâce à une prime de 100 millions Fcfa reçue des mains de l’ancien chef de l’Etat camerounais, Ahmadou Ahidjo, alors qu’il n’avait que 35 ans, serait-il victime du «complexe de colonisé» qu’affichent certains hauts cadres de l’administration camerounaise, lorsqu’il s’agit de trancher entre l’expertise locale et étrangère ? De toute évidence, le promoteur du béton prêt à l’emploi, qui est régulièrement «produit» à la télévision du fait de ses nombreux dons aux déshérités, aux acteurs du secteur informel, notamment les bendskineurs, et aux écoliers du Ndé, n’est pas loin de le penser.
Cela étant, comment l’image de la Pme (petite et moyenne entreprise), de cet homme qu’on apercevait dans les rues de Yaoundé au début des années 80 à bord d’une Roll Royce (commandée d’Europe par ses soins) en compagnie de son ami, le journaliste Léon Kanelon, peut-elle être rehaussée lorsqu’un mois durant, ses engins, en panne, gisent sur le trottoir d’une route qu’elle peine à achever? Comment cette Pme familiale peut-elle espérer cristalliser crédibilité et espoir quand ses ingénieurs accumulent des mois d’arriérés de salaire ?
Là aussi, un doigt accusateur est pointé sur le ministre des Travaux publics : «Depuis bientôt un an, Ketch ne gagne pas de chantier. C’est normal que l’entreprise soit en proie à des tensions de trésorerie. Mais sachez que l’ingénieur le moins payé chez Ketch gagne 700.000 Fcfa. Et puis, tous les cadres sont logés gratuitement dans des villas avec toutes les commodités que vous pouvez imaginer. Ketch est une entreprise citoyenne, qui a 25 ans d’expérience, et qui lutte contre le chômage, à l’opposé de certaines entreprises tenues par des expatriés dans le secteur du Btp, qui recrutent des ingénieurs au gré des chantiers», explique un proche de Jean Ketcha.
Partagé entre ses activités caritatives et de manager d’une entreprise qui bétonne au fil des années ses intérêts dans la jungle camerounaise du Btp, Jean Ketcha est-il au fait du «bouillonnement» de l’activité parlementaire ? Ses proches répondent par l’affirmative, même si les apparitions de cet adepte du triptyque «noblesse, dignité, élégance» à l’hémicycle de Ngoa-Ekellé sont aussi rares que les larmes d’un chien. «Ma kal kul ma plan [traduction libre, j’utilise mon argent au centime près]», le slogan de lancement de la campagne du béton prêt à l’emploi semble en tout cas guider au quotidien ce géotechnicien, qui a «révolutionné» la communication dans son secteur d’activités, et que l’on présente comme l’un des meilleurs géotechniciens en Afrique.
Georges Alain Boyomo
La journée de mardi dernier a particulièrement été longue pour le député Jean Ketcha. Suite à l’incident qui l’a opposé au ministre des Travaux publics, Bernard Messengue Avom, au Palais des congrès de Yaoundé, en début d’après-midi, au sujet du marché de l’entretien d’un tronçon de la route Yaoundé-Bafoussam, le patron de l’entreprise de Btp incriminée (Ketch), a cravaché dur pour gagner la bataille de l’opinion, face aux collaborateurs d’un ministre soucieux d’épargner à leur patron un scandale de plus, après la publication du rapport de la Commission nationale anti-corruption (Conac), mettant en cause son département ministériel pour des détournements présumés sur le chantier de la route Ayos-Bonis.
Jean Ketcha était surtout inquiet par rapport au fait que le ministre des Travaux publics (Mintp) aurait, selon les dires de l’honorable, menacé de lui retirer ce marché gagné sur l’axe Yaoundé-Bafoussam. Un marché d’une valeur de 300 millions Fcfa exécuté à 3% seulement, en dépit des 20% d’avance de démarrage. La ligne de défense du député du Ndé, région de l’Ouest, qui invoque la non signature du plan d’exécution du contrat et la mobilisation de ses ingénieurs pour un travail de colmatage sur la route menant au palais présidentiel de Mvomeka’a (ville natale du chef de l’Etat), n’a pas évacué les réserves du Mintp sur le professionnalisme de l’entreprise Ketch, qui appartient à ce dandy de 59 ans.
Selon un collaborateur de ce géotechnicien au physique d’athlète, ces «menaces» prouvent à suffisance que «le ministre des Travaux publics déteste l’entreprise Ketch. Il fait gagner à cette entreprise des marchés où les financements ne sont pas disponibles. La route Maroua-Bogo en est une illustration...». Sauf que les plaintes du patron de l’entreprise Ketch, qui compte dans ses rangs des ingénieurs formés à bonne école, à l’encontre des pouvoirs publics sont aussi récurrentes que suspectes.
S’agissant par exemple du marché de la pénétrante Nord de Yaoundé, qui dessert les quartiers Olembé, Messassi et Emana, l’entreprise Ketch, qui était la moins disante (11 milliards Fcfa) et qui soutenait avoir la meilleure offre technique, a été devancée par le géant égyptien Arab Contractors. Lequel proposait 14 milliards Fcfa pour la réalisation de la même route. Il faut préciser, pour ce cas, que le délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Yaoundé, Gilbert Tsimi Evouna, tirant les leçons du chantier de la route desservant le quartier Tongolo (confié à Ketch), avait, d’autorité, retiré le marché à cette entreprise.
Jungle
Des marchés de «reprofilage» gagnés dans la ville de Douala ont également valu des foudres à l’entreprise que dirige le député Jean Ketcha. Il revendique pourtant des états de services «concrets» : «la réalisation de l’échangeur de Bekoko, de l’échangeur Joss (sous traité avec les Tunisiens, ndlr), de la voirie du Port de Douala, jamais payé, de la voirie du marché central de Douala, de l’axe Nkololoun-Bali, de l’axe Bépanda-Bonamoussadi…».
Jean Ketcha récolterait-il donc la rançon de sa gloire ? Cet ancien fonctionnaire en service au Labogénie (Laboratoire national de génie civil), qui a lancé son entreprise, grâce à une prime de 100 millions Fcfa reçue des mains de l’ancien chef de l’Etat camerounais, Ahmadou Ahidjo, alors qu’il n’avait que 35 ans, serait-il victime du «complexe de colonisé» qu’affichent certains hauts cadres de l’administration camerounaise, lorsqu’il s’agit de trancher entre l’expertise locale et étrangère ? De toute évidence, le promoteur du béton prêt à l’emploi, qui est régulièrement «produit» à la télévision du fait de ses nombreux dons aux déshérités, aux acteurs du secteur informel, notamment les bendskineurs, et aux écoliers du Ndé, n’est pas loin de le penser.
Cela étant, comment l’image de la Pme (petite et moyenne entreprise), de cet homme qu’on apercevait dans les rues de Yaoundé au début des années 80 à bord d’une Roll Royce (commandée d’Europe par ses soins) en compagnie de son ami, le journaliste Léon Kanelon, peut-elle être rehaussée lorsqu’un mois durant, ses engins, en panne, gisent sur le trottoir d’une route qu’elle peine à achever? Comment cette Pme familiale peut-elle espérer cristalliser crédibilité et espoir quand ses ingénieurs accumulent des mois d’arriérés de salaire ?
Là aussi, un doigt accusateur est pointé sur le ministre des Travaux publics : «Depuis bientôt un an, Ketch ne gagne pas de chantier. C’est normal que l’entreprise soit en proie à des tensions de trésorerie. Mais sachez que l’ingénieur le moins payé chez Ketch gagne 700.000 Fcfa. Et puis, tous les cadres sont logés gratuitement dans des villas avec toutes les commodités que vous pouvez imaginer. Ketch est une entreprise citoyenne, qui a 25 ans d’expérience, et qui lutte contre le chômage, à l’opposé de certaines entreprises tenues par des expatriés dans le secteur du Btp, qui recrutent des ingénieurs au gré des chantiers», explique un proche de Jean Ketcha.
Partagé entre ses activités caritatives et de manager d’une entreprise qui bétonne au fil des années ses intérêts dans la jungle camerounaise du Btp, Jean Ketcha est-il au fait du «bouillonnement» de l’activité parlementaire ? Ses proches répondent par l’affirmative, même si les apparitions de cet adepte du triptyque «noblesse, dignité, élégance» à l’hémicycle de Ngoa-Ekellé sont aussi rares que les larmes d’un chien. «Ma kal kul ma plan [traduction libre, j’utilise mon argent au centime près]», le slogan de lancement de la campagne du béton prêt à l’emploi semble en tout cas guider au quotidien ce géotechnicien, qui a «révolutionné» la communication dans son secteur d’activités, et que l’on présente comme l’un des meilleurs géotechniciens en Afrique.
Georges Alain Boyomo