Le pays est réellement en danger en cas d’indisponibilité du chef de l’Etat pour cause de décès, de démission ou d’empêchement définitif. Voici pourquoi.
En cas vacance au pouvoir
Vers l’impasse politique !
En l’absence du Sénat et d’un fichier électoral issu de la refonte
biométrique, le Cameroun est réellement en danger en cas de vacance de
la Présidence de la République pour cause de décès, de démission ou
d’empêchement définitif.
L’opinion publique nationale et internationale s’était appesantie sur le fait que la révision constitutionnelle opérée, à travers la loi n°2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°96/ 06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 juin 1972, visait la disparition du verrou qui limitait le nombre de mandats présidentiels dans la constitution du 18 janvier 1996. Le président de la République qui était élu pur un mandat de sept(7) ans renouvelable une fois, peut désormais être réélu tant qu’il vit et ne souhaite pas quitter le pouvoir. En effet, l'article 6 alinéa 2 (nouveau) modifiée de la constitution stipule que «Le président de la République est élu pour un mandat de sept (7) ans. Il est rééligible».
Par ailleurs, le président de la République s'était assuré une véritable immunité à la fin éventuelle de son mandat. C’est la signification de l'article 53 alinéa 3 (nouveau ) de la constitution qui stipule que «Les actes accomplis par le président de la République en application des articles 5, 8, 9 et 10 ci-dessus, sont couverts par l’immunité et ne sauraient engager sa responsabilité à l’issue de son mandat». Un autre point important concernait surtout la vacance du pouvoir.
L'article 6 alinéa 4 (nouveau) de la dite
constitution stipule qu'« En cas de vacance de la Présidence de la
République pour cause de décès, de démission ou d’empêchement définitif
constaté par le Conseil Constitutionnel, le scrutin pour l’élection du
nouveau Président de la République doit impérativement avoir lieu vingt
(20) jours au moins et cent-vingt (120) jours au plus après l’ouverture
de la vacance. L’intérim du président de la République est exercé de
plein droit, jusqu’à l’élection du nouveau président de la République,
par le président du Sénat. Et si ce dernier est, à son tour empêché, par
son suppléant suivant l’ordre de préséance du Sénat».
Les contraintes de la refonte biométrique
Or, le Sénat n'existe pas encore au Cameroun. Cette
importante institution du Parlement n’a toujours pas été mise en place
16 ans après la promulgation de la constitution ! C’est aussi le cas du
Conseil constitutionnel, des Conseils régionaux et des présidents des
Conseils régionaux. Des observateurs avaient cru percevoir un début de
solution à travers l’article 67, alinéa 6 (nouveau) de la Constitution
qui stipule qu’«au cas où la mise en place du Sénat intervient avant
celle des régions, le Collège électoral pour l’élection des Sénateurs
est composé exclusivement des conseillers municipaux».
Mais aucune élection sénatoriale ne s’est déroulée entre avril 2008 et juin 2012. Le matériel devant servir à inscrire les électeurs dans le cadre de la refonte biométrique annoncée n’étant pas encore disponible, tout laisse penser qu’aune élection ne peut se dérouler au Cameroun avant 2013. Elections Cameroon (Elecam) espère démarrer avec les inscriptions en janvier 2013. Dans ce cas de figure, les élections ne pourraient pas se dérouler avant juin ou juillet 2013.
Il convient aussi d’évoquer l’article 67, alinéa 3
qui stipule que «l’Assemblée nationale exerce la plénitude du pouvoir
législatif et jouit de l’ensemble des prérogatives reconnues au
parlement jusqu’à, la mise en place du Sénat».
Cette disposition constitutionnelle ne signifie nullement que
l’Assemblée nationale se substitue au Sénat ni que le président de
l’Assemblée nationale peut bénéficier des dispositions de l’article 6,
alinéa 4 (nouveau) de la constitution.
Dispositions relatives à la vacance de la Présidence de la République. Autrement dit, le président de l’Assemblée nationale ne peut valablement remplacer le président du Sénat en cas de vacance du pouvoir. Il n’est même pas certain que le président de l’Assemblée nationale ait le soutien de la hiérarchie de son parti ou des députés de son parti.
Le président du Sénat est seul habilité à exercer «de plein droit», l’intérim du président de la République «Jusqu’à l’élection du nouveau président de la République». L’article 6, alinéa 4 de la constitution précise que c’est le suppléant, suivant l’ordre de préséance, qui peut remplacer le président du Sénat, encas d’empêchement et non pas le président de l’Assemblée nationale.
Vers un saut dans la nuit ?
Comment le Cameroun sera-t-il gouverné ? Comment sortir de l’hypothèse
d’une telle impasse politique, juridique et institutionnelle ? Comment
éviter le saut dans la nuit ? Comment éviter de vivre dans l’instabilité
politique qui nous guette ? Comment sortir les pièges et les
conséquences du tribalisme exacerbé, des rancœurs et frustrations
accumulées depuis trois décennies ? Comment éviter les risques de
déstabilisation dans un pays où le consensus politique a toujours été
biaisé ? Comment éviter de vivre les tragédies vécues par les peuples
frères du continent africain? Quel avenir pour le Cameroun après le
président Paul Biya ? Le chef de l’Etat avait la possibilité depuis 1996
de procéder à la mise sur pied de toutes les nouvelles institutions de
la constitution et de faire organiser les sénatoriales longtemps
auparavant ou au plus tard avant la refonte biométrique annoncée.
Il ne l’a pas fait, à cause de l’inertie qu’il est le premier à décrier et sans doute aussi pour des raisons qui lui sont propres. Dans l’hypothèse où le Sénat existerait déjà, on ne serait pas sorti de l’auberge; dans la mesure où le président par intérim ne peut conduire le pays aux élections que sur une durée maximale de 120 jours. Or, après les 120 jours qui correspondent à quatre mois, les élections ne pourraient pas être organisées.
Les conditions n’étant pas réunies pour aller aux urnes dans le cadre de la refonte biométrique qu’Elecam entend organiser en tirant toutes leçons des dernières élections.