Informations confidentielles sur la situation actuelle en Cote d'Ivoire
Une note des services secrets Suisses révèle des divergences entre Alassane Ouattara et Guillaume Soro. Mais elle évoque également les soutiens dont bénéficie le président Gbagbo tant en Afrique que dans le monde.
Alassane
Ouattara s'est-il convaincu de l'impossibilité, en tout cas dans
l'immédiat, d'une action militaire pour chasser le président Laurent
Gbagbo du pouvoir ? En tout cas, rien n'est sûr mais, selon une note
confidentielle de Coverseas Worldwide, une société suisse de collecte
des informations confidentielles et d'assistance aux personnes, en date
du 3 janvier dernier, le mentor du RDR et de la rébellion serait en
désaccord avec Guillaume Soro, son lieutenant, sur la nécessité
d'utiliser la force pour arracher le pouvoir à Laurent Gbagbo.
Selon
cette note, Ouattara est favorable à un étranglement financier de la
Côte d'Ivoire pour contraindre Gbagbo à quitter le pouvoir alors que
Guillaume Soro, lui, est favorable à une action militaire. « (…) des
dissensions entre Alassane Ouattara et Guillaume Soro, son Premier
ministre, commenceraient à apparaître. Soro souhaite un renversement de
Gbagbo par la force ou une partition du pays dans un premier temps afin
de consolider sa base « nordique » et non un plan
négocié, qui permettrait à Gbagbo de rester encore plusieurs mois au
pouvoir et de disposer de suffisamment de temps pour retourner la
situation en sa faveur. Alassane Ouattara ne souhaite pas recourir à ce
principe mais préfère les stratégies d'étranglement financier et
d'isolement diplomatique afin que Gbagbo renonce au pouvoir», peut-on
lire dans le document classé confidentiel. Ouattara et Soro se
retrouvent cependant sur un point : il faut faire vite. Car, précise la
note, «plus le temps passe, plus Alassane Ouattara perd de sa crédibilité (vis-à-vis de ses soutiens) en restant bloqué au Golf Hôtel».
A en croire le rapport, Ouattara, malgré le «contrôle
des comptes de la Côte d'Ivoire à la BCEAO et le soutien de l'UE, de
Washington et de l'ONU, n'arrive pas à inverser la situation à
l'intérieur du pays. Ses différents appels à la grève et aux marches de
protestation ne prennent pas. L'armée reste fidèle à Laurent Gbagbo».
L'option militaire
Sur les différentes options
militaire et financière pour contraindre le président Gbagbo à partir du
pouvoir, Coverseas Worldwide révèle que l'option militaire a déjà été
conçue par les chefs militaires des pays membres de la CEDEAO, avec
l'aval de l'Union Africaine.
Toutefois, la société suisse estime que l'action sur le terrain sera nettement plus délicate. «Elle
demandera des moyens en hommes et en matériels conséquents et,
considérant la situation actuelle au Nigeria, l'implication de ce pays
sera moins importante que prévu. Ensuite, il faut considérer la durée
d'une telle intervention et son mode opératoire. La solution de
pénétration ne pourra se faire que par le nord avec l'appui des FAFN via
les frontières du Burkina Faso, du Mali et du Libéria et sa durée ne
devra pas excéder 20 jours pour éviter un enlisement. Enfin, en cas
d'intervention, certains Ivoiriens pourraient rejoindre l'armée pour
défendre leur pays contre une invasion extérieure en raison d'un sens
patriotique exacerbé. En plus de l'armée, Gbagbo peut compter sur sa
garde présidentielle, ses mercenaires liberiens, ses appuis angolais,
ses milices et ses jeunes patriotes, ce qui lui offre un effectif
d'environ 6 000 hommes correctement équipés». Pour toutes ces
raisons, Coverseas Worldwide croit que l'option militaire ne devrait
vraisemblablement pas avoir lieu, du moins dans les mois à venir.
Cependant, elle indique que selon des informations en sa possession, la
deuxième semaine de février 2011 pourrait être le début de l'opération
militaire mais «rien ne le confirme actuellement», fait-elle remarquer.
L'option d'étranglement financier
Dès lors que
l'option militaire n'est plus à l'ordre du jour parce que peu probable,
il reste l'option d'étranglement financier. Selon Coverseas Worldwide,
c'est la stratégie actuelle de la communauté internationale qui, en plus
de l'isolement diplomatique, entend étrangler financièrement la Côte
d'Ivoire. Toutefois, la société suisse estime que «l'Etat ivoirien dispose de suffisamment de ressources pour lui permettre de voir venir mars 2011».
Pour
autant, avec cette situation où tous les bailleurs de fonds ont coupé
avec la Côte d'Ivoire et où les comptes du pays sont en train d'être
bloqués au niveau de la BCEAO au profit de Ouattara, on constate, note
le rapport, une «baisse importante de l'économie du pays. L'inflation a
fait augmenter en moyenne de 30 à 50% les prix du gaz, du riz et des
denrées de premières nécessités. (…) De nombreuses PME ne pourront
supporter une trop longue crise politique. Cet ensemble va se traduire
par une nette diminution des rentrées d'impôts directs et indirects dans
les caisses de l'Etat. Il est très envisageable de voir réapparaître de
fortes pressions fiscales envers les entreprises locales et les groupes
internationaux, comme durant la période 2003/2005. L'inflation se
traduira par une augmentation de la délinquance et de possibles
manifestations de rue contre la «vie chère», ce que redoute le camp Gbagbo». C'est donc sur la révolte populaire contre Laurent Gbagbo pour des raisons de «vie chère» que comptent Ouattara et ses soutiens pour lancer une attaque armée dans «la deuxième semaine de février 2011» pour faire tomber le président Gbagbo.
Or,
selon ce qui se raconte partout en ville et dans les villages, le jour
où ce problème va se poser, les manifestants iront directement au Golf
pour demander des comptes à Ouattara. De nombreux sous-officiers
rencontrés ne disent pas autre chose.
Les soutiens de Laurent Gbagbo
Mais, les choses
ne devraient pas se passer ainsi que le prévoient les adversaires de
Laurent Gbagbo. Car le président Gbagbo, précise Coverseas Worldwide,
n'est pas seul et a de gros soutiens dans la CEDEAO et dans l'Union
Africaine. Il s'agit du Ghana, du Bénin, du Cap Vert, du Cameroun, de
l'Angola, du Tchad, de l'Algérie, de la Gambie… pour ne citer que
ceux-là. Ces pays sont très hostiles à une intervention militaire en
Côte d'Ivoire. Ils sont tous pour une solution négociée de la crise
ivoirienne. Et ils entendent peser de tout leur poids pour obtenir un
plan de sortie de crise qui tienne compte des questions de fond de la
crise et non sur des négociations pour que Gbagbo cède le pouvoir à
Ouattara.
«Du côté des relations extérieures, écrit Coverseas
Worldwide, malgré le soutien sans faille des chancelleries occidentales à
Alassane Ouattara, depuis quelques jours, de nouveaux soutiens
africains à Laurent Gbagbo se manifestent. Pour l'instant, à part
l'Angola, qui ne s'en cache pas, certains pays comme le Tchad, le Mali
et l'Algérie ne souhaitent pas durcir plus le ton vis-à-vis de Gbagbo
mais envisagent plutôt une sortie de crise «négociée»,
comme à Madagascar. Gbagbo dispose toujours en coulisse de solides
soutiens financiers et politiques russes, chinois, indiens et
israéliens. Enfin, le Vatican, via le Cardinal Madtha, est favorable aux
idées de Laurent Gbagbo. Un allié d'une envergure diplomatique de ce
niveau est fortement apprécié par des pays où la dominance de la
religion au niveau de l'exécutif est forte».
Au plan interne,
l'administration Gbagbo a déjà tout prévu même les cas les plus
extrêmes, a dit Jacob Ahoua Don Mello, le porte-parole du gouvernement.