Incident : La Crtv diffuse la psychose
Une panne technique a empêché la diffusion vendredi dernier du journal parlé de 13h semant la panique dans l’opinion.
Il
y a eu de la matière pour meubler l’antenne de «radio-trottoir»
vendredi dernier en début d’après midi à Yaoundé et au-delà. Scotchés
sur les ondes du poste national de la Cameroon radio television (Crtv),
les auditeurs de la radio d’Etat n’ont pas eu, comme de coutume, droit
au journal de 13h. Une situation qui a accouché de mille et une
conjectures dans le «journal de la rue». Chacun voyant midi à sa porte.
Pendant que certains redoutaient des «bruits de bottes en ce moment où
le chef de l’Etat n’a plus confiance aux gens qui assurent sa sécurité»,
d’autres s’étonnaient simplement de cette «bavure par rapport à
l’institution qu’est devenu le journal de13h». Pour avoir le cœur net,
des habitants de la capitale ont, sous le coup de la panique, joint au
téléphone des proches réputés mieux informés. Dans le sérail, l’incident
a également provoqué un branle-bas.
De source digne de foi, le
ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary, a contacté en
urgence des responsables de la Crtv pour s’informer de la situation. Le
standard du poste national a, quant à lui, littéralement explosé.
Pourtant, au bout des ondes, rien ne semblait présager d’une tel «faux
bond» à l’antenne. Il était en effet 13h lorsque l’animateur principal
de Cameroon magazine, François Dina Valdez introduisait le présentateur
de la session d’informations de la mi-journée. Surprise, André Guivoum,
flanqué de Mireille Lambo, sa collègue d’expression anglaise, annonce
plutôt, en lieu et place du journal, un bulletin bilingue
d’informations. Il invoque des soucis techniques pour expliquer le
changement d’option. Dans son style alerte si caractéristique, André
Guivoum épuise sa chemise de nouvelles et passe le relais à sa collègue
qui se livre au même exercice. A la fin de cette édition-marathon, les
deux présentateurs mettront un point d’honneur à rappeler l’incident aux
auditeurs.
D’après un cadre de la rédaction du poste national
de la Crtv, contacté juste après l’incident «les machines se sont
plantées cinq minutes avant le début du journal. Cela arrive très
souvent et les techniciens s’affairent à débloquer la situation.
Aujourd’hui, cela n’a pas marché. Sauf que c’est depuis mercredi que les
machines manifestaient déjà véritablement des signes d’essoufflement,
mais rien n’a été fait pour éviter le pire». Notre source, qui soutient
qu’il s’agit de «de négligence dans la maintenance des équipements» a
par ailleurs indiqué, qu’après cet incident, un rattrapage était espéré
au journal de 15h, mais le même scénario s’est reproduit. C’est alors
que le directeur de l’information, Alain Belibi, a ameuté ses troupes
pour une réunion de crise. Réunion au cours de laquelle un «plan B» a
été présenté à chacun. En fait, il a été demandé à chaque journaliste de
passer désormais en direct et ce dans toutes les éditions où leur
présence est requise. En outre, il a été prévu d’utiliser des supports
tels que le Cd (compact disc), ou des solutions personnelles, pour ceux
qui ont leur propre matériel, pour contourner la solution du serveur.
Numérique
Un
autre journaliste de la rédaction centrale relève également les
«infidélités» récurrentes des machines reliées au serveur central. Ce
professionnel de l’information reconnait tout de même que ces machines
sont «très sollicitées». Beaucoup de journalistes, «séduits» par cette
technologie numérique, préfèrent de plus en plus enregistrer leurs
prestations (papiers dans le jargon journalistique) au lieu de passer en
direct. «Le journal de vendredi dernier était par exemple enregistré à
99%. Il n y avait que le présentateur et le réalisateur en studio. Au
moment où l’incident survient, la salle de rédaction était déjà vide»,
précise un journaliste, qui met cette dépendance à «radio assist» sur le
compte du «souci de contrôle des contenus». Un technicien avisé de la
maison souligne pour sa part que le problème de situe plus au niveau du
serveur central qui n’a pas été changé depuis 2007. Pourtant, il doit
être renouvelé tous les six mois».
Pour «clore définitivement»
la panique née de l’incident technique à l’édition du journal parlé de
13h vendredi dernier, un responsable technique de la Crtv interviewé par
le directeur de l’information (Di) radio Alain Belibi au journal de 17h
dira que le «serveur s’est planté avant le journal» et que tout est
revenu à la normale. Le Di indiquera, quant à lui, que tous les éléments
sonores devant garnir le 13h étaient fin prêts. Cependant, la
production est restée globalement paralysée à la Crtv-radio pendant le
week-end du fait de la panne du serveur central. Mis au courant de
l’incident, un ancien journaliste-radio a estimé qu’ «on ne peut pas
comprendre que la Crtv n’ait pas un studio de secours. Et si les
machines se plantaient au moment de la diffusion d’un message du chef de
l’Etat, qu’allait-on faire?», s’interroge-t-il. La panne de vendredi
dernier s’est produite alors que le directeur général de l’office,
Amadou Vamoulké, est en déplacement à l’étranger. Il a invité le
reporter de Mutations à «se rapprocher d’un directeur qui peut lui
expliquer cette panne».
Georges Alain Boyomo