Je fais un rêve ô Cameroun !
Dr Sosthène Fouda Essomba |
M’inspirant de Martin Luther King, m’inscrivant dans la longue lignée
des humanistes tels que Montaigne et Robert Garnier, profondément
enraciné dans cette ville de Yaoundé qui m’a vu naître il y a bientôt 40
ans, je fais un rêve.
Un bébé est né le 20 août 2011 à 7h43
minutes à la maternité de l’Hôpital Gynéco-Obstétrique de Ngousso,
hôpital de référence si besoin est, par la qualité du personnel que des
infrastructures, c’est le meilleur de notre pays.
A 14H15 minutes
cet enfant est constaté volé par une infirmière qui va directement
orienter les soupçons vers la grand-mère du nourrisson. Le 20 août était
un samedi !
Ce bébé jusqu’ici sans visage et sans nom pour le
grand public a une maman ; Vanessa Tchatchou, elle a 17 ans, s’exprime
difficilement en français, comme 90% de camerounais, est de condition
plus que modeste.
La fille de Vanessa a été enlevée par le
personnel médical en service à l’Hôpital Gynéco-obstétrique de Ngousso ;
dont un médecin et une infirmière identifiés. Le médecin en question
est lui-même père de famille et travaille comme interne à Gynéco mais
aussi à la Polyclinique de Tsinga en plein cœur de Yaoundé.
La
douleur de l’enfantement est fondatrice de notre humanité, voilà
pourquoi le kidnapping de l’enfant de Vanessa de l’Hôpital
Gynéco-Obstétrique et Pédiatrique de Ngousso est l’acte le plus
destructeur de la cellule famille et ne devrait laisser personne
insensible et indifférent. La naissance d’un enfant un grand phare qui
s’allume pour les adultes, il fait briller pour tout un chacun l’unique
lumière de l’espérance et repousse les frontières de l’impossible
puisqu’il permet à tout un chacun de se projeter au plus loin. La
naissance d’un enfant est une aube joyeuse qui met fin pour tout homme à
la longue nuit de ses incertitudes, de ses hésitations.
Mais
six mois ont passé, six mois de mensonge et de torture de la fragile
conscience en attente de Vanessa Tchatchou. Six mois ont passé et jour
après jour le nuage de mensonge de l’administration de l’hôpital de
référence de Ngousso a doublé d’épaisseur ; l’existence de la jeune
maman transformée en enfer ; six mois ont passé et chacun de nous a
volontairement détourné son regard hideux d’une complicité silencieuse
enfin retrouvée. Oui six mois ont passé et Vanessa boit enfin jusqu’à la
lie sa coupe de misère, six mois ont passé pour que Vanessa vive enfin
pleinement sa condition d’orpheline de père.
C’est pourquoi
alerté, j’ai accouru sur ce lieu de vie devenu lieu de mort et de la
manifestation de notre complicité silencieuse, pour donner sens. Oui en
ce sens, j’ai d’abord fait un travail de journaliste et les conclusions
ont été
Vanessa Tchatchou |
données à qui de droit. Mon désir est que les conclusions de cette
enquête à défaut d’être rendue publique soient utilisées pour redonner
sourire à Vanessa et à sa famille. L’enfant né le vingt août 2011 à 7h
43 minutes et signalé comme volé puis déclaré mort est bien vivant.
Femmes fécondes comme femmes stériles, femme tout de même et ceci en
toute noblesse doivent pouvoir le sentir au fond de leurs entrailles de
mère-maman.
Il est évident aujourd’hui, que l’Hôpital
Gynéco-Obstétrique et Pédiatrique de Ngousso a failli à sa promesse en
ce qui concerne les enfants qu’il est sensé protégé dès leur naissance.
Au lieu d’honorer son obligation sacrée, l’Hôpital Gynéco-Obstétrique et
Pédiatrique de Ngousso nous abreuve aujourd’hui de mensonge renforcé
par le soutien d’une élite gouvernementale qui fait bloc. Il nous est
clairement dit que la jeune Vanessa a beau être femme il est injuste
qu’elle puisse enfanter alors que dans la haute administration de notre
pays, il y a plus méritante ; à tel point que le fruit porté et nourri
au lait de la misère mais aussi de l’amour mérite de lui être enlevé au
profit de plus nantie.
Oui, avec quelques journalistes j’ai été
malmené par les forces de sécurité et de maintien de l’ordre de notre
pays, mais nous avons rappelé à suffisance aux hommes et aux femmes de
Yaoundé l’urgence de la mobilisation. Il n’est plus temps de se laisser
aller à nos petits intérêts égoïstes. Il n’est plus temps de chanter des
douces sérénades d’une paix désiré mais jamais atteinte ! Le moment est
maintenant venu de réaliser que nous avons le devoir d’exiger le seul
droit d’humanité qui vaille aujourd’hui ; restituer à Vanessa sa fille,
parce qu’elle est en vie et que dans l’échelle de responsabilité, chacun
des coupables assume enfin.
Le
moment est venu d'émerger des vallées obscures et désolées du silence
complice pour fouler le sentier ensoleillé de l’engagement citoyen qui
passe par la revendication et le dire de ce qui n’est plus supportable;
le moment est venu de tirer notre nation des sables mouvants de
l'injustice institutionnalisée par ceux et celles qui par la force du
décret nous font croire qu’ils jouissent du soutien sans faille du
Président de la République. Oui, hissons notre
engagement sur le roc solide de la fraternité agissante et qui s’engage
; le moment est venu de réaliser la justice pour tous les enfants du
Bon Dieu. Il serait fatal à notre nation mais aussi pour tout un chacun
d’entre nous d'ignorer qu'il y a péril en la demeure. Cet étouffant été
du légitime mécontentement de toutes les femmes, de tous les hommes, de
toutes les jeunes filles en âge de procréer ne se terminera pas sans
qu'advienne un automne vivifiant qui permet à Vanessa de retourner chez
elle avec sa fille et pour tout notre pays que cesse le trafic des
nourrissons.
Le 20 Août 2011, 14h 15 minutes n'est pas une fin
mais un commencement. Le commencement du combat de tous les enfants
volés et arrachés à leurs parents dans nos hôpitaux ici au Cameroun.
Ceux qui espèrent que Vanessa et tous ceux et celles qui sont debout
aujourd’hui vont faiblir viennent de commettre une erreur de jugement
voire d’appréciation.
Oui,
le grand tourbillon de la lutte contre la pratique du travail de sape
orchestré par les ennemis de la famille se lève et va très haut avec le
cri des chérubins. |
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Nous ne sommes pas habitués à être organisés, c’est normal nous
n’avons pas appris. Voilà pourquoi je voudrais rappeler ici que debout
sur le seuil accueillant qui mène dans cette chambre de l’Hôpital
Gynéco-Obstétrique et Pédiatrique de Ngousso, nous devons nous assurer
de ne point nous rendre coupables d’agissements répréhensibles.
Ne
cherchons pas à étancher notre soif de retrouver et de restituer cet
enfant à sa maman en buvant à la coupe de l'amertume et de la haine.
Livrons autant que possible ce combat en nous hissant sans cesse sur
les hauts plateaux de la dignité et de la discipline. Il ne faut pas que
notre revendication créatrice dégénère en violence physique. Encore et
encore, il faut nous dresser sur les hauteurs majestueuses où nous
opposerons les forces de l'âme à la force matérielle. Je vous appelle à
une Marche Blanche et digne car la cause et juste et la personne à
sauver un ANGE.
Le merveilleux militantisme tribal dans lequel
nous avons été nourris n’a pas de place ici. Celle qui détient l’enfant
de Vanessa est une femme de notre communauté nationale voilà pourquoi
nous ne devons pas nous méfier d’elle, demandons lui seulement qu’elle
nous rende l’enfant pour que Vanessa puisse la chérir et l’élever. La
douleur d’une femme qui n’a pas d’enfant est grande et les gestes de
désespoir posés compréhensibles, pardonnable mais ne justifient pas
qu’une mère ; Vanessa soit privée de sa fille.
Nous sommes tous
et toutes Vanessa, qu’est-ce que cela veut bien dire ? Nous ne serons
jamais pleinement maman, papa tant qu’au fond de notre conscience nous
saurons que nous n’avons point aidé Vanessa a retrouver sa fille, tant
que nous saurons qu’à côté de nous nous avons par notre silence couvert
ce crime parce que crime il y a ici. Nous ne serons point heureux tant
que les bébés continueront à être enlevés à leur maman biologique pour
être confiés à d’autres femmes, à d’autres familles uniquement et
simplement par le seul et unique prix et la valeur du billet. Une vie
humaine ne s’achète point ! Oui nous ne serons point satisfaits tant que
dans cette capitale de notre pays mais aussi dans les villes moyennes
et secondaires, elles ne couleront point les eaux du respect de la vie
donnée comme un torrent intarissable.
Je n’ignore point ce qui
est dit ça et là et toute la difficulté qu’il y a à être fiable mais
surtout à fédérer les énergies pour cette cause. Sortons de notre
silence parce que la cause est juste et laissons dans nos quartiers les
souffrances diverses car ce n’est point ici qu’elles trouvent leur
solution. Habillés de blanc, symbole de paix, couleur de colombe notre
revendication est unique, notre cri est sincère, il monte de la grande
douleur de l’enfantement elle-même créatrice de l’humanité.
Ne nous vautrons pas dans les vallées du désespoir |
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Je vous le dis ici et maintenant, habitants de Yaoundé mais aussi vous qui vous mobilisez parfois dans un apparent désordre dans la diaspora : même si nous devons affronter des difficultés aujourd'hui et demain, je fais pourtant un rêve. C'est un rêve profondément ancré dans la conscience de tout un chacun d’entre nous. J’ai vu de mes yeux et touché de mes mains la fille de Vanessa Tchatchou, c’est sa fille.
Voilà pourquoi je rêve de voir chacun de vous se lever aujourd’hui
pour donner à Vanessa et à son cœur de mère sa fille. Ainsi mon rêve qui
est aussi celui des parents que nous sommes aujourd’hui et celui des
parents que seront nos enfants demain, oui ce rêve est que ceux à qui
sont confiés certaines responsabilités dans notre pays quel que soit
l’échelle ne doivent point ignorer la grandeur de la vie humaine. Voilà
le chemin d’humanité dans lequel nous devons nous engager, voilà l’acte
citoyen que nous devons poser.
Je rêve que, un jour, n’importe
quelle femme, de n’importe quelle condition intellectuelle, culturelle,
religieuse, financière et économique pourra aller à l’hôpital pour
donner la vie et être protéger par l’institution et non abusée.
Je
rêve que, un jour, sur les sept collines qui encadrent notre cité
capitale, la femme stérile puisse trouver le moyen de devenir mère maman
parce que la loi aura su encadrer la procédure d’adoption.
Faisons donc sonner la cloche qui rassemble au-delà des rivières qui nous entourent, du Mfoundi à la Mefou, soyons à la fois les pèlerins et les chantres de la justice. Elle est là devant nous, levons et tendons la main pour la cueillir et l’offrir à celui dont les pas ont faibli pendant cette longue marche. |
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Oui, je rêve que mes enfants, Jessy,Théry, Eithan, Annièla, puissent se promener en toute sécurité dans nos villes et campagne sans avoir peur d’être enlevés. Je fais aujourd’hui un rêve !
Mon unique rêve je le fais avec vous et je le vis avec vous, laissons voler très haut nos ballons blancs de l’innocence pour qu’ils emportent au loin notre volonté de voir les pouvoirs publics parcourir les quelques kilomètres qui séparent l’Hôpital Gynéco-Obstétrique et Pédiatrique de Ngousso du domicile où est retenu cet enfant de six mois.
Telle est mon espérance. Je sais que c’est possible si nous nous engageons fortement aujourd’hui. Un tel engagement nous a souvent manqué, pas parce que les occasions ont manqué mais simplement parce que le temps de la maturation a été long ! Faisons donc sonner la cloche qui rassemble au-delà des rivières qui nous entourent, du Mfoundi à la Mefou, soyons à la fois les pèlerins et les chantres de la justice. Elle est là devant nous, levons et tendons la main pour la cueillir et l’offrir à celui dont les pas ont faibli pendant cette longue marche. Oui chers compatriotes, sonnons aussi fort et aussi haut que possible les cloche qui annoncent la quête, la recherche et enfin la trouvaille de cet enfant. Il est là devant nous, ses pleurs ont atteint chaque cœur, chaque village, chaque hameau, chaque cité de notre pays. Hâtons-nous de remplacer ces pleurs par les cris de joie !
Dr Vincent-Sosthène FOUDA-ESSOMBA