INTERDICTION DE MANIFESTER AU SENEGAL: Wade a-t-il peur du M23 ?
INTERDICTION DE MANIFESTER AU SENEGAL: Wade a-t-il peur du M23 ?
"Attention aux affrontements !" Ainsi prévenions-nous dans notre éditorial du mardi 24 janvier 2012. Car, à mesure qu’approche la date limite du dépôt de candidatures et du verdict du Conseil constitutionnel, le ton est monté d’un cran et la tension est palpable au Sénégal. On assiste à des manifs et contre-manifs. Et le risque d’affrontement entre militants du pouvoir et ceux de l’opposition était devenu grand, tant et si bien que l’on se demandait, la main sur le coeur, ce que pourrait nous réserver le verdict du Conseil constitutionnel. Le M23, cette coalition de partis politiques de l’opposition et d’organisations de la société civile, n’entend pas se laisser conter fleurette si bien qu’il avait entrepris, depuis dimanche dernier, des manifestations pacifiques comme pour dire à Wade qu’il ne baisse pas la garde.
Toute chose qui n’est pas passée inaperçue puisque, en réaction à cette clameur, les partisans du président Wade avaient eux aussi organisé des meetings pour soutenir leur candidat. Jusque-là, il n’y avait pas à redire puisque ces manifs et contre-manifs se déroulaient dans un cadre républicain. Mais voilà que, comme par enchantement, le pouvoir de Dakar vient de prendre une fatwa, interdisant toutes manifestations et ce, à compter du jeudi 26 au lundi 30 janvier 2012. Au fait, la mesure elle-même peut paraître opportune si l’on croit les autorités sénégalaises qui soutiennent que cela permettra d’éviter les dérapages susceptibles d’affecter la paix et la cohésion sociales au pays de la Téranga. Mais on se demande si, en tant que juridiction indépendante et dotée de pleins pouvoirs (s’il en est), le Conseil constitutionnel sénégalais avait besoin d’une telle mesure pour pouvoir dire le droit.
En prenant une telle décision, le président Wade donne, sans le savoir, des verges à ses contempteurs pour se faire fouetter. D’autant que tout porte à croire qu’il connaît déjà la suite favorable qui sera donnée à sa candidature par le Conseil constitutionnel. Et, pour parer à toute éventualité, il prend donc les devants pour mettre tout le monde devant le fait accompli. C’est à ne rien comprendre, puisqu’on se rappelle que lors d’une de ses récentes sorties médiatiques, le président Wade avait déclaré, l’air visiblement serein, que ceux qui s’opposaient à sa candidature n’étaient pas assez représentatifs du peuple sénégalais. Pourquoi donc avoir peur d’un "groupuscule qui ne représente rien" ? En tout cas, en attendant la réaction du M23 face à cette interdiction de manifester annoncée par les autorités, il y a un fait qui est indéniable : le président Wade est frileux et fait flèche de tout bois pour que soit validée sa candidature. Du reste, cette mesure impopulaire risque, si l’on n’y prend garde, de radicaliser les positions et de cristalliser les tensions puisque le M23 ne l’entendra sans doute pas d’une bonne oreille. Vivement que le Sénégal n’entame pas son image de nation démocratique qui a toujours donné le bon exemple par la grandeur et la maturité de ses fils et filles.