Je suis Camerounais, j'aime les seins

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Il ya des années lorsque j’ai débarqué à l’université de Yaoundé I la tête pleine d’illusions, j’ai découvert les angloses. « Anglo (se) » est le terme par lequel nous autres francophones qualifions nos frères originaires des deux régions anglophones du Cameroun qui représentent environ 20% de la population de notre pays. Pour nous autres jeunes « francophones » les angloses étaient pour ainsi dire un fantasme. La langue, les référents culturels, le système éducatif, nous étions tous camerounais, mais différents. Les angloses ne fricotaient pas trop avec les francophones, ce qui avait le don de nous exciter car c’est bien connu, ce qui ne nous cède pas nous rend plus entreprenant.

 

C’est ainsi que je suis devenu entreprenant, poursuivant de mes assiduités une certaine Gloria, beauté miniature à la poitrine surdéveloppée, une paire d’obus comme dit mon ami JM. Ça n’a pas été facile et l’entreprise que tous mes copains vouaient à l’échec m’a permis de mieux connaître les filles de cette région :

 

Deux ou trois trucs à propos des angloses de cette époque:

La première chose qu’une bachelière anglose fera en arrivant à Yaoundé sera de filer chez un coiffeur. La faute à leur système éducatif qui n’autorise pas les cheveux longs à l’école. Donc, pour ne pas être en reste face aux jeunes franco, l’anglose va se greffer des extensions synthétiques et brillantes au goût très souvent discutable. Leur devise pourrait être jamais sans ma greffe (ni mon maquillage) Pour sortir avec elle, prévoir un buget Eru, vous savez cette herbe que personne ne cultive mais qui semble inépuisable et donne un mets exquis. Les bamilékés ne rigolent pas avec leurs voyages nocturnes, les anglos eux c’est le Eru. Le ministre qui va s’amuser à la classer comme espèce protégée va confirmer ce que je dis.

 

L’anglose s’habille comme à la télé. Sans se douter que Aaliyah ne sort pas forcément avec les vêtements qu’elle met dans son clip. Donc faut pas être surpris de la voir débarquer en cours avec une robe à paillettes ou strass. Comme on dit en basso’o : ban’h mimb, serre le coeur et reste focus sur ton objectif. Les francophones prennent les anglos pour des  cons. Mais il faut savoir que les anglos sont persuadés que les francos sont pires que cons. Quand je sortais avec Gloria et ses amies et que parfois je faisais un truc qu’elles jugeaient bizarre j’entendais la même phrase :leave’am ! Na francophone them ! Comprenez : laisse tomber! C’est un francophone. Dernier point, les angloses ont presque toujours des prénoms-concepts. Pour avoir fréquenté la mienne j’ai connu ses amies, des Infinity, Eternity, Immaculate, Mercy, Joyful, Delicious… Des prénoms avec définition dans le dictionnaire....

 

Mais, ma Gloria m’aimait bien hein ?

 

Elle m’appelait «my small francophone»  quand je vous dis que cette histoire de taille me poursuit depuis des lustres… Elle m’aimait tellement qu’un jour elle décida de venir chez moi. Après toutes ces greffes et plats de Eru payés de ma poche, ce n’était pas trop tôt. Sauf que vous connaissez ma poisse légendaire… Les choses se sont gâtées lors des préliminaires (la chance hein ?) quand j’ai voulu empoigner sa formidable paire de SCUD, la belle a déclenché sa défense antiaérienne, écartant mes mains sans ménagement : don’t touch ! don’t touch ! et moi j’insistais avec à la bouche mes rares mots de pidgin : na wéti ? na wéti ? (qu’est-ce qui ne va pas ?) Ce jour là je n’ai pas conclu, en fait chaque fois, j’étais incapable de résister à l’attraction de ses missiles et chaque fois je me faisais rembarrer. Un jour enfin, elle m’a raconté: Gloria n’était qu’une ado pré pubère, lorsque sa poitrine a démontré que les petits obus en gestation sur son torse deviendraient des missiles de croisière.

 

Du coup, les petits gars du quartier amateurs d’armes de destruction massive ont commencé à tourner autour d’elle. Sa mère, grand manitou de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique lui a fait signer malgré elle un traité de non prolifération d’armes nucléaires. Un matin dans la cuisine enfumée, elle a mis une spatule près du feu et à plusieurs reprises lui a appliqué le bois brûlant sur les seins. Eclatement des glandes mammaires, régression des bourgeons, ce durant une longue semaine. Gloria est très vite redevenue politiquement correcte. Mais la jeune fille pour avoir côtoyé les cimes de la douleur a développé une forme de stress post traumatique: elle ne supporte pas qu’on lui touche les seins, même des années après qu’ils aient repoussé normalement.

 

C’est ainsi que j’ai découvert le «repassage des seins». Je croyais la pratique marginale, mais j’ai découvert d’autres Gloria au cours de mes escapades, des filles qui racontent des histoires effrayantes de mères protectrices qui mutilent leurs enfants pour les prémunir du virus du sexe précoce. Une pratique qu’on retrouve dans toutes les aires culturelles de notre pays, une pratique qui ne sert à rien, vu que seins ou pas, les petits gars du quartier sont des chasseurs qui ne trient pas le gibier: éléphant, lapin, margouillat, la viande c'est la viande. Laissez les seins de ma camerounaise tranquille. Elle les a jolis, elle les a beaux, elle est belle ma camerounaise. On ne fait pas l’éducation d’un enfant à coups de spatule chaude sur la poitrine, ni à coups de lame sur le clitoris. On l’éduque, on l’instruit des choses de la vie, on ne se cache pas derrière des méthodes aussi barbares pour masquer sa démission. Je ne sais ce qu’est devenue Gloria, mais darling, si tu lis ceci, ramène tes missiles. On a une guerre à terminer, celle contre la connerie. Peace !

 

© kongossa.mondoblog.org Via L’Oeil du Sahel : Florian Ngimbis


01/07/2015
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