Guinée Equatoriale : CARNET DE VOYAGE D'HAMAN MANA. RETOUR DE MALABO LOIN DES PRÉJUGÉS.
Découverte. Au-delà des préjugés, la capitale de la Guinée Equatoriale est le reflet d’un pays où visiblement, on a décidé d’échapper à la « malédiction pétrolière ».
Yaoundé, Bastos. L’affaire semble mal engagée au contact de la préposée aux visas de l’ambassade. Sans vous regarder, dans une langue à mi-chemin entre le Français, l’Espagnol et le Fang, elle vous énumère les pièces à fournir pour le visa d’entrée en Guinée Equatoriale : « lettre d’invitation, photos d’identité, photocopie du passeport et de la carte nationale d’identité et…Extrait de casier judiciaire ». Lorsque vous aurez fourni toute la paperasse, rien n’est gagné. « Zé vé soumettre lé dossier au sef, zé ne sais pas si il va signer », ponctue la toute puissante fonctionnaire en conseillant d’aller attendre le coup de fil.
Si le dossier est urgent, tant pis, il faudra attendre. Le lendemain, le téléphone sonne. Invité à venir à l’ambassade pour la suite du dossier. Dès la guérite, on reçoit un bout de papier, sur lequel est inscrit un numéro de compte, à Afriland Fisrt Bank, où il faut verser 51 000 fcfa, le montant annoncé du visa. C’est un bon signe. Après le versement, retour à l’ambassade où on vous remet le précieux sésame, un petit bout de timbre blanc sur lequel en Espagnol, il est écrit, en tout petit, « Treinta mil Francos »…Quand on a des réminiscences de son cours d’Espagnol de Troisième, on fait vite la différence… Mais bon, on est heureux de pouvoir partir à la découverte de la patrie du « Nzalang Feminino », l’équipe de football féminin de la Guinée Equatoriale, deux fois vainqueur de la Coupe d’Afrique des nations.
Douala-Malabo, c’est sans doute, dans l’aéronautique civile, l’une des trajets les plus brefs : l’avion s’est à peine envolé, qu’il se pose, près d’un quart d’heure plus tard, après avoir traversé un bras de l’Atlantique et une grosse tignasse de mangrove. On est à Malabo. D’en haut, une ville hérissée du grues à n’en plus finir, mais aussi de buildings en verre et acier, qui affichent fièrement leurs multiples étages. L’avion s’est posé. Sur le tarmac, un A320 de Luftansa, Plusieurs cargos de DHL, un Boieng 747de Iberia, un Boieng 767 de Ethiopian… Du mouvement. Les passagers sont de toutes les races, avec une prédominance marquée tout de même pour le type asiatique : le petit chinois taciturne, le regard inexpressif, qui tend son passeport sans regarder la policière. « Documentos ! documentos ! » crie un douanier, en rassemblant les passeports d’une colonie de Camerounais qui sont priés d’attendre dans un coin.
Le salon d’honneur pour les personnalités d’un
certain rang, mais tout le monte attend. Une heure trente, que durera «
l’examen » des passeports. Et on peut respirer enfin, l’air de Malabo.
A la sortie de l’Aéroport, s’offre à vous, une autoroute à six voies.
Sur la gauche, l’Hotel Hilton, premier hôtel « de classe » construit à
Malabo, dès que tombèrent les premiers pétrodollars il y a dix ans,
commence déjà par avoir ses murs attaqués par la rudesse de la touffeur
équatoriale. Tout à côté, une église pentecôtiste, en planches, est
pleine de fidèles. Cinq minutes plus tard, on est à Malabo II, la «
nouvelle ville », celle des institutions et du futur, voire du
futurisme.
L’immeuble de la Beac, s’élève fièrement vers le ciel, tout en acier et verre. Il vient tout juste d’être achevé, et ses occupants devront déménager de la vieille ville pour en prendre possession, dans les prochains mois. Et puis L’immeuble de la Société nationale de Gaz, et puis tous ces buildings, en acier et verre, qui il y a seulement dix-huit mois n’existaient pas dans cet endroit qui n’était qu’un bout de forêt équatoriale. Et L’immense Rond-Point qui annonce le siège du Parlement d’Afrique Centrale. Un building que l’on a voulu massif, non pas en hauteur, mais en largeur, non pas en verre et acier mais tout en marbre, comme pour casser un peu la tendance. Tout en face, l’immeuble de la CCEI-GE, la filiale equato-guinéenne du groupe Camerounais. En verre et acier aussi, mais là où les autres ont choisi les formes rectilignes, ici on a opté pour les rondeurs. Là où les autres sont restés couleur acier, ici on a choisi la couleur or. Ce qui fait de cet immeuble une particularité et une curiosité dans ce Malabo II. Cet immeuble a été inauguré il y a deux mois… Passages cloutés, feux rouges, passages aériens pour piétons sur les grands axes. Tout est nouveau et neuf, et les habitants de Malabo s’y habituent. Dans les rues, pas un morceau de papier ne traîne. Les éboueurs, souvent des sud-américains, avec leurs petites voitures vert-blanc passent et repassent pour faire place nette.
Martinez y Hermanos. Le grand magasin de Malabo. Il est installé dans la vieille ville, dans un bâtiment de type méditerranéen, visiblement un vestige de la présence espagnole. Ce magasin appartient à une chaine de l’ancienne métropole de la Guinéee Equatoriale, qui a eu son indépendance en 1968, sous Macias Nguema, oncle d’Obiang Nguema que ce dernier renversa en 1979 dans des conditions sanglantes. A Martinez y Hermanos donc, tous les rayons sont pleins. Au rayon des alcools, surprise, ils coûtent beaucoup plus cher qu’au Cameroun, presque 40% moins cher. Le pays a bien d’autres ressources que la fiscalité sur les alcools…Au rayon alimentaire, le bœuf arrive tout droit d’Argentine, la volaille du Canada, les pommes de terre du Chili…Les clients font leurs emplettes frénétiquement, et cela ne désemplit pas, de toute la journée.
La vieille ville, avec ses ruelles, et ses façades qui trahissent les différentes influences colonisatrices, revêt un charme particulier une fois la nuit tombée. Il fait bon se promener ici, aller d’une buvette à l’autre, pour décrocher une San Miguel, bière d’importation espagnole, star des boissons locales. Bien sûr, les Camerounais peuvent retrouver ici leur « 33 », « Beaufort » et même « Castel » brassées localement par une usine installée à Bata. Ici, en poussant un portail, on se retrouve dans une cour intérieure, un « circuit », à la camerounaise, où l’on peut manger du poisson braisé et commander une « petite Guinness », en écoutant à la table voisine, des « camers » de Guinée Equatoriale parler des Lions Indomptables, comme si c’était encore une grande équipe de football.
Sipopo…L’autre ville, sur l’Ile de Bioko, dont l’ancienne appellation fut Santa Isabel. Le gigantisme voulu par Obiang Nguema Mazogo s’exprime ici plein la vue.
La Cité des chefs d’Etats ? Une immense aire avec une cinquantaine de villas très cossues, dédiées à chacun des chefs d’Etats Africains. Elle a été construite à l’occasion du sommet de l’Union Africaine à Malabo, il y a deux ans, et elle accueille les souverains de passage à Malabo. Tout à côté, les Chinois on bâti un immense Palais des Congrès, dans le style particulier de l’architecture communiste, faite formes rectilignes et écrasantes, comme pour montrer à chaque individu sa petitesse devant la superpuissance des pouvoirs. Le pouvoir de Theodoro Obiang Nguema s’exprime ici, sur ces affiches géantes à sa gloire. Obiang par rapport à ses voisins, a duré au pouvoir, mais fait des choses. Lorsqu’on pense que le pétrole ne coule ici que depuis 2002… nous sommes donc à Sipopo. A quelques kilomètres du Palais des Congrès, l’hôtel Sofitel Sipopo, un palace planté au bord de la mer, aux pieds duquel, s’étend un magnifique golf de 18 trous. Vraisemblablement, le golf le mieux tenu d’Afrique Centrale. On y joue avec cette sensation particulière, d’avoir la brise de la mer à sa gauche et les senteurs de la forêt vierge à sa droite.
Entre Sipopo et Malabo, les logements sociaux. D’innombrables immeubles aux plans similaires sont sur les deux côtés de l’autoroute. En construction ou en finition. Des dizaines de ces immeubles sortent de la forêt vierge. Esmeralda, jeune brunette est réceptionniste à l’hôtel Ibis. Elle est déjà propriétaire de son T4 dans l’un de ces immeubles à logements sociaux. Elle a en tout et pour tout payé…1,5 million de Fcfa pour l’avoir. L’Etat de Guinée Equatoriale loge ses citoyens. On repart de Malabo avec les idées complètement différentes, sur les préjugés véhiculés ici et là. Il se construit ici, un pays moderne.