GUINEE - BURKINA - CÔTE D’IVOIRE: les trois visages d’une investiture
GUINEE - BURKINA - CÔTE D’IVOIRE: les trois visages d’une investiture
(Le Pays 23/12/2010)
La sous-région ouest-africaine a vécu ces derniers jours, un ballet de cérémonies de prise de pouvoir. Ainsi, après la double investiture du côté de la lagune Ebrié, on a assisté à l’investiture du président du Faso, puis à celle du premier chef d’Etat guinéen démocratiquement élu, Alpha Condé. Ces trois événements ont en commun, le fait de consacrer, en principe, un nouveau départ pour les pays concernés.
L’investiture d’un chef d’Etat en démocratie est, par essence, l’aboutissement d’un processus électoral. C’est un moment grave et solennel. Mais, lorsqu’on fait une lecture croisée des investitures telles que nous les avons vécues, dans les trois pays, trois visages se dégagent. En effet, on se rend compte que le seul élément commun à ces investitures est le fait qu’elles consacrent toutes, la fin d’un processus électoral. Au-delà de cela, chacune des cérémonies s’est déroulée dans un contexte sociopolitique particulier. Ainsi, en Guinée, l’investiture a été très intéressante, en témoigne l’engouement populaire qui l’a accompagnée. Elle est intervenue à l’issue d’un processus électoral âprement disputé. La Guinée a, au cours de ce processus, frôlé, plus d’une fois même, le pire. On a encore fraîchement en mémoire les atrocités commises par les forces de défense et de sécurité le 28 septembre 2008, au stade de Conakry. On n’oublie pas non plus les contestations violentes qui ont émaillé le processus électoral. A un certain moment, le pays est passé à deux doigts de l’embrasement à cause des tensions communautaires dont les vieux démons se sont réveillés à l’occasion de la confrontation électorale. A l’arrivée, on a eu un score serré et certes, des scènes de violence. Mais, avec une bonne dose de sagesse, les Guinéens ont pu finir ce processus en apothéose. Le fair-play a pris le pas sur le radicalisme. Tant mieux pour ce pays, grenier de l’Afrique de l’Ouest qui est désormais un espoir en termes de démocratie.
Dans les deux autres cas, même si les contextes ne sont pas les mêmes, les résultats ne sont pas vraiment loin, l’un de l’autre. On a des chefs d’Etat qui professent "un amour étouffant" pour leur pays. Chacun semble ne pas pouvoir imaginer son pays sans lui à sa tête. Comme le dit la sagesse, "qui trop embrasse, mal étreint". En tout cas, en ce qui la concerne, l’investiture du président du Faso a été l’aboutissement d’un processus électoral sans saveur, pour ne pas dire fade. Avec une "démocratie verrouillée" comme l’indique le rapport du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP), on se demande d’ailleurs si on pouvait raisonnablement rêver d’une compétition électorale ayant plus de charme que cela. Dans ce pays, la démocratie semble se résumer à l’accomplissement de la volonté d’un seul individu à travers des réformes partisanes et à dose homéopathique. Des citoyens rendus indifférents, une campagne sans véritable enjeu, une organisation, à la limite, bâclée, tels sont quelques éléments majeurs qui ont caractérisé la présidentielle au pays des Hommes intègres. Au finish, on a assisté à l’investiture d’un président qui cumule, à lui seul, 23 ans de règne sans partage et ce, dans l’indifférence totale de la majeure partie des populations.
En Eburnie, c’est le scénario catastrophe par excellence : deux présidents de la République investis. Au bout d’un processus long et mouvementé qui a bénéficié d’un accompagnement massif de la communauté internationale, le candidat déclaré élu par la Commission électorale et la communauté internationale n’arrive pas à rentrer dans ses prérogatives. Ce, parce que le candidat-président, déclaré perdant, a refusé de céder le fauteuil présidentiel au motif que le Conseil constitutionnel l’a consacré vainqueur du même scrutin. Face à la levée de boucliers de la communauté internationale, le président sortant fait le dos rond. Cette attitude exacerbe les tensions communautaires dans le pays et on craint le pire si les choses devaient, encore longtemps, en rester là.
Ces investitures en disent long sur la démocratisation de l’Afrique de l’Ouest. Le bref tour d’horizon permet de voir la Guinée, un pays qui a su déchirer le voile de la nuit qui l’enveloppait depuis longtemps pour, enfin, profiter des rayons bienfaisants du "soleil de la démocratie". Non loin de ce pays, il y a un autre, le Burkina, certes dans une paix relative, mais dont la démocratie n’est que de façade. Juste à côté de ces deux Etats, se trouve un troisième, la Côte d’Ivoire, qui chancèle et plonge dangereusement dans la nuit noire en matière de gouvernance politique.
Tout cela illustre à merveille la difficile démocratisation de la sous-région avec des pays qui connaissent des fortunes diverses. C’est dire donc que l’expérience démocratique dans la zone se résume au triptyque espoir - indifférence - doute. La tâche des démocrates demeure donc immense. Dans certains cas, on en vient à se demander si les coups de force militaires, a priori condamnables, ne sont pas la seule solution pour permettre à certains pays d’avancer.
Toujours est-il que le manque de démocratie réelle dénote une insuffisance, voire une absence de volonté. Pour ce qui est des dirigeants parfois décriés, partisans du moindre effort démocratique, il serait judicieux qu’ils aillent à l’école de ces valeureux hommes qui ont "osé inventer" la vraie démocratie dans leur pays, à l’instar de Léopold S. Senghor, Mathieu Kérékou, Jerry J. Rawllings ou Amadou Toumani Touré.
"Le Pays"
(Le Pays 23/12/2010)
La sous-région ouest-africaine a vécu ces derniers jours, un ballet de cérémonies de prise de pouvoir. Ainsi, après la double investiture du côté de la lagune Ebrié, on a assisté à l’investiture du président du Faso, puis à celle du premier chef d’Etat guinéen démocratiquement élu, Alpha Condé. Ces trois événements ont en commun, le fait de consacrer, en principe, un nouveau départ pour les pays concernés.
L’investiture d’un chef d’Etat en démocratie est, par essence, l’aboutissement d’un processus électoral. C’est un moment grave et solennel. Mais, lorsqu’on fait une lecture croisée des investitures telles que nous les avons vécues, dans les trois pays, trois visages se dégagent. En effet, on se rend compte que le seul élément commun à ces investitures est le fait qu’elles consacrent toutes, la fin d’un processus électoral. Au-delà de cela, chacune des cérémonies s’est déroulée dans un contexte sociopolitique particulier. Ainsi, en Guinée, l’investiture a été très intéressante, en témoigne l’engouement populaire qui l’a accompagnée. Elle est intervenue à l’issue d’un processus électoral âprement disputé. La Guinée a, au cours de ce processus, frôlé, plus d’une fois même, le pire. On a encore fraîchement en mémoire les atrocités commises par les forces de défense et de sécurité le 28 septembre 2008, au stade de Conakry. On n’oublie pas non plus les contestations violentes qui ont émaillé le processus électoral. A un certain moment, le pays est passé à deux doigts de l’embrasement à cause des tensions communautaires dont les vieux démons se sont réveillés à l’occasion de la confrontation électorale. A l’arrivée, on a eu un score serré et certes, des scènes de violence. Mais, avec une bonne dose de sagesse, les Guinéens ont pu finir ce processus en apothéose. Le fair-play a pris le pas sur le radicalisme. Tant mieux pour ce pays, grenier de l’Afrique de l’Ouest qui est désormais un espoir en termes de démocratie.
Dans les deux autres cas, même si les contextes ne sont pas les mêmes, les résultats ne sont pas vraiment loin, l’un de l’autre. On a des chefs d’Etat qui professent "un amour étouffant" pour leur pays. Chacun semble ne pas pouvoir imaginer son pays sans lui à sa tête. Comme le dit la sagesse, "qui trop embrasse, mal étreint". En tout cas, en ce qui la concerne, l’investiture du président du Faso a été l’aboutissement d’un processus électoral sans saveur, pour ne pas dire fade. Avec une "démocratie verrouillée" comme l’indique le rapport du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP), on se demande d’ailleurs si on pouvait raisonnablement rêver d’une compétition électorale ayant plus de charme que cela. Dans ce pays, la démocratie semble se résumer à l’accomplissement de la volonté d’un seul individu à travers des réformes partisanes et à dose homéopathique. Des citoyens rendus indifférents, une campagne sans véritable enjeu, une organisation, à la limite, bâclée, tels sont quelques éléments majeurs qui ont caractérisé la présidentielle au pays des Hommes intègres. Au finish, on a assisté à l’investiture d’un président qui cumule, à lui seul, 23 ans de règne sans partage et ce, dans l’indifférence totale de la majeure partie des populations.
En Eburnie, c’est le scénario catastrophe par excellence : deux présidents de la République investis. Au bout d’un processus long et mouvementé qui a bénéficié d’un accompagnement massif de la communauté internationale, le candidat déclaré élu par la Commission électorale et la communauté internationale n’arrive pas à rentrer dans ses prérogatives. Ce, parce que le candidat-président, déclaré perdant, a refusé de céder le fauteuil présidentiel au motif que le Conseil constitutionnel l’a consacré vainqueur du même scrutin. Face à la levée de boucliers de la communauté internationale, le président sortant fait le dos rond. Cette attitude exacerbe les tensions communautaires dans le pays et on craint le pire si les choses devaient, encore longtemps, en rester là.
Ces investitures en disent long sur la démocratisation de l’Afrique de l’Ouest. Le bref tour d’horizon permet de voir la Guinée, un pays qui a su déchirer le voile de la nuit qui l’enveloppait depuis longtemps pour, enfin, profiter des rayons bienfaisants du "soleil de la démocratie". Non loin de ce pays, il y a un autre, le Burkina, certes dans une paix relative, mais dont la démocratie n’est que de façade. Juste à côté de ces deux Etats, se trouve un troisième, la Côte d’Ivoire, qui chancèle et plonge dangereusement dans la nuit noire en matière de gouvernance politique.
Tout cela illustre à merveille la difficile démocratisation de la sous-région avec des pays qui connaissent des fortunes diverses. C’est dire donc que l’expérience démocratique dans la zone se résume au triptyque espoir - indifférence - doute. La tâche des démocrates demeure donc immense. Dans certains cas, on en vient à se demander si les coups de force militaires, a priori condamnables, ne sont pas la seule solution pour permettre à certains pays d’avancer.
Toujours est-il que le manque de démocratie réelle dénote une insuffisance, voire une absence de volonté. Pour ce qui est des dirigeants parfois décriés, partisans du moindre effort démocratique, il serait judicieux qu’ils aillent à l’école de ces valeureux hommes qui ont "osé inventer" la vraie démocratie dans leur pays, à l’instar de Léopold S. Senghor, Mathieu Kérékou, Jerry J. Rawllings ou Amadou Toumani Touré.
"Le Pays"
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