Incertitudes - Affaire Vanessa Tchatchou: les zones d’ombre
YAOUNDÉ - 08 Février 2012
© Irène Fernande Ekouta | Le Jour
Le vol du bébé à l’hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique cache encore de nombreux mystères à élucider. L’histoire de cette mère au berceau dont le bébé a été volé quelques heures après sa naissance suscite encore l’indignation au Cameroun et au-delà.
De l’affaire Vanessa Tchatchou, on n’en finit plus de parler. L’histoire de cette mère au berceau dont le bébé a été volé quelques heures après sa naissance suscite encore l’indignation au Cameroun et au-delà. Jusqu’au 02 février 2012, l’on s’étonnait du mutisme du gouvernement face à ce scandale. Mais, la sortie médiatique du ministre de la Communication, Issa Tchiroma, jeudi dernier, n’a pas semblé rassurer l’opinion. Au contraire, elle est venue semer la confusion dans les esprits à plusieurs égards.
Au-delà du discours du porte-parole du gouvernement, des zones d’ombre demeurent. Partons du 20 août 2011, date de la disparition du bébé de l’adolescente. A 14h, ce samedi-là, Vanessa apprend que son bébé n’est plus dans sa couveuse. Il s’est évaporé dans la nature, alors même que personne n’est censé accéder en salle des couveuses. L’infirmière de garde ne donne pas d’explication claire.
A chaud, l’hôpital donne sa version le 24 août 2011, par la voix de son directeur général, le Pr Doh Anderson Sama. La suspecte est une jeune femme qui a dû profiter d’un moment d’inattention pour voler le bébé et s’enfuir. Celle-ci serait passée par un portail qui débouche sur l’entrée du camp des Chinois situé derrière l’établissement hospitalier. Sauf que l’issue en question est toujours fermée par une chaîne et un cadenas.
La suspecte serait donc passée par là, et, à l’entrée du camp des Chinois, aurait prétendu aller enterrer son bébé mort. Au moment des faits, l’hôpital ne signale pas le vol à une instance territorialement compétente, comme la brigade de Ngousso. La seule mesure que prend le Pr Doh Anderson Sama, c’est d’informer les gendarmes postés à l’entrée de l’établissement hospitalier.
La piste Nkoteng
Pendant ce temps, la famille formule deux plaintes. Une contre X, qu’elle dépose auprès du procureur du Tribunal de première instance d’Ekounou. Une autre contre le directeur général de l’hôpital, à la division régionale de la police Judiciaire. Ces deux plaintes resteront longtemps sans suite, ce qui maintiendra Vanessa et sa famille dans la détresse. Et soudain, un matin, la machine de l’enquête s’est remise en marche. Pourquoi? Le dossier avait-il été classé sans suites?
A la mi- septembre, des rumeurs sur l’arrestation d’une suspecte circulent. Elle aurait été interpellée par la brigade de Nkolmesseng, avec, dans son sac, des organes humains d’un nouveau-né. La présumée voleuse se serait évadée quelques jours après. Mais, rien n’a pu établir un véritable rapprochement entre les deux affaires. Comment cette évasion a pu se produire? C’est le black out. Où sont passés les gendarmes de garde le jour de cette curieuse évasion?
Lors de son «éclairage» de jeudi dernier, Issa Tchiroma Bakary évoque la piste de Nkoteng. Un nouveau-né y a été exhumé, deux suspects appréhendés. Ceux-ci reconnaissent les faits. L’un d’eux est la femme qui s’est évadée de la brigade de Nkolmesseng. Une interrogation: si elle a vraiment été interpellée par la brigade sus-mentionnée avec des organes humains et des soupçons portés contre elle, comment le nouveau-né en question se retrouve-t-il alors enterré à Nkoteng ? Selon une source proche du dossier, une exhumation a été faite après la première interpellation de Ngbwa Alabi. Entre la première et la deuxième exhumation, plusieurs mois ont passé. Pourquoi?
L’on découvre avec la déclaration du ministre que ce couple a agi en complicité. Or, ce n’est pas ce qui a semblé être le cas lors d’une récente confrontation entre Vanessa et les deux suspects appréhendés. « Cyrano Pamen et Ngbwa Alabi ont dit qu’ils ne me connaissaient pas. La fille dit qu’elle a volé l’enfant parce qu’elle croyait que c’était le produit de l’infidélité de son petit ami. Lui, dit que sa copine lui a plutôt annoncé avoir accouché ce 20 août-là», raconte Vanessa Tchatchou que nous avons jointe au téléphone hier. Sur les circonstances du vol, les violons ne s’accordent pas. «Ngbwa Alabi affirme qu’un troisième larron, l’ami de son amoureux, est allé chercher cet enfant en couveuse. Celui-ci jure le contraire», ajoute la jeune maman, qui pense que le flou persiste.
La magistrate: adoption ou accouchement
C’est sur Caroline Mejang Ndikum Ateh, première substitut du procureur auprès du tribunal de Mfou, que les soupçons du vol du bébé de Vanessa sont le plus portés. Depuis l’amplification de cette affaire, l’on a eu droit à deux versions. Dans les colonnes de Mutations du vendredi 3 février 2012, la magistrate affirmait avoir adopté son bébé par des voies normales et légales et que le bébé qu’elle avait entre ses mains n’était guère celui de Vanessa. Comment le sait-elle? Ceci est d’ailleurs contradictoire aux propos relayés par l’hebdomadaire La Météo. Dans sa livraison du 25 janvier 2012, le journal a donné la parole à M. Atangana, présenté comme le compagnon de la magistrate soupçonnée. Celui-ci a déclaré: «Oui, j'ai un bébé chez moi, et il est de mon épouse. Ceux qui disent qu'elle ne peut enfanter se trompent de personne».
Entre-temps, un autre acteur est sorti du bois. Il se présente comme étant l’ex-mari de Caroline Mejang Ndikum Ateh. Celui-ci nous a fait tenir la copie d’une lettre qui aurait été écrite, en anglais, de la main de son ancienne seconde épouse, lorsqu’elle l’a quitté. La lettre date du 11 janvier 2008 et est signée «Caro». On peut y lire: «Je ne peux que remarquer que j’ai été implicitement répudiée par toi, par ton refus catégorique de faire le spermogramme qui m’aurait permis de faire cette insémination artificielle. Moi aussi j’ai une envie folle d’être appelée «maman». L’ex-mari nous fait ensuite remarquer qu’il aurait fallu une fécondation in vitro pour que la magistrate accouche.
C’est un Sms datant du 30 août 2011 qui l’informe de la maternité de son ex-épouse. En substance, le message dit: «Wououh! La petite princesse vient de pousser son premier cri. Caro et son mari ont la joie de vous annoncer la venue au monde d’une petite fille…»
© Irène Fernande Ekouta | Le Jour
Le vol du bébé à l’hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique cache encore de nombreux mystères à élucider. L’histoire de cette mère au berceau dont le bébé a été volé quelques heures après sa naissance suscite encore l’indignation au Cameroun et au-delà.
De l’affaire Vanessa Tchatchou, on n’en finit plus de parler. L’histoire de cette mère au berceau dont le bébé a été volé quelques heures après sa naissance suscite encore l’indignation au Cameroun et au-delà. Jusqu’au 02 février 2012, l’on s’étonnait du mutisme du gouvernement face à ce scandale. Mais, la sortie médiatique du ministre de la Communication, Issa Tchiroma, jeudi dernier, n’a pas semblé rassurer l’opinion. Au contraire, elle est venue semer la confusion dans les esprits à plusieurs égards.
Au-delà du discours du porte-parole du gouvernement, des zones d’ombre demeurent. Partons du 20 août 2011, date de la disparition du bébé de l’adolescente. A 14h, ce samedi-là, Vanessa apprend que son bébé n’est plus dans sa couveuse. Il s’est évaporé dans la nature, alors même que personne n’est censé accéder en salle des couveuses. L’infirmière de garde ne donne pas d’explication claire.
A chaud, l’hôpital donne sa version le 24 août 2011, par la voix de son directeur général, le Pr Doh Anderson Sama. La suspecte est une jeune femme qui a dû profiter d’un moment d’inattention pour voler le bébé et s’enfuir. Celle-ci serait passée par un portail qui débouche sur l’entrée du camp des Chinois situé derrière l’établissement hospitalier. Sauf que l’issue en question est toujours fermée par une chaîne et un cadenas.
La suspecte serait donc passée par là, et, à l’entrée du camp des Chinois, aurait prétendu aller enterrer son bébé mort. Au moment des faits, l’hôpital ne signale pas le vol à une instance territorialement compétente, comme la brigade de Ngousso. La seule mesure que prend le Pr Doh Anderson Sama, c’est d’informer les gendarmes postés à l’entrée de l’établissement hospitalier.
La piste Nkoteng
Pendant ce temps, la famille formule deux plaintes. Une contre X, qu’elle dépose auprès du procureur du Tribunal de première instance d’Ekounou. Une autre contre le directeur général de l’hôpital, à la division régionale de la police Judiciaire. Ces deux plaintes resteront longtemps sans suite, ce qui maintiendra Vanessa et sa famille dans la détresse. Et soudain, un matin, la machine de l’enquête s’est remise en marche. Pourquoi? Le dossier avait-il été classé sans suites?
A la mi- septembre, des rumeurs sur l’arrestation d’une suspecte circulent. Elle aurait été interpellée par la brigade de Nkolmesseng, avec, dans son sac, des organes humains d’un nouveau-né. La présumée voleuse se serait évadée quelques jours après. Mais, rien n’a pu établir un véritable rapprochement entre les deux affaires. Comment cette évasion a pu se produire? C’est le black out. Où sont passés les gendarmes de garde le jour de cette curieuse évasion?
Lors de son «éclairage» de jeudi dernier, Issa Tchiroma Bakary évoque la piste de Nkoteng. Un nouveau-né y a été exhumé, deux suspects appréhendés. Ceux-ci reconnaissent les faits. L’un d’eux est la femme qui s’est évadée de la brigade de Nkolmesseng. Une interrogation: si elle a vraiment été interpellée par la brigade sus-mentionnée avec des organes humains et des soupçons portés contre elle, comment le nouveau-né en question se retrouve-t-il alors enterré à Nkoteng ? Selon une source proche du dossier, une exhumation a été faite après la première interpellation de Ngbwa Alabi. Entre la première et la deuxième exhumation, plusieurs mois ont passé. Pourquoi?
L’on découvre avec la déclaration du ministre que ce couple a agi en complicité. Or, ce n’est pas ce qui a semblé être le cas lors d’une récente confrontation entre Vanessa et les deux suspects appréhendés. « Cyrano Pamen et Ngbwa Alabi ont dit qu’ils ne me connaissaient pas. La fille dit qu’elle a volé l’enfant parce qu’elle croyait que c’était le produit de l’infidélité de son petit ami. Lui, dit que sa copine lui a plutôt annoncé avoir accouché ce 20 août-là», raconte Vanessa Tchatchou que nous avons jointe au téléphone hier. Sur les circonstances du vol, les violons ne s’accordent pas. «Ngbwa Alabi affirme qu’un troisième larron, l’ami de son amoureux, est allé chercher cet enfant en couveuse. Celui-ci jure le contraire», ajoute la jeune maman, qui pense que le flou persiste.
La magistrate: adoption ou accouchement
C’est sur Caroline Mejang Ndikum Ateh, première substitut du procureur auprès du tribunal de Mfou, que les soupçons du vol du bébé de Vanessa sont le plus portés. Depuis l’amplification de cette affaire, l’on a eu droit à deux versions. Dans les colonnes de Mutations du vendredi 3 février 2012, la magistrate affirmait avoir adopté son bébé par des voies normales et légales et que le bébé qu’elle avait entre ses mains n’était guère celui de Vanessa. Comment le sait-elle? Ceci est d’ailleurs contradictoire aux propos relayés par l’hebdomadaire La Météo. Dans sa livraison du 25 janvier 2012, le journal a donné la parole à M. Atangana, présenté comme le compagnon de la magistrate soupçonnée. Celui-ci a déclaré: «Oui, j'ai un bébé chez moi, et il est de mon épouse. Ceux qui disent qu'elle ne peut enfanter se trompent de personne».
Entre-temps, un autre acteur est sorti du bois. Il se présente comme étant l’ex-mari de Caroline Mejang Ndikum Ateh. Celui-ci nous a fait tenir la copie d’une lettre qui aurait été écrite, en anglais, de la main de son ancienne seconde épouse, lorsqu’elle l’a quitté. La lettre date du 11 janvier 2008 et est signée «Caro». On peut y lire: «Je ne peux que remarquer que j’ai été implicitement répudiée par toi, par ton refus catégorique de faire le spermogramme qui m’aurait permis de faire cette insémination artificielle. Moi aussi j’ai une envie folle d’être appelée «maman». L’ex-mari nous fait ensuite remarquer qu’il aurait fallu une fécondation in vitro pour que la magistrate accouche.
C’est un Sms datant du 30 août 2011 qui l’informe de la maternité de son ex-épouse. En substance, le message dit: «Wououh! La petite princesse vient de pousser son premier cri. Caro et son mari ont la joie de vous annoncer la venue au monde d’une petite fille…»