I have a Dream !
« Le dialogue, l’arme des forts ! »
Le premier ministre a lâché la bonne phrase en visitant les populations
de Grand Lahou! Inconsciemment probablement, parce que c’est un
véritable pavé dans la mare, et au vu du peu de dialogue, du peu de
résultats rencontrés par les campagnes animées par la commission Vérité
et Réconciliation, la caravane de la paix, et autres pets mouillés jetés
comme des bonbons à la face des ivoiriens affamés, sans travail, sans
ressources, sans couverture sociale, cette phrase démontre bien que le
langage des forts se fait dans la brutalité et la violence, sans aucun
dialogue. Les ivoiriens, la peur au ventre commencent chaque journée en
se demandant s’ils rentreront sain et sauf chez eux avant la nuit,
tombée, s’ils ne vont pas être détroussés, délestés des maigres biens
qui leur restent.
Quel dialogue nous est servi ?
De toute part fusent les témoignages de supplices, sévices,
disparitions, bastonnades, viols, sévices sexuels… Le ministre Koffi
Koffi a même l’audace de prétendre qu’une visite surprise dans un de
leur goulag n’a rien révélé d’anormal ! Tout est calme, les prisonniers
bien traités... Amnesty et les autres ONG mentent certainement: elles
sont à la solde des déstabilisateurs abrités au Ghana comme nous le
savons tous !
Enfin, tant que Mr Ahoussou se borne à faire de
Ouattara une lumière pour les ivoiriens et non pour le monde entier, je
peux encore me taire pour un peu de temps; nous sommes en novembre,
bientôt nous allons retrouver le Noel magique de l’an passé, la farce
lumineuse de la Côte d’Ivoire radieuse. Et si avant les festivités, il
brille déjà de mille feux, alors je réponds « Ouattara, une lumière en plein jour: parfaitement inutile et couteuse, éteignez s'il vous plait! Merci... »
Heureusement, si l’on regarde bien les photos officielles, notre
premier ministre s’est exprimé devant très peu de monde, une foule très
clairsemée, devant laquelle il débite encore une fois ses vœux pieux «
Nous sommes venus pour nous ressourcer, nous régénérer, pour une
nouvelle Côte d’Ivoire. Nous allons rêver ensemble et concrétiser ce
rêve. La Côte d’Ivoire en a les capacités » La nouvelle
Côte d’Ivoire est là, elle a été livrée clé en mains le 11 avril par
cette gentille communauté internationale qui rêve avec les ivoiriens
d’un monde meilleur, le leur pour le meilleur et le pire pour les
ivoiriens. Nous ne sommes pas encore sortis du rêve qui a viré entre
temps au cauchemar… En attendant fermons les yeux, bouchons nous les
oreilles, déjà nous entendons le bruit de la mer, des vacances, la
concrétisation du rêve : les capacités de la Côte d’Ivoire sont là, mais
voila, elles sont au service des maîtres et non des esclaves.
Toujours
dans son discours, qu’il aurait pu prononcer sans estrade et sans
micro, tant la foule est compacte, réduite aux corvéables : officiels et
enfants des écoles, il invite ses compatriotes à tourner les pages des
années sombres qu'a connu le pays. Le pardon semble donc acquis,
puisqu’il n’en est pas question : nous avons enclenché la vitesse
supérieure, les pages des années sombres que le pays a connu – avant que
ne brille l’ampoule haute- consommation Ouattara –, peuvent être
tournées...
Il y a juste un petit hic que je voudrais soulever ; si l’on tourne les pages, c’est pour arriver à un autre chapitre. « Nous sommes venus pour nous ressourcer, nous régénérer »,
dit encore le premier ministre. Or il semble bien que malgré les pages
tournées, il y en a encore et encore, et jamais n’arrive cette page
blanche où ce chapitre suivant, car les prisonniers sont toujours en
prison, le président d’au moins la moitié de la nation, embastillé loin,
très loin de son peuple, le deuil des nombreux morts n’est pas encore
fait, et l’angoisse concernant tous les disparus demeure.
« Nous allons rêver ensemble et concrétiser ce rêve »,
Si des élections nouvelles ou un référendum -non truquées cette fois
ci- devaient avoir lieu, presque toute la nation se rangerait derrière
le prisonnier le plus célèbre de la planète et certainement le plus
aimé: ça aussi, c’est une forme non négligeable du rêve ivoirien auquel
nous convie Jeannot Kouadio- Ahoussou !
« Il s’appelle Solution » révèle-t-il
encore: mais parce que son nom est solution, est-il vraiment la
solution ? 18 mois de pouvoir, consignés, mémorisés, vécus
douloureusement dans la chair des uns et des autres n’ont pas consolidé
cette hypothèse de travail, bien au contraire ; il est devenu un
personnage encombrant, ne devant son salut qu’aux gros bras qui le
défendent, mercenaires, soldatesque étrangère, dozos, droits communs
recyclés en pseudo militaires. Parce qu’il est indéboulonnable puisque
parachuté par la communauté internationale et maintenu en place pour le
moment par la pince-monseigneur très utile lors des cambriolages et des
pillages de la Côte d’ivoire par les Multinationales, il se dit
invulnérable…Une sorte de super Dozo à l’invulnérabilité éprouvée et
mise à mal par les Ivoiriens qui ploient sous la tyrannie, la dictature,
le sadisme, mais qui n’ont pas dit leur dernier mot !
Oui, si le
dialogue est l’arme des forts, alors réjouissons nous, car bientôt il
faudra dialoguer sérieusement : le navire prend l’eau de toutes parts,
le capitaine passe ses nombreuses vacances à l’hôpital en France, les
anesthésies, les batteries, les nombreux voyages ne le fragilisent
point; il ne sent ni le poids de sa charge, ni celui de ses défaites, ni
celui de l’âge, ni celui de sa cote de popularité en berne. Notre
héros, le SS Super- Solution aux commandes pour au moins encore un
mandat, assisté de dame Dominique est infaillible, nous aurons beau
tourner les pages et les pages, il sera encore là: Le Jour dans la nuit
noire !
Mais en fait nous avons oublié un détail, chaque livre a
un certain nombre des pages, et à force de les tourner on arrive
toujours à la fin, et après il n’y a plus que la couverture; et surtout à
force de lire toujours la même chose: réconciliation, paix, justice,
côte d’ivoire au travail, cadre de vie, les pages se lisent de plus en
plus vite, se tournent de plus en plus vite… Il n’y a plus rien à
tourner : la dernière page est là et sur toute sa longueur s’étale le
mot « FIN » : Terminus, tout le monde descend,
le méchant disparaît, chassé, tué, mort de mort naturelle ? L’histoire
ne le révèle pas encore... Et commence le rêve tant espéré, tant prié :
Le Prince attendu vient et les noces d’une Côte d’Ivoire relevée, belle,
consolée peuvent enfin être célébrées.
Shlomit Abel, 5 novembre 2012