Les deux fondateurs de la Nouvelle dynamique nationaliste africaine (Nodyna) ont subi dix jours de garde à vue… Pour avoir distribué des tracts en faveur des mototaxis, interdits de circulation dans certains quartiers ! 17h52, ce 21 juin 2012. Chemise et culotte rouges, bonnet tricolore et brassard noir sur le bras gauche, Camille Mboua Massock sort souriant de la cellule du Tribunal de Première Instance de Bonanjo-Douala. Il est accompagné de Daniel Yon. Les deux camarades sont libérés après avoir passé dix jours de garde à vue à la brigade de gendarmerie territoriale de Bonanjo, dans des conditions inhumaines. "On nous a demandé d’entrer en slip dans la cellule. Plus tard, nous avons été autorisés à nous habiller. Pendant tous ces jours, nous dormions sur un sol dénudé", raconte, la voix grave, Mboua Massok qui venait de recevoir le soutien de l’artiste musicien Lapiro de Mbanga, un défenseur des droits de l’Homme.
Pas d'argent pour se défendre
Accusés "d’avoir empêché le respect des lois de la République", le président de la Nouvelle dynamique nationaliste africaine (Nodyna), un parti de l’opposition camerounaise, et son camarade vont comparaître libres pour se défendre devant le tribunal. Mais, cet autre combat judiciaire pourrait être de courte durée à cause des difficultés financières du parti. "Nous n’avons pas assez d’argent pour nous attacher les services d’un avocat", regrette Aicha Eheg, responsable de la communication. "Nous avons même contacté des avocats qui défendent les Droits de l’Homme mais aucun n'a encore manifesté son intérêt pour notre dossier", ajoute-t-elle.
Malgré ce handicap, Camille Mboua Massok qui est coutumier des interpellations, se montre toujours aussi pugnace. "Vous voyez ma peau, elle est dure à cuire. Je ne baisserai pas les bras devant ce régime", lance-t-il en caressant sa moustache blanchâtre. En février 2011, cet opposant au régime avait appelé à manifester contre les "carences notoires" dans le fonctionnement des institutions. Arrêté par les Forces de l'ordre avec un de ses partisans, il avait été relaxé après dix heures de garde à vue.
Cette fois encore, toujours en compagnie de ses camarades, il distribuait, le 11 juin dernier sur les artères de la capitale économique, des tracts de soutien aux conducteurs de mototaxis interdits de circulation dans certains quartiers de la ville à compter du 12 juin. Une mesure présentée par les autorités administratives comme un début d’application du décret du Premier ministre portant réglementation de l’activité de motocycles à titre onéreux.
Sur ces tracts, on pouvait lire : "Aux bendskineurs (conducteurs de moto taxi, Ndlr), mon total soutien. Résistance jusqu’au but. Ainsi est justifié mon combat sociopolitique. Pour en faire un camp fort, toujours je me place à côté des faibles et des affaiblis. Voilà pourquoi est total mon soutien pour les plus exposés et, en ce moment, en faveur des bendskineurs, désormais présentés comme étant des handicaps à la mise en œuvre "des grandes ambitions" par ces voleurs de la fortune publique, arrogants fossoyeurs de la justice sociale et de la paix des cœurs au Cameroun ".
Garde à vue abusive
Le code de procédure pénale dispose en effet que "le délai de garde à vue ne peut excéder quarante huit heures renouvelable une fois." Toutefois, "sur autorisation écrite du procureur de la République, ce délai peut, à titre exceptionnel, être renouvelé deux fois", précise le texte. Cette garde à vue abusive n'est pas un cas exceptionnel. En 2011, Souleymane, un jeune menuisier, accusé de vol de mototaxis, avait connu le même sort à la brigade de gendarmerie de l’aéroport de Douala. Menotté dans sa cellule, il était mort, le dixième jour de détention, après avoir été torturé.