L’état-major de l’ancien parti-unique qui veut imposer des candidats est désavoué sur le terrain par la base dans toutes les régions où les militants réclament plus de démocratie.
Un peu partout dans le pays, c’était la tension la semaine dernière dans les rangs du parti au pouvoir, le Rassemblement démocratique du peule camerounais (RDPC). Les commissions régionales «de réception, d’analyse et d’évaluation des candidatures» (quel cahier de charges !), mises sur pied par le secrétariat général du comité central, comme à l’approche de chaque scrutin au Cameroun, ont eu maille à partir avec la base. Le bon vieux discours de la «discipline du parti» ne semble plus convaincre grand monde, et des voix discordantes se sont fait entendre face à ce qu’elles considèrent comme un trafic d’influence, un manque de fair-play, de transparence et de démocratie tout court de la part des délégations du comité central déployées sur le terrain.
Dans la région de naissance (Sud) du président national, Paul Biya par exemple, la doyenne Delphine Medjo, membre du bureau politique du RDPC, a essuyé de vives protestations quand, lors des rencontres informelles, a brandi une «liste consensuelle» que la hiérarchie du parti souhaiterait aux sénatoriales du 14 avril 2013. Elle-même y est tête de liste, avec comme colistier le neveu du chef de l’Etat Bonaventure Mvondo Assam et Grégoire Mba Mba, l’ancien maire de Kribi. «Nous en avons assez de ce diktat du comité central. Le président national a luimême déclaré que le RDPC ne saurait être un parti d’état-major, mais chaque fois on vient imposer à la base un prétendu choix de la hiérarchie ; cette fois ça ne marchera pas», grommelle un militant ayant pris part à la réunion. Aux dernières nouvelles, la prétendue liste consensuelle affrontera cinq autres listes dans cette présélection du RDPC. Car Marcel Niat Njifendji qui conduisait la délégation du comité central est rentré avec six listes de candidats à Yaoundé au terme de la réunion tenue le 5 mars à Ebolowa.
On apprend notamment le membre suppléant du comité central Charles Ateba Eyene a décidé de présenter une liste pour la candidature RDPC aux sénatoriales dans laquelle on retrouve le député de l’Océan Martin Oyono. Deux tenants du courant des rénovateurs, lequel entend bousculer les vieilles habitudes de l’ex parti unique.Un peu partout, ce fut la même grogne des élites et militants du parti au pouvoir face à «aux anciennes méthodes du parti unique». Comme dans la région de l’Ouest où le ministre Abba Sadou, chef de la délégation du comité central, a senti le vent de la révolte tourner et a finalement décidé d’enregistrer toutes les listes qui lui étaient présentées (lire l’article cicontre).
La circulaire du président du RDPC publié à cet effet n’indique pas qu’il y aura des primaires au sein du parti, mais divers tamis qui sont autant de zones de suspicion : Les commissions régionales avaient jusqu’au 7 mars pour recevoir des dossiers complets, puis devaient transmettre leur rapport à la commission centrale de supervision au plus tard samedi dernier 9 mars. A son tour la commission centrale de supervision (qui n’a donc de centrale que de nom) devrait adresser son rapport à la commission nationale d’investiture.
Pourquoi toutes ces contorsions, à l’ère de la démocratie et du vote biométrique, d’autant que le président national du RDPC nommera 30 sénateurs sur les 100 qui siégeront à la chambre haute du parlement cette année pour la première fois ?