Inondations: Biya confirme l’imprévision du gouvernement
DOUALA - 21 SEPT. 2012
© Salomon KANKILI | Le Messager
S’adressant hier aux sinistrés de Guirvidig, le chef de l’Etat a promis de mettre dorénavant, un point d’honneur sur la prévention des catastrophes.
Les inondations meurtrières dans le Nord et l’Extrême-Nord auraient pu être évitées. Le chef de l’Etat a semblé le dire hier 20 septembre à Guirvidig. Dans son adresse aux populations sinistrées, Paul Biya a clairement tourné en dérision le manque de prévention, la passivité du gouvernement Yang Philémon en matière de catastrophes. « Même s’il est difficile de s’opposer au déchaînement des forces de la nature, nous ne devons pas pour autant rester passifs devant une menace qui est permanente et omniprésente. Nous devons, autant que possible, par la prévision et la prévention, mettre toutes les chances de notre côté », a-t-il déclaré. Non sans avoir mesuré la gravité de la situation qui prévaut actuellement dans les zones lessivées par les eaux: «Je dois dire que les inondations ont été particulièrement dévastatrices. En dehors de la tragédie des disparitions humaines que j’ai évoquées il y a un instant, la montée des eaux a provoqué le déplacement des populations ainsi que la destruction des cultures et du bétail ; ce qui risque de compromettre sérieusement la sécurité alimentaire et la santé de plusieurs milliers de personnes ».
Des défaillances accompagnent la prise en charge des déplacés décidément en débandade dans des camps de fortune. Paul Biya dit avoir demandé aux services compétents de l’Etat (la Protection civile en l’occurrence), de procéder à une actualisation de l’inventaire des zones à risques. La finalité étant de mettre en route des actions adéquates afin de limiter les dégâts. Dorénavant, « il conviendrait de renforcer, à tous les niveaux et de manière régulière, l’information météorologique, afin de permettre aux populations de disposer de renseignements utiles sur les variations climatiques», dira le chef de l’Etat. Depuis le déclenchement de la catastrophe dans le septentrion, il a précédemment instruit au gouvernement le déblocage de la somme d’1,5 milliard Fcfa au titre de l’aide d’urgence ; la construction d’une digue-route de 330 km allant de Gobo à Kousséri ; un fond spécial de soutien aux populations victimes des catastrophes. En revanche, ceux qui ont perdu dans les eaux devront encore attendre. Car, « j’ai instruit qu’il soit procédé à l’évaluation du coût des destructions, qu’il s’agisse des habitations, des établissements scolaires, du réseau routier et autres infrastructures, en vue de leur réhabilitation ou de leur reconstruction sans délais. Il en va de même des cultures et du bétail ». Quand débutera effectivement cette mission susceptible de redonner le sourire aux victimes des inondations ? L’assistance au camp de Guirvidig n’en saura pas plus.
Salomon KANKILI, à Guirvidig
Témoignage: Ce que j’ai vu à Guirvidig
Le quotidien des sinistrés qui y vivent est aussi émouvant que bouleversant. Evocation d’un séjour à la suite du chef l’Etat.
Après deux (2) heures environ de route abord d’un pick up de marque Toyota, des confrères et moi sommes parvenus à rallier Guirvidig vers 10h ce matin de septembre 2012. Par une route boueuse, accidentelle et mal bitumée par endroit. De Maroua à cette localité qui abrite depuis quelques semaines des milliers de sinistrés il faut compter 70 Km. De loin ou à première vue, ce site de fortune ressemble à un camp de refugiés. Des tentes y sont dressées sur une grande superficie défrichée. Pourtant la vie ici rappelle la pitié. Un poste de sécurité, une infirmerie, une tente d’hospitalisation, une école à ciel ouvert, une pharmacie, des forces de l’ordre qui vont et viennent… Des malades en transes transportés sur une civière et qui n’en finissent plus de déborder le personnel (génie militaire, Minsanté) en place…A un jet de pierre ces gosses assoiffés et faméliques à qui un adulte essaye de distribuer de l’eau à l’aide d’un gobelet unique…Que dire de cette mère d’enfants mélancolique, couchée dans une tente, laquelle sert aussi d’habitation à sa famille ? La femme affirme qu’il y a deux jours, elle recevait une tasse de mil en guise de ration alimentaire. « On nous donne une tasse de mil chaque deux jours », lance-t-elle. Le Messager apprendra également que l’eau manque le plus dans ce camp de fortune. Fort heureusement, un forage vient d’être aménagé. En attendant son ouverture au public, les sinistrés s’abreuvent à l’eau non potable d’un puits creusés dans les environs. Leurs bêtes rescapées en divagation y font très souvent quelques virées.
Côté suivi médical, l’œil du reporter constate la dextérité de la mission militaire déployée dans le camp de Guirvidis. L’équipe médicale chapeautée par le colonel Affana n’a pas de répit. Pas moins d’un millier de patients ont déjà été reçu ici depuis l’aménagement du camp de sinistrés. Leur nombre de malades (une vingtaine par jour) augmente chaque jour. Au moment où nous mettions sous presse, tous les lits de la tente d’hospitalisation était occupés. Enfants, adolescents, adultes et vieux éprouvent manifestement les mêmes symptômes : mal de tête, maux de ventre, vertiges, fatigue générale… Officiellement, aucun cas de choléra n’a été notifié. Ce n’est pas pour autant que la menace est écartée.
Et puis il y a cette école à ciel ouvert. Le maître, la trentaine entamée tenait un fouet à la main droite. Pas de manuel ni de craie. La leçon du jour se résume à « restez tranquille !». Un inspecteur posté non loin m’a intimé l’ordre de « quitter de là ». L’homme dans tous ses états ne souhaitait visiblement pas que votre journal en parle. Au fur et à mesure que je déambulais entre les tentes du camp de Guirvidig, je n’ai pas pu retenir mes larmes. Comme Chantal Biya.
Salomon KANKILI, à Guirvidig
© Salomon KANKILI | Le Messager
S’adressant hier aux sinistrés de Guirvidig, le chef de l’Etat a promis de mettre dorénavant, un point d’honneur sur la prévention des catastrophes.
Les inondations meurtrières dans le Nord et l’Extrême-Nord auraient pu être évitées. Le chef de l’Etat a semblé le dire hier 20 septembre à Guirvidig. Dans son adresse aux populations sinistrées, Paul Biya a clairement tourné en dérision le manque de prévention, la passivité du gouvernement Yang Philémon en matière de catastrophes. « Même s’il est difficile de s’opposer au déchaînement des forces de la nature, nous ne devons pas pour autant rester passifs devant une menace qui est permanente et omniprésente. Nous devons, autant que possible, par la prévision et la prévention, mettre toutes les chances de notre côté », a-t-il déclaré. Non sans avoir mesuré la gravité de la situation qui prévaut actuellement dans les zones lessivées par les eaux: «Je dois dire que les inondations ont été particulièrement dévastatrices. En dehors de la tragédie des disparitions humaines que j’ai évoquées il y a un instant, la montée des eaux a provoqué le déplacement des populations ainsi que la destruction des cultures et du bétail ; ce qui risque de compromettre sérieusement la sécurité alimentaire et la santé de plusieurs milliers de personnes ».
Des défaillances accompagnent la prise en charge des déplacés décidément en débandade dans des camps de fortune. Paul Biya dit avoir demandé aux services compétents de l’Etat (la Protection civile en l’occurrence), de procéder à une actualisation de l’inventaire des zones à risques. La finalité étant de mettre en route des actions adéquates afin de limiter les dégâts. Dorénavant, « il conviendrait de renforcer, à tous les niveaux et de manière régulière, l’information météorologique, afin de permettre aux populations de disposer de renseignements utiles sur les variations climatiques», dira le chef de l’Etat. Depuis le déclenchement de la catastrophe dans le septentrion, il a précédemment instruit au gouvernement le déblocage de la somme d’1,5 milliard Fcfa au titre de l’aide d’urgence ; la construction d’une digue-route de 330 km allant de Gobo à Kousséri ; un fond spécial de soutien aux populations victimes des catastrophes. En revanche, ceux qui ont perdu dans les eaux devront encore attendre. Car, « j’ai instruit qu’il soit procédé à l’évaluation du coût des destructions, qu’il s’agisse des habitations, des établissements scolaires, du réseau routier et autres infrastructures, en vue de leur réhabilitation ou de leur reconstruction sans délais. Il en va de même des cultures et du bétail ». Quand débutera effectivement cette mission susceptible de redonner le sourire aux victimes des inondations ? L’assistance au camp de Guirvidig n’en saura pas plus.
Salomon KANKILI, à Guirvidig
Témoignage: Ce que j’ai vu à Guirvidig
Le quotidien des sinistrés qui y vivent est aussi émouvant que bouleversant. Evocation d’un séjour à la suite du chef l’Etat.
Après deux (2) heures environ de route abord d’un pick up de marque Toyota, des confrères et moi sommes parvenus à rallier Guirvidig vers 10h ce matin de septembre 2012. Par une route boueuse, accidentelle et mal bitumée par endroit. De Maroua à cette localité qui abrite depuis quelques semaines des milliers de sinistrés il faut compter 70 Km. De loin ou à première vue, ce site de fortune ressemble à un camp de refugiés. Des tentes y sont dressées sur une grande superficie défrichée. Pourtant la vie ici rappelle la pitié. Un poste de sécurité, une infirmerie, une tente d’hospitalisation, une école à ciel ouvert, une pharmacie, des forces de l’ordre qui vont et viennent… Des malades en transes transportés sur une civière et qui n’en finissent plus de déborder le personnel (génie militaire, Minsanté) en place…A un jet de pierre ces gosses assoiffés et faméliques à qui un adulte essaye de distribuer de l’eau à l’aide d’un gobelet unique…Que dire de cette mère d’enfants mélancolique, couchée dans une tente, laquelle sert aussi d’habitation à sa famille ? La femme affirme qu’il y a deux jours, elle recevait une tasse de mil en guise de ration alimentaire. « On nous donne une tasse de mil chaque deux jours », lance-t-elle. Le Messager apprendra également que l’eau manque le plus dans ce camp de fortune. Fort heureusement, un forage vient d’être aménagé. En attendant son ouverture au public, les sinistrés s’abreuvent à l’eau non potable d’un puits creusés dans les environs. Leurs bêtes rescapées en divagation y font très souvent quelques virées.
Côté suivi médical, l’œil du reporter constate la dextérité de la mission militaire déployée dans le camp de Guirvidis. L’équipe médicale chapeautée par le colonel Affana n’a pas de répit. Pas moins d’un millier de patients ont déjà été reçu ici depuis l’aménagement du camp de sinistrés. Leur nombre de malades (une vingtaine par jour) augmente chaque jour. Au moment où nous mettions sous presse, tous les lits de la tente d’hospitalisation était occupés. Enfants, adolescents, adultes et vieux éprouvent manifestement les mêmes symptômes : mal de tête, maux de ventre, vertiges, fatigue générale… Officiellement, aucun cas de choléra n’a été notifié. Ce n’est pas pour autant que la menace est écartée.
Et puis il y a cette école à ciel ouvert. Le maître, la trentaine entamée tenait un fouet à la main droite. Pas de manuel ni de craie. La leçon du jour se résume à « restez tranquille !». Un inspecteur posté non loin m’a intimé l’ordre de « quitter de là ». L’homme dans tous ses états ne souhaitait visiblement pas que votre journal en parle. Au fur et à mesure que je déambulais entre les tentes du camp de Guirvidig, je n’ai pas pu retenir mes larmes. Comme Chantal Biya.
Salomon KANKILI, à Guirvidig