« Démissionner permet à la responsabilité morale d’exister. Les personnes qui détiennent une charge publique sont responsables de leurs actes et la démission représente, pour tout agent responsable, un recours moral fondamental. », J. Patrick Dobel, Intégrité morale et vie publique, Paris, Nouveaux Horizons-ARS, 2003, p.135. A l'occasion de la 14è édition de La Grande Palabre, le groupe Samory, éditeur de Germinal, et Harmattan Cameroun invitent le public à prendre part à la réflexion (conférence-débat) qu’ils organisent à Yaoundé, le jeudi 23 février 2012, au Djeuga Palace à partir de 14h sur le thème:
La culture de la démission dans l’ordre politique
Contexte
En mars dernier, alors que Dominique Strauss Kahn était épinglé par la justice américaine dans une affaire de mœurs, il n’a pas hésité à démissionner de ses fonctions de Directeur général du Fonds monétaire international (Fmi), pour se mettre entièrement à la disposition de la justice. Aussi avait-il démissionné de ses fonctions ministérielles le 2 novembre 1999 quand il avait été mis en cause dans le cadre d’une enquête judiciaire sur la diversification des activités de la Mutuelle nationale des étudiants de France (Mnef), auprès de laquelle il avait exercé une activité d’avocat-conseil de 1994 à 1997.
Récemment, l’Europe a vu des responsables politiques rendre leurs tabliers. C’est le cas de Karl-Theodor zu Guttenberg, ministre de la Défense allemand qui, après avoir été accusé de plagiat, avait annoncé sa démission, le mardi 1er mars 2011 et avait renoncé à son titre de Docteur.
Incapables de stopper ou de prévenir une crise économique dans leurs pays respectifs, Silvio Berlusconi (premier ministre italien) et Georges Papandreou (celui de la Grèce) ont admis, au plus profond de la crise, leur incompétence et ont accepté volontiers de démissionner de leurs prestigieuses fonctions.
Paradoxalement, le drame du Joola (au Sénégal), qui, le 26 septembre 2002, s’est traduit par la mort d’environ 2000 personnes en moins de dix minutes, est une illustration parfaite de l’allergie démissionnaire du politique africain. En effet, le président sénégalais se considérant lui-même comme irresponsable de cette tragédie a néanmoins dû se résoudre à démettre ses ministres qui, eux aussi, ne songeaient pas à tirer les conséquences de ce naufrage. Le Premier ministre de l’époque Mame Madior Boye, le ministre des Transports, Youssouf Sakho et son homologue des Forces armées, Youba Sambou ont été finalement démis par leur chef à défaut de démissionner. C’est pourquoi Maurice Defao déduit que : « La culture de la démission est suffisamment ancrée dans les valeurs occidentales.»
Les démissions « calculées » et/ou « orchestrées » de Léopold Sédar Senghor alors président du Sénégal et d’Ahmadou Ahidjo, ex-président du Cameroun, avaient été perçues, par une bonne frange de l’opinion publique, comme s’inspirant de ces valeurs occidentales.
Mais, à l’analyse, la démission ressemble davantage à ce chapeau de magicien d’où il est possible de faire sortir toute sorte de choses. En effet, il suffit de constater que pendant que les personnalités européennes susmentionnées démissionnent pour incompétence notoire ou pour se mettre à la disposition de la Justice, et que leurs homologues africains choisissent de s’accrocher à leur poste coûte que coûte, quelques rares responsables politiques africains choisissent tout de même de démissionner, mais pas du tout pour les mêmes raisons. Au contraire, ils démissionnent la plupart du temps pour excès de compétence, celle-ci étant par essence incompatible avec les logiques prédatrices qui fondent et déterminent les systèmes politiques africains dominants.
C’est ainsi que Garga Haman Adji quittera le gouvernement camerounais au début des années 90, protestant contre les pressions qu’il subissait dans la vaste lutte contre la corruption qu’il avait engagée alors qu’il était ministre de la Fonction publique. Plus récemment (le 30 novembre 2011), le Pr. Maurice Kamto démissionnait à son tour de ce même gouvernement « […] par patriotisme […]», c'est-à-dire par « […] amour inconditionnel de son pays […]», par « […] souffrance de sa décadence […]», par « […] aspiration à son unité et sa grandeur. » Surtout, il en démissionnait « […] pour l’avenir. » C’est-à-dire, pour présenter au pays « des idées et une équipe pour les porter ».
Les exemples comme ceux-ci ne sont pas légion dans notre environnement politique où la transhumance politique et les calculs alimentaires semblent devenus la règle. Il s’en suit qu’en Afrique où on pourrait presque parler de culture de la démission à l’envers, « la démission demeure, elle, une option éthique oubliée » (J. Patrick Dobel, 1999 :133) n’eut été la présence d’une autre espèce politique de démissionnaire qui a recourt à cet acte supposé noble (puisqu’il a vocation à laver l’honneur pour restaurer la dignité perdue) dans le seul but de devenir calife à la place du calife. L’exemple de Titus Edzoa l’atteste. Quid de Maurice Kamto avec son projet de « Renaissance nationale » ?
Dans la mesure où l’irresponsabilité politique constitue le revers de la médaille et la négation même du phénomène de démission politique en tant que manifestation d’une conscience de la responsabilité qui y est attachée, un éclairage des experts s’avère nécessaire pour permettre à l’auditoire et au public en général d’appréhender les faits d’actualité y relatifs tout en demeurant à l’abri des illusions prégnantes de la démagogie politique qui très souvent les accompagnent. À cet effet, quatre axes essentiels pour le processus de construction d’États de droits en Afrique semblent se dégager en rapport avec le thème arrêté :
Les axes de la discussion
1. Les fondements politiques et juridiques de l’irresponsabilité politique en Afrique (en général) et au Cameroun (en particulier). (Pr Alain Didier Olinga)
2. Quel contenu donner au concept de démission politique dans le contexte africain et comment distinguer le bon grain de l’ivraie ? (Pr Fabien Eboussi Boulaga)
3. La démission politique comme consécration de la fin d’une culture de l’irresponsabilité politique en Afrique ? (Dr Mathias Eric Owona Nguini)
Modérateur: Jean-Bosco Talla
Cette conférence-debat aura lieu quand ? Le jeudi 23 février 2012,
Où ? Au Djeuga Palace à partir de 14h