Insécurité: Un Libano-camerounais craint pour sa vie

DOUALA - 10 SEPT. 2012
© Jean François CHANNON | Le Messager

Une plainte a récemment été déposée par le directeur général de la société Cana Bois, Nassar Bouhadir, à la police judiciaire contre inconnu, pour tentative d’assassinat. L’homme d’affaire libano-camerounais affirme que son domicile a été mis sous écoute et sous radiation dangereuse dans le but de l’assassiner. Il accuse ainsi formellement des réseaux proches de certaines chancelleries au Cameroun et un ministre de la République, qui auraient créé une coalition contre lui après ses récentes dénonciations d’une mafia active dans le secteur des forêts au Cameroun.

Quartier Ahala dans la banlieue de Yaoundé samedi, 9 septembre 2012. La clôture de la société forestière Cana Bois est hermétiquement fermée. Ceci comme depuis fin avril 2012, date de la cessation d’activités de cette entreprise qui a mis en chômage technique son millier d’employés. Le gardien installé devant le portail est formel : « Le patron est gravement malade. Je ne sais pas s’il va pouvoir se lever pour vous recevoir», lance-t-il avant de s’assurer que nous avons effectivement rendez-vous et d’ouvrir le portail. A l’intérieur de l’enceinte de l’usine Cana Bois règne un calme troublant. L’ambiance bruyante d’il y a quelques mois, avec notamment les va et vient des ouvriers et le bruit des moteurs des engins et des machines a disparu. Plus grave des rumeurs incessantes relatives à la mort du maître des lieux, l’homme d’affaire camerounais d’origine libanaise Nassar Bouhadir, ont circulé dans certains milieux de la capitale. Vérifications faites ce jour-là, il n’en est rien. Du moins pas pour l’instant. Nassar Bouhadir est bien vivant. Mais l’homme qui a eu la force de quitter son domicile situé à quelques mètres de son usine pour recevoir le reporter du Messager dans son bureau est vraiment mal au point : « C’est peut-être la dernière fois que vous me voyez. Je suis enfermé ici chez moi depuis des mois. J’ai reçu des menaces de mort depuis que j’ai fait ma conférence de presse pour dénoncer la mafia qui existe dans le secteur des forêts au Cameroun. Mes adversaires qui sont soutenus par des chancelleries, mais aussi par un membre du gouvernement, ont décidé d’avoir ma peau. Ils n’ont pas pu démontrer le contraire de ce que j’ai dit. Mais ils ont décidé de me tuer à petit feu par un système diabolique ». Nassar Bouhadir a énormément perdu du poids. Ce n’est plus ce personnage sûr de lui et toujours vif dans l’allure que beaucoup ont connu. Il parle à un rythme saccadé et sa respiration est lente. Il a même de la peine à se déplacer, et son visage est très amaigri.

«Ce que je vais vous dire est que j’ai beaucoup investi au Cameroun, un beau pays, mon pays qui m’a beaucoup donné. Mais je trouve anormal que le gouvernement ne m’ait pas protégé face à des adversaires étrangers coriaces qui se sont ligués avec un ministre de la République pour m’abattre. Mes téléphones sont tous sur écoutes. Ma maison est surveillée jour et nuit. Et plus grave encore, je me suis rendu compte que des gens ont infiltré ma maison pendant que j’étais absent et ont mis des micros dans les jouets de mon fils, mais aussi dans mon appareil de massage et ma balance qui se trouvent à mon domicile. Ils ont aussi installé des appareils de radiation toxique qui m’empoisonne et va me tuer à petit feu. J’ai fait venir des médecins qui m’ont confirmé que je suis fortement atteint dans mon corps. Le but est de me tuer pour qu’on dise que j’ai été empoisonné, alors qu’il s’agit bien d’un assassinat », explique le directeur général de Cana Bois qui annonce par la suite qu’il va dans les prochains jours convoquer une conférence de presse pour montrer toutes les preuves qui fondent ses accusations.


Adversité

En tout cas depuis qu’il a fermé son usine de transformation de bois, pour cause dit-il de « persécution injustifiée des réseaux mafieux» Nassar Bouhadir vit un peu comme en réclusion chez lui à Ahala. L’homme d’affaire libano-camerounais n’est pas à sa première épreuve. Il y a quelques années, le sanctuaire à gorilles qu’il avait mis en place à Mengame dans la région du Sud avait été démantelé par l’ex-ministre de l’ex-ministère de l’Environnement et des forêts, Naah Ondoua. L’affaire avait alors fait beaucoup de bruit. Sans se décourager il avait alors choisi d’investir dans le domaine de l’exploitation forestière. Mais en décembre dernier, les permis de coupe que le Minfof lui avait attribuée dans le département du Mbam et Kim, précisément dans l’arrondissement de Yoko, ont été suspendus par le ministre des Forêts et de la faune au profit d’une société concurrente, la Société industrielle de Mbang (Sim) derrière laquelle se trouvent des hommes d’affaires français et italiens. Il se trouve que la Sim, selon un témoignage du sous-préfet de Yoko était partenaire avec une structure pilotée par le secrétaire particulier du ministre René Emmanuel Sadi, actuel ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation. Nassar Bouhadir qui avait jugé le retrait de ses titres d’exploitation illégal, avait traîné le ministre des Forêts et de la faune, Philip Ngole Mgwesse en justice, avant de déclarer au cours d’une conférence de presse que «le membre du gouvernement en question était le véritable commanditaire du retrait de mes titres d’exploitation». Toutes accusations balayées du revers de la main par les proches du ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation.
Aujourd’hui, très mal en point physiquement et presqu’à l’article de la mort, il voit derrière ses malheurs des réseaux qui soutiennent ses concurrents et qui veulent sa mort. Joint au téléphone, un diplomate de l’ambassade de France au Cameroun qui a requis l’anonymat et qui connaît assez bien Nassar Bouhadir, affirme ne rien comprendre à ses accusations. Dans l’entourage du secrétaire particulier du ministre René Emmanuel Sadi, on rejette toutes ces accusations parlant « d’un homme d’affaires victime de ses turpitudes.»



10/09/2012
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