Issa Tchiroma: Les impairs d’un ministre
YAOUNDE - 07 FEV. 2012
© Jean-Bruno Tagne | Le Jour
Chaque sortie du Mincom dans le cadre de son rôle de porte-parole du gouvernement suscite une polémique.
© Jean-Bruno Tagne | Le Jour
Chaque sortie du Mincom dans le cadre de son rôle de porte-parole du gouvernement suscite une polémique.
"Un numéro de prestidigitation".
C’est en ces termes que l’homme politique camerounais basé aux
Etats-Unis, Célestin Bedzigui, a qualifié la conférence de presse donnée
par le ministre de la Communication, jeudi dernier.
L’entretien avec les journalistes portait sur l’affaire du bébé volé de Vanessa Tchatchou. Le porte-parole du gouvernement a fait le point sur l’enquête en cours et ce que le public semble avoir retenu est que le bébé volé est mort et enterré à Nkoteng et que des suspects interpellés seraient passés aux aveux complets.
Si dans l’ensemble, on reconnait au Mincom une certaine éloquence et une disposition à s’exprimer face à la presse, dans un environnement camerounais où la parole des personnalités gouvernementales est plutôt rare, sur le fond, Issa Tchiroma fait face à de nombreux reproches. Vincent Sosthène Fouda, l’un des principaux acteurs de la recherche de la vérité sur l’affaire du bébé volé, affirme que le ministre de la Communication a au moins fait preuve de maladresse. Nulle part, dit-il, Issa Tchiroma n’a eu la moindre compassion pour la « pauvre victime ». « Sur le plan technique, poursuit-il, on voit bien que le ministre n’a pas travaillé sa communication avec les services techniques des administrations concernées par cette affaire. Sinon, comment le ministre est-il incapable, à la question d’un journaliste, de donner au moins la procédure d’adoption d’un enfant au Cameroun ? »
Ce n’est pas la première fois qu’une conférence de presse du ministre Tchiroma suscite une polémique. Avril 2010. Germain Cyrille Ngota Ngota, un journaliste camerounais, décède en détention préventive à la prison centrale de Kondengui. Face aux caméras, Issa Tchiroma donne les circonstances du décès du journaliste en ces termes : « Il s’agit d’un patient de 39 ans reçu à l’infirmerie le 11 mars 2010 au lendemain de son incarcération pour la visite médicale de routine. A la date sus indiquée, l’examen médical a mis en évidence l’hypertension artérielle (190/120mmHg) et la hernie inguinale gauche non compliquée. Le dépistage volontaire du Vih-Sida proposé à l’intéressé s’est révélé positif, mais ce dernier n’était pas venu retirer le résultat… »
Présomption d’innocence
Ces propos du porte-parole du gouvernement, qui viole manifestement le secret médical du défunt suscite un tollé. L’ordre des médecins du Cameroun, sous la plume de son président, Guy Sandjon, se dit choqué, alors que l’association Positive Generation estime pour sa part que les propos du Mincom « portent une grave atteinte à la lutte contre le Vih/Sida et à l’image du Cameroun». «En faisant ces révélations, regrette Fogué Foguito, le président de cette association, monsieur Tchiroma porte un coup sérieux aux malades et acteurs de la lutte contre le Sida, mais aussi contribue à accentuer le stigma et la discrimination envers les personnes séropositives et montre à suffisance l’inculture du Mincom sur le Vih/Sida, ce qui est grave pour une personnalité comme lui dans un pays où au moins 5% de la population est infectée par le Vih. » Dans la foulée, une association de personnes vivant avec le Sida décide de faire de Issa Tchiroma la mascotte d’une campagne de lutte contre la stigmatisation.
Quelques mois plus tôt, en février 2010, le ministre de la Communication anime une conférence de presse sur l’Opération Epervier. Parlant des personnalités interpellées dans le cadre de la lutte contre les détournements de deniers publics, Issa Tchiroma affirme que « ces gens-là ont détourné cet argent en vue de préparer la prochaine élection présidentielle… » Et l’ancien secrétaire général de la présidence de la République, Jean Marie Atangana Mebara, dans son livre, “Lettres d’ailleurs” (Ed. L’Harmattan), de dire que « le ministre Tchiroma affiche, avec une certaine morgue et une incroyable assurance, son ignorance des dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’homme relatives à la présomption d’innocence ».
Toujours au sujet de la présomption d’innocence, le porte parole du gouvernement remet ça dans l’affaire Enoh Meyomesse. Au cours d’un point de presse, il déclare, sans ambages : « On nous parle de torture, d'extorsion d’aveux. Probablement, c’est de la machination. Monsieur Enoh Meyomesse est un Camerounais, vraiment presque lambda, sans consistance, sans épaisseur politique. (…) Ce Monsieur, il sait ce qu’il a fait. Il a commandité un braquage à l’occasion duquel on a arraché un kilo d’or dans l’Est. Comme il en était commanditaire, il a pris cet or, il est parti à Singapour. Eh bien, à son arrivée, on a mis la main dessus. Et puis voilà. Aujourd’hui, il est entre les mains de nos tribunaux ! Est-ce qu’on a besoin de le torturer, dès lors que les faits sont évidents ? »
L’entretien avec les journalistes portait sur l’affaire du bébé volé de Vanessa Tchatchou. Le porte-parole du gouvernement a fait le point sur l’enquête en cours et ce que le public semble avoir retenu est que le bébé volé est mort et enterré à Nkoteng et que des suspects interpellés seraient passés aux aveux complets.
Si dans l’ensemble, on reconnait au Mincom une certaine éloquence et une disposition à s’exprimer face à la presse, dans un environnement camerounais où la parole des personnalités gouvernementales est plutôt rare, sur le fond, Issa Tchiroma fait face à de nombreux reproches. Vincent Sosthène Fouda, l’un des principaux acteurs de la recherche de la vérité sur l’affaire du bébé volé, affirme que le ministre de la Communication a au moins fait preuve de maladresse. Nulle part, dit-il, Issa Tchiroma n’a eu la moindre compassion pour la « pauvre victime ». « Sur le plan technique, poursuit-il, on voit bien que le ministre n’a pas travaillé sa communication avec les services techniques des administrations concernées par cette affaire. Sinon, comment le ministre est-il incapable, à la question d’un journaliste, de donner au moins la procédure d’adoption d’un enfant au Cameroun ? »
Ce n’est pas la première fois qu’une conférence de presse du ministre Tchiroma suscite une polémique. Avril 2010. Germain Cyrille Ngota Ngota, un journaliste camerounais, décède en détention préventive à la prison centrale de Kondengui. Face aux caméras, Issa Tchiroma donne les circonstances du décès du journaliste en ces termes : « Il s’agit d’un patient de 39 ans reçu à l’infirmerie le 11 mars 2010 au lendemain de son incarcération pour la visite médicale de routine. A la date sus indiquée, l’examen médical a mis en évidence l’hypertension artérielle (190/120mmHg) et la hernie inguinale gauche non compliquée. Le dépistage volontaire du Vih-Sida proposé à l’intéressé s’est révélé positif, mais ce dernier n’était pas venu retirer le résultat… »
Présomption d’innocence
Ces propos du porte-parole du gouvernement, qui viole manifestement le secret médical du défunt suscite un tollé. L’ordre des médecins du Cameroun, sous la plume de son président, Guy Sandjon, se dit choqué, alors que l’association Positive Generation estime pour sa part que les propos du Mincom « portent une grave atteinte à la lutte contre le Vih/Sida et à l’image du Cameroun». «En faisant ces révélations, regrette Fogué Foguito, le président de cette association, monsieur Tchiroma porte un coup sérieux aux malades et acteurs de la lutte contre le Sida, mais aussi contribue à accentuer le stigma et la discrimination envers les personnes séropositives et montre à suffisance l’inculture du Mincom sur le Vih/Sida, ce qui est grave pour une personnalité comme lui dans un pays où au moins 5% de la population est infectée par le Vih. » Dans la foulée, une association de personnes vivant avec le Sida décide de faire de Issa Tchiroma la mascotte d’une campagne de lutte contre la stigmatisation.
Quelques mois plus tôt, en février 2010, le ministre de la Communication anime une conférence de presse sur l’Opération Epervier. Parlant des personnalités interpellées dans le cadre de la lutte contre les détournements de deniers publics, Issa Tchiroma affirme que « ces gens-là ont détourné cet argent en vue de préparer la prochaine élection présidentielle… » Et l’ancien secrétaire général de la présidence de la République, Jean Marie Atangana Mebara, dans son livre, “Lettres d’ailleurs” (Ed. L’Harmattan), de dire que « le ministre Tchiroma affiche, avec une certaine morgue et une incroyable assurance, son ignorance des dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’homme relatives à la présomption d’innocence ».
Toujours au sujet de la présomption d’innocence, le porte parole du gouvernement remet ça dans l’affaire Enoh Meyomesse. Au cours d’un point de presse, il déclare, sans ambages : « On nous parle de torture, d'extorsion d’aveux. Probablement, c’est de la machination. Monsieur Enoh Meyomesse est un Camerounais, vraiment presque lambda, sans consistance, sans épaisseur politique. (…) Ce Monsieur, il sait ce qu’il a fait. Il a commandité un braquage à l’occasion duquel on a arraché un kilo d’or dans l’Est. Comme il en était commanditaire, il a pris cet or, il est parti à Singapour. Eh bien, à son arrivée, on a mis la main dessus. Et puis voilà. Aujourd’hui, il est entre les mains de nos tribunaux ! Est-ce qu’on a besoin de le torturer, dès lors que les faits sont évidents ? »