Trois
jours après le drame de Kolofata, le président de la République n’a pas
adressé de condoléances aux familles de victimes… Comme à son habitude.
C’est un message qui trône sur la page d’accueil du site Internet de la présidence de la République du Cameroun (www.prc.cm) et qui a été lu en boucle sur les antennes de la Crtv. « Les condoléances du Chef de l’Etat à François Hollande, président de la République française ». Le président de la République exprime à son homologue français et avec émotion, ses sincères condoléances à la suite du crash dans le Nord du Mali, d'un avion de la compagnie «Air Algérie », survenu le 24 juillet 2014 et dans lequel des dizaines de Français ont perdu leur vie.
Toujours sur le site Internet de la présidence, Paul Biya exprime ses condoléances à Xi Jinping, président de la République populaire de Chine à la suite de l'atterrissage manqué d'un avion ATR-72 de la compagnie taiwanaise «TRANSASIA», survenu à l'aéroport de Magong sur l'île de Penghu le 23 juillet 2014… Si ces messages du président de la République participent de la courtoisie diplomatique, on est bien surpris de constater le peu de cas qui est fait des malheurs qui frappent ses propres compatriotes.
Dans l’accident d’Air Algerie du 24 juillet dernier qui a tué de nombreux Français, suscitant l’émotion présidentielle, figurait un jeune et prometteur cinéaste camerounais, Lorenzo Mbianhou. Sa famille éplorée n’a pas eu droit aux condoléances du chef de l’Etat. Bien plus, de nombreuses familles camerounaises ont été endeuillées le 27 juillet à la suite d’une attaque macabre de Boko Haram dans la localité de Kolofata, qui a laissé sur le carreau plusieurs morts, dont des soldats qui tentaient de défendre l’intégrité du territoire du Cameroun.
Le vice-Premier ministre chargé des Relations avec les Assemblées, Amadou Ali, a perdu des membres de sa famille et son épouse a été enlevée par les assaillants. Trois jours après ce drame, pas une trace de condoléances du chef de l’Etat aux familles des victimes, ni sur le site Internet de la présidence, ni dans les médias publics (Cameroon Tribune et Crtv) qui ont généralement la primeur des adresses du président de la République.
Laisser-aller
Dans le même temps, en Guinée Conakry, une bousculade lors d'un concert organisé sur la plage Rogbané, à Taouyah, près de Conakry, a causé la mort d’une vingtaine de personnes. Immédiatement après ce drame, le gouvernement guinéen a décrété une semaine de deuil national. Pareille réaction aussi prompte est-elle possible au Cameroun de Paul Biya ? Il y a de bonnes raisons d’en douter. Car des drames humains récents n’ont pas réussi à provoquer des condoléances du chef de l’Etat : plusieurs dizaines de morts sur les mauvaises routes qui relient les grandes villes du Cameroun, macabrement baptisées « triangle de la mort (Douala- Yaoundé-Bafoussam); le président de la République a-t-il moufté lorsque des dizaines de jeunes filles ont été décapitées dans une banlieue de Yaoundé à la suite de ce qu’on a appelé « crimes rituels » ?
Comment peut-on à ce point paraitre loin des souffrances et des drames qui frappent un peuple duquel on est supposé tenir sa légitimité ? Paul Biya at-il véritablement des conseillers en communication ? L’ancien président du Manidem, Anicet Ekane, se dit intrigué par l’indifférence du chef de l’Etat. « Je pense que son entourage, qui lui rappelle souvent d’écrire ces lettres de condoléances, ne doit pas non plus être très préoccupé par les malheurs qui arrivent à notre pays.
Il est plus préoccupé à assurer ses bonnes relations avec les milieux étrangers et notamment la France. On n’est plus étonné par cette attitude du président. C’est courant. Il est plus sensible aux malheurs des autres qu’à ceux des Camerounais. Nous avons eu de nombreux drames qui ne l’ont pas fait bouger. » L’ancien candidat à la présidence de la République poursuit : « Il y a un laisser-aller de son entourage. On se pose beaucoup de questions sans réponses sur la méthode Biya et des siens. »