Grandes écoles : Quand la corruption dicte sa loi

Cameroun - Grandes écoles : Quand la corruption dicte sa loiToutes les initiatives privées et les programmes gouvernementaux mis sur pied pour combattre ce phénomène se sont avérés inefficaces dans ce domaine.

«A chaque fois que (…) le ministre de la Fonction publique et de la Reforme administrative lance les concours d'entrée à l'Enam, des individus sans foi, ni loi, écument les quartiers, extorquant des fonds aux braves populations, en contrepartie, prétendent-ils, d'une "entrée facile" au sein de  cette auguste institution. Le directeur général a beau mettre en garde les populations, rien n'y fait. Les victimes, toujours plus nombreuses, se font dépouiller. Le directeur général lance un énième appel aux Camerounais, attirant leur attention sur le fait qu'il ne saurait cautionner ce racket totalement inconciliable avec les missions dévolues à l'auguste institution».

Cet extrait d’un communiqué de l’ancien directeur général de l’ecole nationale d’administration et de magistrature (enam), Benoît ndong soumhet, publié en avril 2008, est un résumé succinct des arnaques auxquelles font face les candidats à l’entrée dans les grandes écoles au Cameroun. C’est dire qu’on est en pleine période de vache grasse, alors même que la saison des concours administratifs ou professionnels, pour l’année académique 2013-2014, vient de s’ouvrir.

si, de la façon la plus officielle, Benoît ndong soumhet s’était fendu d’un tel communiqué il y a cinq ans, c’est certainement parce qu’il s’était rendu compte, comme le Camerounais lambda, que le phénomène avait pris une ampleur assez inquiétante. Cependant, les auteurs des actes que dénonce ndong soumhet se recrutent tant au sein de l’administration (même s’ils passent généralement par le biais de leurs proches) que dans la rue.

Concours de l’Enam

L’année dernière, un jeune ressortissant du septentrion, à qui un haut responsable de l’enam aurait promis l’entrée dans cette école en contrepartie d’une somme de 5 millions de francs, avait menacé d’ester en justice après s’être rendu compte que son nom ne figurait pas dans la liste des admis de la session. Les menaces faites sur ledit responsable ne lui auraient permis de rentrer que dans la moitié de ses frais. a en croire un diplômé de cette école de cadres, c’est la règle pour y entrer, à défaut d’avoir un proche haut dans l’administration. Dans le cas de l’étudiant suscité, confie-t-il, la manoeuvre n’a simplement pas marché.

Un enseignant rencontré sur le campus de l’enam fait ressortir des nuances assez subtiles dans l’admission dans cette école. «Depuis deux ans pratiquement, sur 100 élèves inscrits à l’Enam, 70 ont sont passés par la voie loyale. Les 30 autres, à défaut d’avoir monnayé leur entrée auprès de quelques personnalités, peuvent simplement être des proches de ces personnalités», explique-t-il. selon lui, les admissions basées sur le principe de l’équilibre régional font partie des voies loyales. L’arnaque, le marchandage, la corruption et le népotisme ne sont pas l’apanage de l’enam.

C’est un phénomène qui a fini par faire tâche d’huile dans tous les concours administratifs ou professionnels. ils sont aussi observés à l’institut des Relations internationales du Cameroun (iric), à l’ecole militaire interarmées (emia), dans les facultés de médecine, les ecoles normales, etc. Les différents programmes mis sur pied par la Commission nationale anticorruption (Conac) pour combattre cette gangrène se sont montrés inefficaces, au point de n’être considérés à ce jour que comme de simples slogans.

La corruption, au Cameroun, s’avère être un vrai serpent de mer. La récente affaire des neuf étudiants que le secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand ngoh ngoh, a fait exclure de l’iric en mai dernier, après six mois de cours, en dit d’ailleurs long. Le sg/Pr n’avait en effet pas compris par quelle alchimie neuf étudiants dont les noms figuraient initialement dans la liste d’attente de la filière diplomatie, ont été définitivement déclarés admis par le ministre de l’enseignement supérieur, sans même qu’il y ait eu préalablement des désistements.

Une forte odeur de favoritisme, de marchandage et de népotisme au départ s’en était alors dégagée. en février 2006, le ministre de Fonction publique et de la Reforme administrative d’alors, Benjamin amama amama, avait annulé les résultats de toute une session concours d’entrée à l’enam, invoquant une insubordination du Dg de cette institution, qui avait organisé ladite session sans l’y a voir associé.

© Mutations : Jean De Dieu Bidias


24/07/2013
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