Hassan Ndam, un boulot d’amateur
Source: Camer.be 08 07 2016
Quand la Fédération internationale de boxe a voté, en juin, une réforme autorisant les pros à combattre pour l’or olympique, de nombreux commentateurs et boxeurs avaient crié à la folie furieuse, mettant en garde contre le risque de combats déséquilibrés. La performance du Franco-Camerounais Hassan Ndam, un des trois purs pros (1) engagés à Rio après être passés par le tournoi de qualification dédié organisé au Venezuela, montre que les choses ne sont pas aussi simples.
Double champion du monde, nanti d’une carrière plus qu’honorable (32 victoires en 34 combats), Ndam, 32 ans, qui vit à Pantin (Seine-Saint-Denis) mais combattait sous les couleurs camerounaises, a été battu sans discussion (bien qu’il invoque une «décision maison») par le local Michel Borges (25 ans) en ouverture du tournoi des moins de 81 kilos. Aucun des juges ne lui a donné le moindre round.
Attentiste.
Le pari est donc perdu et largement pour celui qui visait une médaille et en avait été finalement plus près il y a douze ans, lorsqu’il avait atteint les quarts du tournoi olympique d’Athènes, déjà pour le Cameroun. La défaite de Ndam dit la difficulté de passer d’un format à l’autre (douze rounds chez les pros, trois chez les amateurs, soit une gestion de l’effort et de l’intensité totalement différente), mais traduit surtout la préparation erratique du boxeur. Une semaine avant de monter sur le ring à Rio, Ndam combattait en pro dans le sud de la France, trahissant ainsi son manque évident de préparation spécifique pour le format amateur.
Ajoutons que Ndam, tenu de tirer chez les moins de 81 kilos lors du tournoi olympique, boxait au-dessus de son poids chez les pros (il combat en pro en moyen, sous les 72,5 kg, voire super moyen, sous les 75 kg). Hassan Ndam, pesé à 78,5 kilos avant son combat de samedi contre Borges, a un mal certain à les faire bouger. Un peu troublante est l’analyse qu’il a livrée à la sortie de son combat, expliquant avoir «jaugé son adversaire lors du premier round». Une stratégie attentiste classique chez les pros, mais qui revient à se tirer une balle dans le pied chez les amateurs qui n’ont que trois petits rounds pour faire la différence.
On ajoutera à cette préparation douteuse une histoire parfaitement cornecul d’accréditation disparue qui lui a bouffé pas mal d’énergie. Le 1er août, Ndam arrive à Rio avec son entraîneur français, Youssef Barit. Lequel, privé d’accréditation, a dû dormir trois jours à l’hôtel, à une heure et demie du village olympique. La presse camerounaise a évoqué un vol pur et simple du document par «un membre malveillant de la délégation camerounaise». Finalement, le technicien a eu le droit d’être au côté de son boxeur, mais pas sur le ring. «Il m’assiste, et c’est une indulgence qu’on lui a obtenue. Il ne devrait pas être là», déclarait, princier, Alain Didier Ngatcha, entraîneur de l’équipe camerounaise.
Diplomatie.
Quelques heures avant le combat, Youssef Barit, qui en avait visiblement gros sur la patate, se mordait les joues pour ne pas vider son sac. Ndam a évacué avec diplomatie cette excuse («Je suis pro, je n’ai rien à reprocher à ma team, cette histoire a été réglée»), mais on peut gager que devoir menacer de rentrer à la maison trois jours avant un combat pour obtenir que son entraîneur ne le voie pas depuis la tribune, comme il l’a fait, n’est pas vraiment idéal.
Ndam quitte, donc, le tournoi sans avoir pu y défendre ses chances. Et on avait comme la tenace impression que face à un adversaire qui se prépare depuis des mois voire des années, l’amateurisme n’était pas, samedi, du côté où on l’attendait.
(1) Les deux autres sont le Thaïlandais Amnat Ruenroeng et l’Italien Carmine Tommasone, tous deux en moins de 60 kilos.