Guerandi Mbara : « Cameroon will be back !»1

Cela fait 25 ans que vous avez organisé un coup d’État à Yaoundé. On sait que depuis lors vous gardez un grand silence sur cet événement. Pourquoi acceptez-vous aujourd’hui de parler à Cameroonvoice ?

M. Venant Mboua, avant de répondre à votre question, j’aimerais d’abord vous remercier pour m’avoir invité en vue d’éclairer l’opinion nationale et internationale sur ce que nous avons appelé le soulèvement patriotique du 6 avril 1984 qui, qu’on le veuille ou pas est désormais un symbole dans la récente histoire de notre pays.
Je voudrais aussi rassurer quant aux perspectives qui se présentent devant nous et aux enjeux qui, certainement, nous interpellent tous en ce début de millénaire. Ensuite, j’aimerais réitérer ma profonde compassion et mes encouragements à toutes les familles éprouvées qui n’ont pas fait le deuil, depuis 25 ans, de leurs vaillants pères et frères qui sont devenus des héros. Enfin j’attire l’attention de vos auditeurs sur le fait que je ne serai vraiment pas bavard car certains acteurs sont vivants ;  je me dois également de faire preuve de responsabilité pour la construction du vivre ensemble qui m’est très cher.
Un anniversaire est toujours l’occasion d’interroger le passé pour mieux vivre le présent et entreprendre l’avenir avec sérénité et détermination. C’est ça le plus important. Alors accepter votre invitation accepter de se projeter vers l’avenir. C’est là qu’un anniversaire prend tout son sens. Celui que vous évoquez me semble d’autant plus important que plusieurs jeunes camerounais n’étaient pas encore nés. Plusieurs étaient encore très jeunes comme vous. Ils ont besoin de saisir quand même quelques fragments de notre histoire.
Notre pays, vous le savez, a besoin d’une profonde refondation sociale basée sur l’éthique rédemptrice dont je vais brosser quelques lignes au cours de cet entretien si vous m’en donnez l’occasion. Voilà ce qui justifie l’acceptation de l’invitation de Cameroonvoice.


J’entends de vos propos que vous qualifiez cette tentative de coup d’État de «soulèvement patriotique», pour ces 25 ans, voulez-vous que je vous souhaite bon anniversaire ?


Ce serait trop dire. Ce n’est pas une occasion réjouissante. C’est un moment de prise de conscience, d’introspection individuelle et peut-être collective, d’appel à une conscientisation collective de notre peuple. Si c’est un soulèvement patriotique, il doit continuer, dans l’imagerie populaire, à être un symbole, une emblématique boussole.


Maintenant parlons de vous. Quel était votre grade à l’époque et où étiez-vous en fonction à ce moment-là ?


J’avais le grade de Capitaine et j’étais en fonction à l’école militaire interarmes de Yaoundé, dans le cadre de la formation des élèves-officiers et officiers. À Ngaoundéré aussi où on formait à l’époque les cadres civils de la haute administration et les étudiants en fin de formation. Ce fut une mission exaltante qui m’a permis de connaître notre armée, la capacité surtout de la hiérarchie militaire et de nouer des relations amicales dans la haute fonction publique du Cameroun. J’en garde d’ailleurs des souvenirs très enrichissants. Je sais qu’il y a dans cette fonction publique plusieurs hauts responsables que j’ai eus à encadrer. La situation actuelle de notre pays montre que notre administration a encore besoin de cette formation qui permet d’acquérir un certain nombre de valeurs éthiques.  À tous ceux-là que j’ai eu à encadrer et  avec qui j’ai bâti des relations assez solides, je leur renouvelle mes amitiés fraternelles.


Au moment où on sait que Biya en plein état de grâce auprès de ses compatriotes, on vient d’en finir avec 25 années d’Ahmadou Ahidjo, qu’est-ce qui vous a poussés, vous et vos camarades, à organiser ce putsch ?


Il faut tenir compte des facteurs multidimensionnels qui concourent à nos motivations. Certains remontent à la période coloniale et d’autres sont le fait de l’actualité de l’époque, les années 80. Je ne voudrais pas être très longs sur ces facteurs-là ; je vais schématiser. L’état camerounais était déjà sclérosé par les crises d’ordre organique, hégémonique, et même de légitimité. Il faut, tenir compte du glissement vers ce que les anglo-saxons appellent le « failed state », c’est-à-dire l’effondrement de l’État qui étaient déjà très, très visibles à l’époque. Je citerais la course au pillage des deniers publics, l’accentuation du tribalisme et du népotisme, etc. Qui ne se souvient pas de la phrase, «c’est notre tour maintenant» ? Ou encore «la chèvre broute là où elle est attachée» ? Ces termes n’ont pas cessé, au contraire, ils se sont démultipliés aujourd’hui. On parle de pourcentage, certains parlent de «gombo» surtout dans votre milieu de la presse...


M. Guerandi, on a l’impression que vous vivez au Cameroun...


Je vis au Cameroun. Oui, je vis au Cameroun ! Je ne peux pas faire 5 minutes sans penser au Cameroun. C’est normal. En tout cas ces expressions témoignent de la culture de la corruption amplifiée depuis l’époque du renouveau rdépéciste. Qui ne se souvient pas de la dilapidation des ressources financières au nom de la  création d’une nouvelle bourgeoisie ethno régionaliste ? Qui ne se souvient pas des arrestations arbitraires? De la volonté d’anéantissement de certaines régions ciblées par ce clan ethnofasciste au pouvoir ?
Je pense aux commerçants bamiléké et islamo peulhs. Qui ne se souvient pas des procès judiciaires initiés par ceux que j’appelle des revanchards, mettant en mal la cohésion  fragile que nous avons constatée ? Qui ne se souvient pas des pratiques sectaires dans nos forces de défense et de sécurité qui ont exacerbé les frustrations les différentes composantes sociologiques et entre les différentes hiérarchies de nos forces de sécurité ?
L’on nous répond que Paul Biya n’avait pas encore fait ses preuves. Je veux bien. Mais sait-on seulement que Paul Biya est le continuateur de ce système là ? Depuis 1962, il est dans le système et en a toujours été un acteur important. En accédant à la magistrature suprême, il savait ce qui se passait dans les arcanes du pouvoir du Cameroun.
Il faut tenir aussi compte d’une cause qui dépend de la dimension géopolitique des officiers. Leurs réflexions se font avec l’aide des facteurs  géopolitiques et stratégiques.
Notre objectif premier était d’éviter le chaos que traversent nos États aujourd’hui et anticiper des solutions aux désordres sociopolitiques et économiques qui émergeaient de l’administration mise en place.
Beaucoup demandent ce que signifiait l’appellation « Jose». C’est le mouvement des « jeunes officiers pour la survie de l’État ». Mes camarades avaient analysé la situation géopolitique au Cameroun, au sein des cellules secrètes mises en place depuis les années 1975. Sur ces cellules là, vous me permettrez de ne pas en dire plus.


D’accord, nous ne vous demanderons donc pas qui avait mis ces cellules secrètes en place et pour quelles raisons. Mais quand je vous écoute, vous parlez  de la dimension géopolitique, vous voulez nous dire que ce n’était pas pour défendre Ahmadou Ahidjo qui était en conflit avec M. Biya à l’époque ?


Non. Non, pas du tout!


Quelles étaient vos relations avec Ahidjo ?


Avec l’ancien président, étant au Cameroun, il n’y avait pas de relation comme ça avec lui. Je n’étais qu’un pauvre officier dans une unité ; je n’étais même pas à la garde républicaine. Je n’ai jamais eu de contacts avec lui, étant au Cameroun, bien que j’aie eu du respect pour sa personne, comme on peut en avoir pour tout être humain. Rien de plus. Eu égard à mes convictions idéologiques et politiques.
Cependant, en exil, grâce à deux chefs d’État, j’ai pu le rencontrer, afin de satisfaire ma soif de compréhension de certains faits de notre histoire. Vous êtes sans ignorer que certains pans entiers de l’histoire de notre patrie demeurent méconnus. J’ai eu pas mal d’éclaircissements ou ses positions par rapport à cette affaire. Aussi, je répète que nous ne nous sommes pas battus pour le retour d’Ahidjo au pouvoir. C’était impensable. C’était déjà contre notre éthique en politique. Nous connaissons les responsabilités des uns et des autres dans les politiques qui ont jalonné l’indépendance du Cameroun. Il faut arrêter de raconter ces choses-là, pour se donner une bonne conscience ou justifier les pratiques criminelles de la répression post avril 84. Ce sont les vainqueurs qui écrivent toujours l’histoire des batailles. Stigmatiser Ahidjo à l’époque était de bonne guerre pour gagner définitivement. Dialectiquement je dirais que nous assistons à un parricide qui poursuivra son auteur à vie. Est-ce vraiment une bonne sortie de l’histoire que de traîner ce boulet que je qualifierais d’inhumanité ? Au-delà, que retiendra l’histoire de Paul Biya ? Notre pays mérite mieux.


Quand vous dites que c’était impossible que vous vous battiez pour Ahidjo, est-ce que c’est tout le monde qui pensait ainsi ou bien c’est M. Guerandi Mbara et quelques autres officiers, puisqu’on a raconté que vous étiez divisés sur la question.


Il faut comprendre que nous étions partis dans un esprit de rassemblement et dans ce genre de projet il faut toujours mobiliser le maximum de forces donc, il n’est pas exclu que vous rencontriez des motivations contraires aux vôtres. Mais la majorité des acteurs principaux n’étaient pas pour le retour du président Ahidjo. Ce n’était pas possible.


Finalement pourquoi n’y avait-il que des ressortissants du nord dans cette tentative de coup d’État ?


M. Venant Mboua, qu’est-ce qui vous permet d’affirmer cela ?


C’est ce que nous avons lu dans les journaux...


Écoutez très bien. Si la victoire ponctuelle était de notre côté, vous vous serez rendu compte, comme les autres Camerounais, de la participation d’acteurs d’autres régions du Cameroun. Vous savez, ce qui a trompé le jugement des uns et des autres c’est la montée en première ligne des formations comme la garde républicaine et le Quartier général qui étaient à l’époque majoritairement composées des ressortissants du septentrion. Ce n’était pas une ethnie, c’était des ethnies. Où vouliez vous qu’on aille chercher des ressources humaines pour aboutir à nos fins.   Vous allez mettre la Garde républicaine de côté parce qu’ils sont en majorité composés des originaires du nord ? Pensez-vous qu’il n’y avait que les ressortissants du septentrion dans ces deux formations militaires ? Vous savez des dizaines d’acteurs étant vivants, je ne voudrais pas passer pour un irresponsable parce que je voudrais vous convaincre ou vous contredire. Je sais que pour un véritable changement, nous sommes tous interpellés et le patriotisme n’est pas l’apanage d’une ethnie ou d’une région donnée. Le nord n’est pas une ethnie. Je ne sais pas si je me fais comprendre.


Parfaitement. Et je ne sais pas si je vous blesserais en évoquant cela. Vous êtes de l’Extrême nord, ce qui n’est pas le cas de Saleh Ibrahim ou Issa Adoum. De vous trois, qui était le meneur de ce putsch ?


Je confirme que les officiers supérieurs n’étaient pas contactés par nous. Il faut bien comprendre ça. Les plus gradés du mouvement «Jose» avaient tous le grade de capitaine. Le colonel Saleh Ibrahim qu’on a exécuté, le colonel Ngoura Belhadji ou Ousmanou Daouda, etc. ont simplement été victimes de la haine rancunière des hommes de Paul Biya.


Excusez-moi de vous interrompre, vous voulez nous dire solennellement aujourd’hui que le colonel Saleh Ibrahim qu’on a présenté comme l’organisateur n’était pas le meneur de ce putsch ?


Je le dis et je le confirme. Et je peux vous dire en plus de ça que le colonel Saleh Ibrahim avait été maintenu chez lui à domicile pour qu’il ne sorte pas.


Pourquoi ?


Parce que connaissant la mentalité des officiers supérieurs, leur propension à retourner la veste, nous ne pouvions pas les mettre dans cette entreprise patriotique. Les soit disant vainqueurs devaient justifier leur cruauté en indexant les officiers originaires du septentrion. Le leadership était une coalition dont le mouvement «Jose» était, en première ligne, le bras armé.  Certains étaient nourris à l’idéologie marxiste. Ça vous ne le saviez pas.  Quant à  Issa Adoum il était l’un des acteurs importants de la caution civile et, la désignation du chef de l’État aurait été le fait d’un vote au sein du conseil militaire supérieur. Rien ne dit que c’est lui qui aurait été désigné. J’en demeure encore convaincu car la majorité de nos camarades étaient décidé à procéder à une refondation totale la vie nationale. Rappelez-vous qu’à l’époque, l’Afrique était secouée par une vague de coups d’État inspirés par des jeunes officiers révolutionnaires.
Pour mon courant, le 6 avril était un tremplin pour accéder au pouvoir d’État et procéder aux mutations en profondeur de la vie nationale. Depuis ce temps, notre pays ne fait que sombrer ; les problématiques sociales, à l’exemple de la corruption, et autres détournements se sont implantées en culte. Dites-moi combien sont jugés en ce moment par ces crimes économiques ?
Sous Ahidjo, on parlait déjà de la corruption. Vous le savez peut-être… Vous qui avez lu les journaux de l’époque.


Mais on dit que le phénomène n’avait pas la même ampleur qu’aujourd’hui


Peut-être. Mais au moins, on avait déjà pris conscience de la situation.


Certaines sources disent que ce sont les hommes de l’entourage de M. Biya qui vous ont poussés à la faute pour mieux briser la menace que représentaient les officiers nordistes. Cette information est-elle exacte ?


Je l’ai aussi entendu. Je suis convaincu que, quand vous vous situez à cette époque-là, le doute et la fébrilité dans le camp des partisans de Biya ne leur permettaient pas d’aller à la confrontation. Les dispositifs des troupes et les commandements militaient pour leur retenue. S’ils nous poussaient à la confrontation ce serait un suicide de leur part. Leur attitude aurait été d’éteindre toute étincelle. Au regard de ce que je viens de vous dire. La débandade qu’ils ont étalée à la face des soldats est là pour contredire ce que vous dites. La peur de perdre le pouvoir tout en sachant comment ils sont honnis les poussera toujours à massacrer les populations. Vous savez que c’est un pouvoir fébrile, tatillon ; tous ces chefaillons, sachant qu’ils avaient quelque chose à se reprocher, qu’ils sont appelés à se justifier devant la justice un de ces jours, ils prendront toujours les devants pour éteindre toute étincelle de révolte, à l’image de février 2008.
Il a quand même été évoqué à un moment donné qu’après la première tentative annoncée en 1983 ou le capitaine Salatou et le commandant Oumarou étaient impliqués, la sécurité présidentielle n’a pas voulu étouffer dans l’œuf votre initiative et avait choisi de vous prendre les armes à la main.
Non, ce sont des histoires. Même cette première tentative de coup d’État dont vous perlez est une histoire montée de toute pièce. L’histoire nous donnera de plus amples détails mais je suis convaincu que, connaissant leur manière de faire s’ils avaient des éléments entre les mains, ils ne nous auraient pas poussé à la faute. Non.


Lors de cette tentative de coup d’État, il semble que vous avez arrêté certaines personnalités : qui sont –elles ?


Avec le temps, je ne les ai plus en tête. Ce n’est pas moi qui m’occupais des arrestations.


Pourquoi ces personnes n’ont pas été tuées comme on le voit souvent dans les coups d’État ?


L’on nous reproche de n’avoir pas éliminé certains compatriotes. Je ne crois pas qu’un coup d’État soit nécessairement le théâtre d’un bain de sang. La preuve, la capitale avait été contrôlée pendant un bon bout de temps, sans effusion de sang. Vous savez, d’autres valeurs nous animaient et continuent de nous animer. Il faut que les Camerounais le saisissent très bien. Nous ne sommes pas des sanguinaires. Ce sont plutôt les bourreaux de Paul Biya qui ont massacré autant les militaires que les civils.
Rappelez-vous cette scène immonde qu’il y a eu devant la radio nationale. Lorsque les gendarmes se sont rendus, ils ont été exécutés devant la radio nationale. Vous comprenez que cette vieille garde d’officiers aujourd’hui des généraux, n’est composée que de bourreaux. Ce sont les bourreaux des militants de l’Upc dans les régions bamiléké et bassa. Ils ne peuvent que continuer dans cette voix, pour se préserver une place dans le système criminel.


Vous parlez toujours de «nous», j’ai envie de vous demander : le mouvement «Jose» existe toujours ?


Je vous ai dit que je ferais abstraction de certaines choses. Donc, permettez-moi de ne pas m’étendre là-dessus.


À votre avis, pourquoi cette tentative de coup d’État a échoué ?

Sans rentrer dans les détails, il faut scruter quelques facteurs intéressants pour comprendre ce qui s’est passé. La dénonciation, le 5 avril à 15 heures par un officier de la sécurité présidentielle ; le renvoi de certains officiers du palais présidentiel à leur domicile après la dénonciation, alors qu’ils devaient procéder à l’arrestation des occupants (vous voyez de qui je parle) ; le volte-face des troupes aéroportées de Koutaba; l’absence de communication de certaines consignes à des camarades qui étaient dans des formations pas très éloignées de la capitale; je pense aussi à l’échec de la création d’un front de guérilla urbaine, etc. Vous savez, plusieurs officiers se sont rendus dans le but de dire devant le tribunal militaire, ce qu’ils ressentent de ce régime là.
Il y a eu également quelques problèmes techniques dus à l’état de la logistique et enfin, il faut ajouter des facteurs subjectifs que je ne pourrais pas évoquer ici.

Vous évoquez le renvoi de certains officiers du palais présidentiel, le 5 avril. Ce qui veut dire que vous aviez des gens à l’intérieur du palais qui ont été renvoyés chez eux?


Effectivement, c’est ceux qui devaient prendre la garde pour contrôler le palais.


Ce qui laisse penser que la sécurité présidentielle a eu vent de ce coup pour le lendemain 6 avril ?


Effectivement, le 5 avril à 15 h. Un officier a dénoncé auprès de l’actuel chef d’État major général des armées, le général Meka. À l’époque, il devait être directeur de la sécurité présidentielle.


Vous avez aussi évoqué la création d’un front de la guérilla urbaine. Cela signifie-t-il que vous vous êtes préparé longtemps à l’avance ?


Il était prévu que si les choses se passaient mal, la conduite à tenir était de créer un front de guérilla urbaine.


Vous êtes certainement le seul survivant parmi les meneurs ( je ne sais pas si vous vous permettrez de nous le dire) du putsch manqué. 25 ans après, avez-vous le regret d’avoir engagé cette action ?


 Avec gravité, je ne le regrette pas. Vous savez, l’inexistence d’un État de droit continue de me réconforter dans le choix des moyens pour aboutir aux valeurs de dignité pour notre pays. Que signifie la révision de la constitution que nous avons connue tout dernièrement ? Que signifie l’instauration d’Élecam  avec tout le processus auquel nous avons assisté, de l’institution à la désignation des responsables ? Ce n’est que la monarchisation avérée. Nous ne l’acceptons pas. Que le peuple camerounais le sache, nous ne l’acceptons pas. Ces deux actes constituent, in fine, des fautes fatales pour ce régime.
Vouloir aller aux élections avec les règles de jeu imposées par Paul Biya, pour nous c’est faire preuve de trahison de nos idéaux de dignité.
Comprenez une chose : nous assistons dans ce Cameroun, à la concentration des barbaries (peut-être que le mot n’est pas assez fort) au niveau de la gouvernance de Yaoundé. Le régime dictatorial de Yaoundé est aussi têtu que les tenants du colonialisme. Vouloir demeurer au pouvoir contre la volonté du peuple, amène les compatriotes à faire face à une alternative : démocratie ou barbarie !
Au Cameroun se concentrent la barbarie du pouvoir d’État, la barbarie de la domination militaro policière, la barbarie bureaucratique, la barbarie du parti État, la barbarie mentale. Cela crée une conjonction de barbaries démontrant de la part de ce régime là, sa volonté d’asservissement, sa volonté d’anéantissement en vue d’assujettir l’esprit du Camerounais.
Nous voulons l’instauration d’un État de droit  pour la démocratie, pour la justice sociale et pour le progrès. Je crois que pour tout Camerounais aujourd’hui – et je m’adresse à l’ensemble des Camerounais, il faut savoir traverser la ligne rouge, pour libérer notre peuple de la dictature. Personne, je dis bien personne, ne viendra le faire à notre place. C’est un droit et un devoir collectifs.
Cependant, en parlant de cet événement, 25 ans après, vous me demandez si je n’ai pas le regret d’avoir engagé cette action. Au nom de tous mes camarades, je présente mes regrets et mes condoléances les plus sincères à toutes les victimes de nos actes pendant ces journées ayant marqué le 6 avril 84. Ne pas le faire serait de notre part irresponsable.
 
Que signifie pour vous, la ligne rouge


C’est aller au-delà d’où les gens se retiennent. Il faut aller au-delà. Le peuple camerounais doit se sacrifier pour se libérer. Vous ne pouvez pas vous libérer de cette dictature là, sans sacrifice. Et nous sommes obligés d’assumer ce sacrifice là pour sortir l’ensemble du Cameroun de la dictature.


Pour vous, est-il donc inutile de penser qu’on peut atteindre l’alternance par la voie des élections ?


À l’état actuel des institutions, des procédures, de tout ce qui peut concourir à la transparence, à la justice, à l’équité, rien ne concourt à des élections pouvant permettre l’alternance pacifique au Cameroun. Si vous en avez un exemple, donnez-le moi.
 N’y a-t-il pas d’autres leviers de la démocratie qu’on peut utiliser aujourd’hui pour atteindre cette alternance ou bien il faut passer par l’exemple de Madagascar ?
Tout est bon pour permettre la sortie de la dictature. Vous êtes face à une dictature qui utilise un langage dit démocratique pour amadouer la communauté internationale pour faire croire que nous sommes en démocratie. Non ! L’État de droit n’existe pas au Cameroun. À partir de là je crois que toutes les conclusions sont possibles.


M. Guerandi, une loi d’amnistie a été votée en 1991. Est-ce que vous en êtes concerné ?


Vous savez, la répression sauvage est la conséquence d’une certaine cruauté, traduite par des centaines de morts, des rafles qui ont fait des milliers d’arrestations ciblées, au faciès d’ailleurs ; des fosses communes existent ; des disparitions dans l’acide ont été pratiquées ; des pillages des biens appartenant à ceux qu’on a appelé les mutins ; des dizaines de prisonniers sont sortis meurtris après 7 ans parfois sans jugement ; la désintégration socioéconomique et humaine, etc.
À l’issue des manifestations – les villes mortes – de 1991, le régime en place pensait apaiser un peu les populations en votant cette loi-là. Jusqu’aujourd’hui, des familles n’ont pas pu faire leur deuil. Malgré la loi d’amnistie, les dispositions législatives et administratives demeurent non appliquées, ce qui a accentué les injustices. Faut-il encore revenir sur des officiers qui ont été mis à la retraite en catimini ? Faut-il revenir sur la non restitution des biens confisqués ? Des frustrations subies par les enfants de ces camarades exécutés ou emprisonnés ? Vous savez que beaucoup d’entre eux ne sont pas recrutés à la fonction publique parce que « fils de mutins». Il y a donc un certain nombre de frustrations qui demeurent.

 
Cette amnistie ne vous satisfait donc pas ?


Non, pas du tout ! Quiconque sait dans quelles conditions cette loi a été votée devrait prendre toujours des précautions. Et tout ce qui s’échafaude autour de ma personne me conforte encore dans l’idée de ne pas croire à cette amnistie.


Que revendiquez-vous donc ? Comment auriez-vous voulu qu’elle soit appliquée ?


Le 6 avril 2004, si j’ai bonne souvenance, j’ai publié trois revendications. Primo, le respect intégral de cette loi. Secundo, la publication de la liste exhaustive des victimes de la répression. Savez-vous qu’il y a des centaines de familles qui, jusqu’aujourd’hui, ne savent pas où sont leur père ? S’ils ont été tués, où sont leurs tombes ? La loi d’amnistie devrait régler ce problème-là. Troisièmement, le rapatriement du corps de M. Ahmadou Ahidjo, l’ancien chef de l’État.
Après réflexion, je crois que tout ceci n’est possible que dans le cadre d’un processus global de réconciliation nationale. Car le soulèvement patriotique du 6 avril n’est pas à dissocier de la lutte historique et globale de notre peuple. C’est un maillon de cette lutte globale là.


Vous dites que vous n’êtes pas un proche d’Ahmadou Ahidjo, que vous n’avez pas fait le coup d’État pour ramener Ahidjo au pouvoir mais pourquoi exigez-vous le rapatriement de son corps ?


Pour des raisons politiques, humanitaires, culturelles. C’est l’ancien chef de l’État ; cela fait bientôt 20 ans qu’il a été enterré à Dakar ; comme tout camerounais, il a droit de se reposer dans son pays natal. En tant qu’ancien chef de l’État, même si on lui reproche n’importe quoi, il a droit aux égards de la république. Pour des raisons humanitaires, c’est un Homme après tout. En fin pour des raisons culturelles. Nous sommes des Africains après tout. Il faut qu’il soit enterré à l’endroit que sa famille désignera. Ce n’est pas l’affaire d’un partisan. C’est une question de principe.


Beaucoup d’hommes politiques revendiquent le rapatriement de la dépouille d’Ahmadou Ahidjo, ainsi que sa famille et ses amis à l’étranger. À votre avis pourquoi cela n’est pas encore fait ?


C’est la volonté d’un seul homme. Parfois je me demande s’il reflète l’humanité. C’est faire preuve d’une inhumanité extraordinaire que de vouloir punir un mort.
Il a pourtant déclaré en 2007 qu’il ne s’opposerait pas au rapatriement du corps d’Ahidjo si la famille le souhaitait
C’est une déclaration politique. À sa place, je serais allé à Dakar, ou j’aurais invité Madame Ahidjo quelque part et je lui aurais posé la question «comment faire revenir le président Ahmadou Ahidjo au pays ? » Ça ne coûte rien.
Dans votre discours du 6 avril 84, votre mouvement a dénoncé les détournements des biens publics. Paul Biya vous a donné finalement raison, en engageant une opération d’assainissement des mœurs dans la gestion des fonds publics. Que pensez-vous de l’opération épervier ?

Je parlais tantôt de la culture de la corruption qui fait malheureusement de notre pays un espace de vide et de déperditions. Aucune communauté ne peut avancer sur une telle base. Tout cela concourt au mal vivre de notre pays. Les causes principales de l’ampleur de la corruption au Cameroun résident dans la crise économique que connaît le pays, la crise morale et éthique à cause du manque de sensibilité sociale des gouvernants,  des conditions socioéconomiques précaires des agents, de la culture de l’impunité, de la volonté du laisser-aller, de l’existence de plusieurs vides juridiques et réglementaires, de l’omniprésence de l’anarchie, et surtout d’un design et d’un fonctionnement administratifs inappropriés, d’une ingénierie étatique en déphasage avec son contexte ; il ne faut pas oublier l’absence des moyens et des outils de contrôle tels que l’informatisation du service public et le manque de formation civique et morale du citoyen.Vous avez certainement entendu parler de la démission du DG de Camair co. Pourquoi a-t-il démissionné ?


Vous connaissez les raisons, vous ?


Une des raisons essentielle est que, l’ensemble du conseil d’administration, le ministre de tutelle, étaient entrés dans la corruption. Il ne pouvait pas sincèrement mener à bien son travail dans un encadrement aussi corrompu. Cela nous ramène aux dires d’un homme comme Hubert Mono Ndjana qui a dit que la lutte contre la corruption est une grande plaisanterie, que cette lutte est globalement dirigée par les corrompus eux-mêmes – je le cite Mono Ndjana.
Les campagnes anti-corruption manquent, non seulement de crédibilité mais leur signification véritable n’échappe plus aux citoyens même les plus ordinaires. En définitive, ce que vous appelez « opération épervier » n’est qu’un instrument politique. C’est un leurre, une arme de destruction à tête chercheuse, comme le disait un de vos confrères journalistes.
Personne n’est dupe. Que Paul Biya et le Rdpc commence par respecter leur propre constitution vous verrez que les prisons seront insuffisantes pour accueillir les ministres de Biya.


Comment peut-on limiter la corruption et les détournements dans cette fonction publique que vous avez décrite comme une institution pour laquelle vous n’avez pas de respect ?


C’est eux qui n’ont pas de respect pour les agents publics. C’est à eux de démontrer qu’ils ont du respect pour nos compatriotes. Il y a différents instruments de lutte contre la corruption, créés par l’État, qui ont fini par se neutraliser. Je crois même que c’est fait à dessein. C’est une volonté politique.
Nous qui réclamons la refondation sociale, nous préconisons des solutions globales qui sont adaptées et durables au fléau de la corruption. La stratégie à adapter repose sur au moins sept piliers :


1) la revalorisation et la dépolitisation de la fonction publique ;
2) la résolution de la question de l’impunité ;
3) la sensibilisation des populations et des usagers des services publics ;
4) l’informatisation et l’automation et la professionnalisation de l’administration publique ;
5)  la transparence gouvernementale et la volonté de lutter contre la grande corruption ;
6) la coopération internationale contre la corruption ;
7) la participation pleine et entière de la société civile. J’insiste pour dire que la corruption doit être au centre d’enjeux qui, quelque part, devraient recouper les impératifs de recherche d’équilibres socioéconomiques et quelque part financier.


Il faut insister au renforcement de l’efficacité, de l’efficience du développement économique ; il faut insister également sur le réarmement éthique de toute la société. La lutte contre la corruption doit se concentrer également sur la refondation des systèmes qui doit exiger une approche économique et culturelle, associée à une grande sensibilité politique. Dans cette lutte, il faut prendre en compte la transparence dans la gestion des revenus des ressources naturelles, quand on pense au pillage de nos forêts, de nos mines, de nos espèces animales, etc. Nous devons interpeller la coopération internationale pour aider le gouvernement à rapatrier les fonds placés frauduleusement à l’étranger.  Cette action de lutte contre la corruption n’est pas l’affaire d’un gouvernement ni d’une administration, c’est l’affaire d’un peuple. Elle interpelle chacun et tout le monde à la fois.


M. Guerandi c’est un vrai programme politique vous venez de décliner. Est-ce à ça que vous vous êtes consacré pendant 25 ans, puisqu’on sait très peu de choses de vous depuis 1984 ?


Je n’aime pas beaucoup parler de moi. C’est pour ça qu’on me considère comme quelqu’un de renfermé à la limite secret. Si cela peut heurter beaucoup de personnes, je m’en excuse humblement et avec beaucoup de modestie. Je suis au Burkina Faso, ça tout le monde le sait. Je profite de votre antenne Cameroonvoice, pour adresser mes remerciements au digne peuple burkinabè, pour avoir accueilli ma petite famille. Toute ma gratitude va aussi aux autorités qui malgré des pressions multiples (et j’insiste là-dessus) pour m’avoir accordé avec hauteur et dignité tous les égards. Je leur dis mille fois, merci.


Guerandi Mbara : « Amadou Ali et Sadi René sont deux dauphins de Paul Biya. Savent-ils seulement – je leur pose encore la question, que j’étais venu à cette rencontre afin de jauger leur vision pour notre pays ? »

 

J’adore la formation, la transmission et le partage des connaissances. Ici au Burkina, j’ai participé à la formation des officiers ; je me suis intéressé aux choses de l’esprit, en particulier dans les domaines universitaires tels que les relations internationales, la géopolitique, la géostratégie, les relations économiques internationales, et de plus en plus je me focalise sur ce que j’appelle les réflexions et l’intelligence stratégiques. Tout cela m’a permis de dispenser des enseignements dans ces domaines. J’ai participé à la formation des diplomates ici au Burkina Faso ou ailleurs dans le monde.
J’ai écrit des ouvrages comme La refondation sociale, dont le premier tome est La renaissance par l’éthique rédemptrice ; je me prépare à publier le deuxième tome, intitulé, Refonder le politique, repenser la démocratie, et l’autre ouvrage portera sur l’économie solidaire et la protection du milieu naturel.
J’ai aussi occupé mon temps à penser au devenir du Cameroun et de l’Afrique. Aboutir à la renaissance du Cameroun commence d’abord par une préparation intellectuelle. La stratégie fondamentale, c’est d’abord ce projet rassembleur que j’appelle la refondation sociale. Il est bâti sur les orientations majeures que j’ai situé généralement en quatre points :

1.    Respecter l’Ethique Rédemptrice par une rupture consensuelle, organisée et programmée.
2.    Refonder le Politique et Repenser la Démocratie. par un triptyque : 1) L’invention et l’instauration du Politique comme lieu de refondation et d’espérances, 2) La refondation et la promotion d’un nouveau modèle de Démocratie participative, 3) La garantie de la Démocratie, de la Paix et du Bien-être durable à chacun et à tous.
3.    Reconstruire le Cameroun dans un espace sous-régional en prenant en compte la gestion des ressources et l’ensemble des mécanismes de création et de répartition des richesses en préservant l’environnement pour les générations futures. Il est urgent de considérer nos économies réelles à l’exemple des instruments de crédit et d’épargne populaires et du secteur informel.
4.    Mobiliser l’ensemble des ressources et mécanismes socioculturels qui favorise l’identification, la reconnaissance et l’appropriation par les citoyens des valeurs cardinales qui sous-tendent l’organisation de la société.

Vous savez,  à l’heure de la mondialisation/globalisation, il ne faut pas seulement penser aux bouleversements stratégiques, il faut se dire  qu’elle annonce aussi un véritable changement dans les civilisations.  En conséquence, l’existence du Cameroun et de l’Afrique est conditionnée par deux impératifs complémentaires :


1) Sortir du sous-développement durable et
2) Construire les Etats-Unis d’Afrique.

Nous sommes le moteur de l’Afrique centrale, en mesure de faire de nous un acteur majeur pour la construction des Etats-Unis d’Afrique. Et ce n’est pas l’absence endémique de Biya sur la scène internationale, qui nous déclasse diplomatiquement, qui va concourir à cette construction. Le Cameroun a besoin de l’Afrique comme l’Afrique a besoin du Cameroun.
Je tiens à souligner ici de façon particulière le rôle stratégique de la diaspora qui ne demande qu’à être intégrée dans une politique cohérente en respect des valeurs de leur pays de résidence.
En bref, notre projet de société « la Refondation sociale par l’Ethique rédemptrice »  est une réponse stratégique et indicative pour nous sortir de l’état de crise perpétuel de construire une puissance régionale.
Les enjeux et les défis ne sont pas insurmontables quand le Cameron will be back.
Quand je vous entends parler, M. Guerandi Mbara, j’ai l’impression d’entendre un homme politique qui a subi une formation pour la tâche et qui décline son programme. C’est pour aller gouverner le Cameroun ?
Écoutez, tout Camerounais a une ambition pour son pays. Même si je ne gouverne pas, cette ambition peut être accaparée par d’autres Camerounais pour faire avancer les choses. Je n’en fais pas une affaire personnelle.


Vous n’avez donc pas d’ambition personnelle pour gouverner au Cameroun ?


À partir du moment où je jauge que l’eau est pure ou sale, je fais déjà de la politique. Nous avons des défis énormes à relever. Ce n’est pas une affaire de personne. Je tiens quand même à le rappeler même si c’est de la redondance, le Cameroun est le moteur de l’Afrique centrale, le Cameroun a besoin de l’Afrique, comme l’Afrique a besoin du Cameroun. Décliner ses ambitions légitimes nous permet de nous donner beaucoup plus de courage afin de relever les défis !


On va bientôt conclure cette interview. Je pense que vous êtes conscient du fait que des centaines de milliers de Camerounais vous écoutent, notamment ceux de la diaspora éparpillée à travers le monde. On vous a écouté parler comme un homme politique, si vous étiez à un meeting en face de ces Camerounais, que leur diriez-vous, à l’occasion de ces 25 ans d’un événement qui a marqué le pays ?


Vous parler de programme, je ne déclinais pas un programme. Je parlais de quelques idées centrales d’un projet de société relative à la refondation sociale. Cette refondation sociale pour nous c’est une réponse stratégique pour nous sortir de cet état de crise que nous connaissons et de conduire ou de construire une puissance régionale. Qu’est-ce que je dirais comme messager particulier ? Tout d’abord, j’ai une ou deux observations particulières à faire : en 2004, lors du sommet de la francophonie à Ouagadougou, M. Amadou Ali, actuel vice-Premier ministre en charge de la Justice, a insisté pour me convier à une rencontre. Je vous avoue que j’ai fais violence sur moi-même pour aller écouter le ministre de la Justice dans un hôtel de la capitale burkinabè. Il m’a reçu en compagnie de M. Sadi René, Secrétaire général adjoint de la présidence et actuel secrétaire général du Rdpc. Quelle n’a pas été ma surprise d’entendre le discours tenu par cet envoyé de Paul Biya. Amadou Ali a passé le temps à me démontrer comment il était au courant de mes faits et gestes. Je ne reviendrais pas sur ses mots. Devant lui, sur la table, était posé un téléphone portable Gsm, qui devait retransmettre notre conversation au feu général Benaye Mpecke, resté dans sa chambre et que j’avais souhaité ne pas rencontrer.


Vous nous direz certainement les raisons tout à l’heure


Je ne pense pas


Ok, comme vous voudrez


Il n’est plus des nôtres, il faut le laisser en paix. Je me suis demandé ce que voulaient ces illustres compatriotes en face de moi. Je crois que Paul Biya et le Rdpc sont en manque de politique de vivre ensemble, dont l’un des fondements essentiels est la réconciliation nationale. Je ne représente rien, certes, vraiment rien. Mais je m’attendais à un autre discours démonstratif de la hauteur d’esprit, de la stature d’homme d’État et du sens du patriotisme. Vous êtes sans ignorer que Amadou Ali et Sadi René sont deux dauphins de Paul Biya. Savent-ils seulement – je leur pose encore la question, que j’étais venu à cette rencontre afin de jauger leur vision pour notre pays ?
M. Venant Mboua, nous nous rappelons les pendaisons et les assassinats des nationalistes, avant et après les indépendances ; les victimes des villes mortes en 1991-1992 ; du commandement opérationnel de Douala en 1999-2000 ; de la révolte des jeunes de février 2008 ; des assassinats des personnalités politiques et religieuses ; je ne citerai pas la mort à petit feu que ce régime inflige, par la régression physique et morale, à notre jeunesse alors qu,elle a besoin d’une formation et d’un professionnalisme dignes de ses ressources ; rappelons-nous des frustrations comme telles que vécues par nos compatriotes du West Cameroon ; rappelons-nous les nombreux intellectuels camerounais qui ne peuvent contribuer librement au développement de leur pays ; rappelons-nous en fin, les talents innombrables de nos compatriotes dans différents domaines scientifiques, technologiques qui sont malheureusement non exploités . Une situation géopolitique de cette ampleur là, il est de notre responsabilité de livrer ce message, comme vous l’avez demandé


Avant votre message je voudrais deux petites précisions. Je n’ai pas très bien compris ce que vous a dit Amadou. Est-ce qu’il vous menaçait ?


Non, ce n’était pas des menaces mais je sais comment interpréter ce genre de discours. (Silence). Voilà.


Je sais que vous n’êtes pas du Rdpc mais j’ai bien entendu que MM Amadou Ali et René Sadi sont les dauphins de Paul Biya ? Vous savez, nous Camerounais ça fait longtemps qu’on cherche à connaître le dauphin du chef de l’État. Dois-je considérer votre déclaration comme une révélation ?


Ce n’est pas une révélation, c’est une réflexion sur la situation politique du Cameroun. (Silence).


Vous pouvez dire votre message


Avec humilité, je peux dire que le combat dans le cadre du mieux vivre ensemble sur le plan national est avant tout la revendication d’une véritable politique de réconciliation nationale, qui couvre la période de la colonisation à nos jours et qui projette notre société vers un avenir digne de ses potentialités et ressources.
Quand vous le dites, vous êtes au Burkina, nous, ici au Canada, comment amener les gens à appliquer ce genre de politique au Cameroun ?
C’est un processus de l’instauration de la démocratie, de la légitimité, de la stabilité, de la paix qui sont garants du bien être et de la stabilité. Nous proposons un processus en trois étapes :

1) la résistance populaire et patriotique à la dictature en place ;

2) l’instauration par tous les moyens – je dis bien tous les moyens-, d’une transition historique et démocratique, c’est-à-dire, une transition systémique vers un Etat de droit moderne. 

3) en fin, une période de légalité et de légitimité à l’égard de tout projet sociétal élu par le peuple camerounais.



Guerandi Mbara : «j’appelle à une résistance populaire et patriotique à la dictature en place»



Si Paul Biya aimait le Cameroun, qu’il laisse faire la transition pacifique de manière transparente et équitable sur les bases consensuelles et démocratiques. C’est clair ! Par conséquent, nous ne sommes pas dupes. Je considère la démission de droit de Paul Biya et le Rdpc à la gouvernance du pays ; considérant l’incapacité avérée à gouverner ce pays-là ; toutes deux sous-tendues par la crise de confiance entre la classe politique dans son ensemble et le peuple camerounais, je crois que le sursaut patriotique devient non seulement un impératif légitime mais aussi la seule voie vers l’alternative patriotique. Voilà la quintessence de ce message lourd et très perspectif que je lance au peuple camerounais.


M. Guerandi je vous remercie d’avoir accepté de parler à Cameroonvoice


J’ai quand même un dernier mot à ajouter, si vous permettez


Allez-y, je vous en prie


Au mois de février dernier, les Camerounais ont commémoré le premier anniversaire de la révolte des jeunes. Une fois de plus, je rends un vibrant hommage à tous ces jeunes assassinés pour avoir dit non, au tripatouillage de la Constitution. Pour avoir exigé un bien être pour plus de dignité. Je crois fermement qu’il faut instituer une commission d’enquête internationale, afin de situer les responsabilités de ces messages là. Il faut libérer sans condition les jeunes incarcérés. Sans condition. Je demande également la libération de Lapiro de Mbanga. Je pense également à tous les militants du Scnc emprisonnés, alors que le dialogue devait primer avec ces compatriotes acculés à la surenchère. Chers compatriotes, nous devons nous rassembler autour des valeurs humanistes de libération véritable, de réconciliation nationale et de civilisation.
En ce 21e siècle commençant, nos villes, nos campagnes et nos territoires méritent mieux en termes de bien-être et de gouvernance. Malgré les adversités multidimensionnelles et l’énormité des problèmes connexes,  humblement au service du Cameroun, et avec détermination, je crois à la libération véritable de notre Patrie.
Le 1er janvier 2010, le Cameroun aura 50 ans d’indépendance. Qu’avons-nous fait de cette indépendance nominale ?
Les enjeux et les défis ne sont pas insurmontables quand le Cameroun will be back.

Propos recueillis par Venant Mboua.



11/04/2009
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