Hausse du prix du carburant: Appel au boycott du Race

Hausse du prix du carburant: Appel au boycott du Race

BIKIDIK:Camer.beDepuis plusieurs semaines, la presse camerounaise, citant des sources de la CSPH (Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures) ou du Ministère des Finances, fait état de l’intention du gouvernement de supprimer les subventions sur les produits pétroliers ; mesure inique dont la conséquence immédiate sera la hausse des prix du carburant à la pompe.
Toutefois, ces informations subrepticement distillées dans l’opinion publique nationale, pour jauger la température sociale et préparer les esprits à cette imposture, ne sont ni démenties ni formellement confirmées. Le 15 décembre 2011, à l’issue d’une réunion de concertation avec quelques acteurs du secteur pétrolier, M. Ibrahim TALBA MALLA, Directeur général de la CSPH, a fait cette déclaration ambigüe : «l’augmentation des prix du carburant n’est pas encore à l’ordre du jour… mais je ne dis pas qu’il n’y aura pas d’augmentation en 2012».

D’ores et déjà, le RACE et la FENAC (Fédération nationale des associations de consommateurs) s’insurgent contre ce projet inavoué du gouvernement et comptent le faire savoir énergiquement.  Et pour cause, après son lamentable échec dans la lutte contre la vie chère, au lieu d’un bras de fer avec les consommateurs, le gouvernement devrait plutôt faire profil bas. En effet, avec une inflation qui atteint des sommets en ce moment, le moindre relèvement des tarifs du carburant entrainera automatiquement un renchérissement généralisé des prix des denrées et services de première nécessité. Hormis l’inclination mécanique à satisfaire aux injonctions ultralibérales et antisociales du FMI et de la Banque mondiale, mais aussi le pernicieux souci de préserver les intérêts occultes de la horde de prédateurs et autres profiteurs tapis dans l’administration pétrolière, aucun argument économique sérieux ne peut justifier une telle initiative.

Monsieur Boniface ZE, Directeur technique à la CSPH, prétend qu’entre 2008 et 2011, l’Etat a « gratifié » de 700 milliards de FCFA aux consommateurs, au titre de subventions pour supporter et maintenir les prix du carburant à leur niveau actuel. Ce que sieur ZE refuse de dire aux Camerounais c’est que dans la même période, en raison de la constante embellie du cours du baril de pétrole brut sur le marché mondial, l’or noir a rapporté la rondelette somme de 1766,852 milliards de FCFA, recettes transférées au Trésor public (Dixit Recueil des statistiques et recettes pétrolières publié par la SNH – Société nationale des hydrocarbures). Ce chiffre ne tient pas compte des prélèvements fiscaux et douaniers induits par l’ensemble de l’activité pétrolière amont durant ces 04 dernières années.

D’autre part, on aurait bien voulu que ce technocrate chevronné nous dise avec le même élan lyrique quelle utilisation véritable fait la CSPH des fonds de stabilisation des prix des hydrocarbures ? Pourquoi, comme par hasard et sans nous dire à quoi elle retourne, c’est toujours lorsque le prix du baril de pétrole brut grimpe qu’on nous sert la fameuse ritournelle sur «la Vérité des prix», qui est l’indexation des prix à la pompe sur les prix fluctuants du baril et du cours du dollar US sur le marché international ? Pourquoi lorsque le baril est au plus bas, les prix du carburant à la pompe ne baissent-ils pas automatiquement ? Les énormes revenus des placements financiers et autres investissements effectués par la CSPH servent-ils en priorité au fonctionnement du mécanisme de péréquation ou plutôt à entretenir le train de vie princier des administrateurs et du personnel d’encadrement, grassement payés ? De quoi nous parle-t-on, lorsqu’on sait que la SONARA (Société nationale de raffinage) s’approvisionne très souvent sur le marché noir du brut dans lequel le prix du baril est fortement dévalué ? A qui la faute si depuis sa création en décembre 1976 la SONARA raffine à peine 6% du pétrole produit au Cameroun ?

Comment peut-on expliquer qu’un «petit» pays comme le Niger, nouvellement admis dans le « club » très sélect de producteurs d’or noir d’Afrique, produise et raffine son propre pétrole, mieux encore, applique au litre de super un prix près d’un tiers moins cher qu’au Cameroun ? Où vont les revenus générés par le droit de passage du pipeline Tchad/Cameroun ? Pourquoi faut-il que 25 ans après le début des «cures» présumées miraculeuses des plans d’ajustement structurels, imposées au Cameroun par les «experts de Bretton Woods», les consommateurs d’énergie continuent à payer au prix fort, les mauvais choix de politique pétrolière ?
En tout cas, nous ne sommes pas dupes. Et même, nous avons des réponses toutes simples à ces nombreuses interrogations. En réalité, ce flou artistique autour du secteur pétrolier amont et aval est entretenu à dessein, car il constitue l’une des principales mamelles nourricières de la grande corruption qui gangrène notre pays. En d’autres termes, l’énorme plus-value financière engrangée par ce secteur depuis 1977 (date du début de l’exploitation du premier bloc pétrolier camerounais), profite avant tout aux multinationales, à une poignée de fonctionnaires et à quelques dignitaires du régime en place.
Par ailleurs, tout le monde sait que la pléthore de taxes (plus de 50% du prix à la pompe), mine fortement la structure du tarif et plombe la cotation des hydrocarbures. En guise d’exemple, de la raffinerie à la pompe, la structure du prix du super fait ressortir 06 postes de TVA. Sans oublier des «impôts» payés tantôt pour le «réaménagement du dépôt de Nsam» (2,36 FCFA prélevés sur chaque litre de carburant depuis 1997), tantôt dans le cadre du «Fonds de lutte contre la fraude» (0,27 FCFA par litre de super, 1,87 pour le pétrole et 0,16 pour le gasoil). Tous ces éléments superflus alourdissent davantage les prix à la pompe. Le prix «sortie SONARA» du litre de super étant de 221,64 FCFA TTC, en supprimant toutes ces taxes incongrues, il serait correct d’avoir un litre de super à la pompe à 400 FCFA TTC. Au lieu de provoquer les usagers en procédant à une augmentation à l’aveuglette des prix du carburant, l’Etat ferait mieux d’envisager une reforme de fond en comble de la fiscalité pétrolière aval, afin de tirer les tarifs vers le bas.

Quoiqu’il en soit, les consommateurs n’avaleront pas cette nouvelle pilule amère sans réagir. Nous n’accepteront pas l’augmentation d’un seul centime de Franc CFA du prix du carburant.  Les mêmes causes produisant les mêmes effets, en cas de passage en force du gouvernement, plus qu’en Février 2008, c’est à l’unisson avec les syndicats de transporteurs que le RACE et la FENAC vont appeler à une mobilisation générale des consommateurs pour un boycott actif des stations services et aux manifestations de rue sur toute l’étendue du territoire national.

Nous exhortons les pouvoirs publics à croire en notre extrême détermination et à tirer toutes les leçons du mouvement social qui a paralysé pendant plusieurs jours le Nigéria, suite à l’application par les autorités de ce pays d’une mesure similaire.
Le pétrole extrait de notre sous-sol étant un patrimoine commun, son exploitation devrait en priorité bénéficier individuellement et collectivement aux consommateurs. Il faut que le gouvernement qui le gère choisisse entre le désir frénétique de remplir coûte que coûte les engagements financiers scélérats pris avec ses partenaires internationaux et la satisfaction des désidératas fondamentaux des citoyens.
 
Nous refusons d’être des laissés-pour-compte d’une gestion parcimonieuse du secteur pétrolier et des bêtes sacrificielles des programmes d’austérité concoctés par des bailleurs de fonds à la solde de la mondialisation ultralibérale et des multinationales.

L’accès à l’énergie est un droit essentiel et inaliénable !

Fait à Douala, 23 Janvier 2012
Pour le Bureau Exécutif du Race, Paul Gérémie Bikidik, Président

© Correspondance : Race


26/01/2012
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