Grogne dans l’armée : Quand les militaires font paniquer Yaoundé

 

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Les militaires camerounais de la Minusca revendiquent sans coup férir le paiement par les autorités camerounaises des primes et autres émoluments dus à leur mission internationale en République centrafricaine.

 

«Allez, ça ne passe pas ici, jusqu’à nouvel ordre», «l’heure est grave». Mines graves, visages fermés et armes aux poings, des militaires ont pris position à l’entrée du Quartier général des armées camerounaises en milieu d’après-midi ce 9 septembre. Redirigeant systématiquement les usagers du tronçon allant du lieu dit Voierie municipale au Cétic de Ngoa-Ekelle. A défaut d’être soi-même un homme en treillis, il faut montrer patte blanche pour avoir le privilège de franchir les barricades militaires. D’ailleurs, pour les cas négociables, un «commandant» assis dans une jeep barrant latéralement la large rue, a son mot à dire. Pour le reste, «Ça ne passe pas ; contournez par l’ambassade de France, au niveau du Monument de la Réunification, posez votre problème à nos hommes qui sont là-bas, ils vous laisseront passer», ordonne un des patrons des lieux.

 

Au bout du nouvel itinéraire, c’est le même problème. «Même si on vous laisse passer, notre chef ne vous laissera pas passer», confie un jeune homme. Le Chef en question tient une arme à l’arrière et disperse tout regroupement autour de la première ligne. Il faut faire le chemin inverse et emprunter des pistes sinueuses à travers la broussaille pour parvenir à la Garnison. Avec la prière de ne pas rencontrer un nerveux insensible aux flatteries. Même ces deux vieilles personnes malades n’auront pas la chance de corrompre par leur état physique.

 

Cette prise du ministère de la défense et du Quartier général survient après un périple à travers les rues de Yaoundé, avec un arrêt devant les services du Premier ministre, chef du gouvernement. Un détachement a pris d’assaut l’Assemblée nationale, pour dire la colère des hommes envoyés en mission dans le cadre de la sécurisation de la Centrafrique, pour le compte de la Mission de sécurisation de la Centrafrique (Misca) décidée par l’Union africaine, puis transférés sous le commandement de la Mission multidimensionnelle intégrée de stabilisation des Nations unies en Centrafrique (Minusca). Et qui viennent de regagner le pays.

 

Au moment où le deuxième contingent des soldats camerounais affectés dans ce pays voisin, la tension est vive dans les rangs de l’armée camerounaise. Les fantassins en fin de séjour en République Centrafricaine depuis bientôt un mois en ont ras-le-bol et sont montés au créneau pour exiger le paiement par les autorités camerounaises de leurs primes et émoluments divers dus à leur mission internationale. Le vers est resté longtemps dans le fruit, et a fini par en sortir. Les près de 1300 sous-officiers de l’armée ont tenu à le faire savoir et ont observé pendant la journée d’hier un mouvement d’humeur à travers les artères de Yaoundé, avec comme point de chute, le Quartier général (QG). Cet espace stratégique et ultra-sensible de la capitale camerounaise est resté en Etat de siège, sous le contrôle des forces de défense, en faction à toutes les entrées et labyrinthes qui mènent au QG.

 

Ces mécontents dénoncent le non-paiement de leurs primes de mission pendant la période qu’ils ont mise en Rca. «Le mal est très profond. Tout ce qu’on va vous racontez, c’est le mensonge. On n’aime pas notre pays. Chaque fois que le Camerounais entend le mot argent, il devient autrement. On devait préfinancer leur mission mais, rien n’a été fait. Et puis, ces militaires, certains sont morts, d’autres ont perdu leurs mariages, et les gens ne mesurent pas ça. Leur demande est fondée et très légitime. Ils ont passé deux ans en Centrafrique et, ils n’ont rien, juste des promesses. Les chefs militaires n’ont jamais accepté que la guerre de Bakassi finisse. Même la situation qui se passe au Nord là (sic), ils sont très contents parce que c’est eux qui en sortent grands vainqueurs», tempête une source au Ministère de la défense, très au faîte de cette crise.

 

 

Des frustrations et 6 milliards d’arriérés

En filigrane, les forces de sécurité redoutent la gestion sibylline des fonds qui leur sont dus par leurs patrons, les officiers de l’armée qui sont en charge de la redistribution. Ce mouvement d’humeur aura néanmoins suscité des réactions au sommet de l’Etat et, selon Issa Tchiroma Bakary le ministre de la communication, «Le chef de l’Etat, chef des armées, a ordonné des mesures appropriées pour faire revenir la situation à la normale». Et au moment où nous mettions sous presse, l’accalmie avait relativement regagné les rangs, et les autorités s’étaient résolues à payer aux militaires leurs primes, soit près de 6 milliards de Fcfa.

 

Cependant, ces sous-officiers n’ont de cesse de décrier les conditions dans lesquelles ils exercent au front, parfois avec de la logistique vétuste et dans l’indifférence la plus absolue de leur hiérarchie. «Il y a trop de réclamations que les gars veulent, et ce n’est pas fini. Ça concerne toute l’armée. Il y a deux barrières, deux armées différentes. Les officiers d’un côté et les sous-officiers de l’autre, avec des avantages qui ne sont pas équilibrés», poursuit notre informateur. Dans la foulée de ces frustrations de la «grande muette», il appert que ces militaires –ceux engagés dans la lutte contre la secte intégriste Boko haram compris- ruminaient déjà leur colère au mois de juin dernier à cause des coupes sur leurs salaires par le Ministère des finances, sans raisons préalables.

 

© La Nouvelle Expression : Lindovi Ndjio et Yannick Kenné


10/09/2015
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