Ils ont confisqué le Cameroun

Ils ont confisqué le Cameroun

Cameroun : Ils ont confisqué le CamerounCeux qui aujourd’hui encore, à près de 70 ans pour la plupart, sont installés au sommet de l’Etat, occupaient déjà les mêmes postes, il y a trente ou quarante ans. Revue des Cv de quelques uns.

Alors que le rajeunissement de la classe politique nationale est devenu le slogan de tous nos politiques, les faits confirment pourtant qu’au sommet de l’appareil de l’Etat, une sorte de statu quo semble être de règle, pour ce qui est de la désignation des jeunes aux postes de décision. Lors d’un débat sur une chaîne de télévision privée, Guy Parfait Songue, jeune politologue camerounais, affirmait récemment qu’on a l’impression qu’au sein du Rdpc, on est considéré comme jeune à 50 ans.

Et pour cause ! L’espace politique et bien de strapontins dans la haute administration restent confisqués par des hommes d’hier. Des détracteurs parleraient d’hommes d’une autre époque. Comparaison n’est peut-être pas raison tant, à chaque époque correspond une réalité particulière. Mais comment comprendre qu’un Bello Bouba Maigari qui était déjà fonctionnaire à 18 ans, trône encore 40 ans plus tard, à la tête de ministères avec un égal bonheur, alors qu’en quarante ans, notre pays a certainement formé des compatriotes méritant, sinon mieux d’y être nommé au même titre que lui ? Sexagénaires, septuagénaires et octogénaires nous gouvernent donc toujours, depuis plus de quarante ans, en maintenant à l’écart une élite jeune, mieux formée et compétente, capable de prendre leur place.

Aux lendemains de l’indépendance, ceux qui furent ministres ou directeurs généraux de sociétés d’Etat à 30 ans, alors qu’ils sortaient à peine des écoles de formation, ne brillaient pas exceptionnellement par leurs compétences ; ils ont tout simplement eu le mérite d’être les quelques rares cadres formés disponibles dont disposait le jeune Etat qui en avait besoin. Et ce n’est pas ce fait en lui-même qui pose problème. C’est leur entêtement, contre vents et marées, à gouverner aujourd’hui encore, trente ou quarante ans après. Un peu comme si personne d’autre n’avait le droit ni l’expertise nécessaire pour occuper des postes qu’un pouvoir discrétionnaire leur confie invariablement, depuis des décennies.

Nominations politisées

A 18 ans, Bello Bouba Maigari par exemple, était déjà fonctionnaire en service à la sous-préfecture de Poli.

Une dizaine d’années plus tard, on le retrouve trônant à la tête du Secrétariat général du ministère des Forces armées. Ascension fulgurante, diraient certains. Si cela s’explique par le fait qu’il fit partie de la rare élite intellectuelle originaire du Nord de l’époque, d’où vient-il qu’il en soit encore là aujourd’hui au moment même où dans sa propre région, intelligences et compétences ne manquent certainement pas aujourd’hui ? La politique, pourrait-on avancer en guise de justification.

Président d’un parti politique, il doit sa fonction ministérielle à l’alliance de son parti avec la majorité gouvernante. Mais à 69 ans révolus, l’homme peut-il vraiment encore insuffler dynamisme, énergie et créativité à la tête d’un département ministériel aux défis nombreux, comme celui des Transports ? Les mêmes hommes sont ainsi aux commandes depuis 40 ans, et brillent pour certains par une longévité extraordinaire à certains postes de responsabilités.

Pendant 11 ans, entre 1985 et 1996, Amadou Ali a été Secrétaire d’Etat à la Défense chargé de la Gendarmerie nationale. Et puisqu’il n’a plus quitté le gouvernement, il a à ce jour, une carrière de ministre vieille de 26 ans. Le Vice- Premier ministre, Garde des Sceaux a 68 ans aujourd’hui, dont près de la moitié passées sur un siège de ministre. Quelle compétence administrative peut expliquer une telle longévité ? Le rajeunissement des cadres du parti a été l’un des grands thèmes du tout dernier congrès ordinaire du Rdpc. Mais ceux qu’on a vus désignés au comité central, sont pour la plupart quinquagénaires.

Un peu comme si c’est l’âge de la « jeunesse ». Et en face, une élite jeune, compétente et impatiente attend son tour. Elle attend que ceux qui en 1970 étaient déjà ministres et qui le sont toujours aujourd’hui, consentent enfin à passer la main. Et dire que c’est de cette même administration, gérée par ces « vieux » qu’il nomme lui-même, que le Chef de l’Etat se plaint très souvent en fustigeant, son « inertie » ! La mise en oeuvre des « grandes réalisations », son programme électoral, est susceptible d’être compromise, avec ces hommes d’une autre époque et émoussés, qui s’entêtent encore à vouloir diriger, alors que de manière naturelle, ils n’en ont plus l’énergie nécessaire, malgré la bonne volonté de quelques uns.

© Source : Emergence


03/11/2011
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