Parce qu’ils cumulent parfois plusieurs activités ou banalisent simplement leur devoir, ils arrivent au travail à temps
voulu, pénalisant de nombreux usagers.
Celui qui veut prendre en flagrant délit collectif de retard considérable, la grande majorité des fonctionnaires et agents publics officiant dans les services ministériels de cet immeuble, n’a pas beaucoup de peine à se donner. Il suffit comme le reporter en a fait l’expérience mercredi et jeudi derniers, de s’y pointer à 7 h 30 pour se rendre compte d’une triste réalité. A cette heure, il n’y a encore personne. Même les marchands installés aux abords de cet immeuble qui – faut-il le rappeler- abrite cinq ministères traînent la patte. Et pour cause ! Pas un passant en vue, aucun client potentiel.
C’est à peine si par intermittence, un « serviteur de l’Etat » certainement plus conscient que d’autres, s’éjecte d’un taxi pour rejoindre d’un pas serein et tranquille, son bureau. Visiblement ici, la ponctualité n’est pas la vertu la mieux partagée. A quelle heure arrivent ils donc finalement au travail nos fonctionnaires et ministres ? Rien de plus simple que d’attendre, prendre son mal en patience au pied de l’immeuble, pour en savoir plus.
Nous sommes jeudi, veille du Vendredi saint, un jour férié. Le fait qu’on en soit à la dernière journée ouvrable de la semaine rend davantage curieux ce retard collectif. Et pourtant, les minutes s’égrènent, le temps passe. Huit heures, l’esplanade de l’immeuble s’encombre davantage, plus par les marchands de toute sorte pullulant ici, que par des fonctionnaires venant occuper leurs bureaux. Toutefois, les différents ministères sont déjà ouverts par les services de sécurité et d’accueil. Mais pas grand monde n’y entre.
L’exemple qui vient d’en haut
Une exception toutefois au ministère de l’Economie, du Plan et de
l’Aménagement du Territoire, où le reporter pénètre, sous le regard
soupçonneux des agents préposés à l’accueil et aux renseignements. A
huit heures passées d’une dizaine de minutes, les couloirs grouillent
déjà de monde, des occupants de bureaux se saluant chaleureusement, et
on commence déjà à se pencher sur des dossiers. Quoi de plus étonnant ?
Il est en effet manifeste ici que le chef de ce département ministériel
est lui-même un « matinal », comme nous confie un agent du ministère. «
Le patron arrive très tôt. Du coup, personne ne peut se permettre
d’arriver après lui, ce d’autant qu’il y a vraiment beaucoup à faire »,
nous révèle t-il.
Le temps de sortir du bâtiment, et voilà qu’un cortège annonce l’arrivée du Minepat en personne. Il n’est pas encore huit heures et demie, et c’est d’un pas pressé et alerte qu’Emmanuel Nganou Djoumessi s’engouffre dans l’immeuble, entouré de sa suite. Au Minepat, le travail a donc déjà commencé. Qu’en est-il des autres ministères partageant le même immeuble, notamment le Minimidt, le Mincommerce, le Minpmeesa et le Mintour ? Les trois premiers partagent la même entrée, et à 08 h44, ce n’est franchement pas la grande affluence.
Couloirs vides, silence de cimetière aux différents paliers, il n’y a pas encore grand monde. Une image qui contraste tellement avec celle du Minepat, juste à côté. A quelle heure arrive donc Emmanuel Bondé, le Minimidt ? Généralement entre neuf et dix heures, s’entend-on répondre dans un couloir, et à l’évidence, bien de ses collaborateurs semblent avoir réglé leur arrivée sur celle du patron. Le retard collectif acquis en principe, semble avoir séduit même ses collaborateurs les plus immédiats. Gravissant les escaliers de l’immeuble, une affiche nous interpelle : « Minimidt, Cabinet du Ministre, Silence ! ». Au bout de la cage d’escalier, la porte d’entrée dans le cabinet du ministre. Les collaborateurs du ministre censés occuper ces deux fauteuils attendent toujours leurs occupants, alors qu’il est presque neuf heures !
Le retard collectif, en mode « normal »
Nous redescendons, et nous nous engouffrons tour à tour dans
les couloirs du Minpmeesa, et du Mincomerce. Le même constat du retard
généralisé du personnel est fait, avec des ministres également encore
absents. Laurent Serges Etoundi Ngoa et Luc Magloire Mbarga Atangana, ne
se sont pas encore pointés. Et le gros des effectifs de leurs
départements respectifs, avec.
Comment ne pas conclure alors, que c’est l’heure d’arrivée d’un ministre à son cabinet qui détermine la ponctualité ou non de son personnel ? A ministre retardataire, équivaut des agents qui ne s’empressent pas de venir occuper leur bureau pour mériter leurs salaires et autres émoluments. Pour ne pas tirer des conclusions non inspirées de la réalité des faits à son sujet, le reporter investit le ministère du tourisme qui est juste à côté. Le même spectacle, une sensation de déjà vu. Des couloirs vides, des bureaux encore fermés à double tour, comme tout à l’heure, à côté.
A quelle heure Bello Bouba Maïgari, le patron des lieux arrive t-il ? Personne n’est disposé à donner la moindre information, à ce sujet. Et les usagers alors, le travail en lui-même ? Rarement, on a autant eu l’impression que la signification du concept de servicepublic ne revêtait aussi peu d’importance. Des usagers vont et viennent dans les couloirs, frappant à des portes barricadées de bureaux désespérément vides. Avec résignation, ils consentent à attendre ou à s’en aller pour « repasser après », comme on le leur conseille ça et là, le temps que les « maitres des lieux », consentent enfin à arriver. Y a-t-il meilleur exemple pour démontrer que les affaires de la république avancent à un train extrêmement lent ?