Grande muette: Conflit Nsola-Mebe Ngo’o: le silence troublant de Paul Biya

Douala, 19 juin 2013
© Jean François CHANNON | Le Messager

Alors qu’un général de brigade s’en prend publiquement au ministre délégué à la présidence chargée de la Défense, le chef de l’Etat, Paul Biya, chef suprême des armées, reste pour l’instant sans voix. Au sein de la Grande muette, cette situation provoque des vaguelettes dont on se demande si elles ne vont pas gonfler.

Ce sont nos confrères de l’hebdomadaire La Nouvelle qui ont rendu public ce qui est considéré au sein de la grande muette comme un brûlot. Il s’agit d’une correspondance attribuée au contre amiral Jean Baptiste Nsola, adressée à l’actuel ministre délégué à la présidence de la République chargé de la Défense, Alain Edgar Mebe Ngo’o. Dans la correspondance publiée par nos confrères de La Nouvelle, le contre amiral Jean Baptiste Nsola qui se considère toujours comme l’attaché militaire à l’ambassade du Cameroun en République populaire de Chine, n’est pas du tout tendre vis-à-vis de son destinataire : «Excellence monsieur le Ministre du Ciel et de la Terre, et proconsul attitré de la République autonome du Ministère et de la Défense auprès de celle du Cameroun ». Dans la même tonalité, l’officier général précise avoir fait copie au chef de l’Etat. Il en est ainsi du rappel historique qu’il dresse dans ce conflit, réel ou supposé, qui l’opposerait à Edgar Alain Mebe Ngo’o, le ministre de la Défense, en « dénonçant » au passage l’ambassadeur du Cameroun en République populaire de Chine, Martin Mpana, qu’il traite de « principal homme de main » de l’actuel Mindef.

Le contre amiral convoque ainsi dans sa missive les deux fois où selon lui, le ministre Mebe Ngo’o aurait réussi à manipuler l’actuel ambassadeur du Cameroun en Chine. « Une fois, en lui présentant sans un exposé de motifs probant, le 29 octobre 2011, 02 faux projets de décrets portant respectivement l’un sur mon rappel disciplinaire de mon poste d’attaché de défense, et l’autre sur mon versement subséquent en 2ème section des officiers généraux par retrait d’emploi, et limite d’âge du grade de contre amiral. Et la seconde fois, le 21 novembre 2011, en appuyant le rapport mensonger de Mpana sollicitant l’autorisation de requérir l’assistance de la police chinoise pour me faire arrêter puis rapatrier, sous forte escorte, en camisole de force et menottés. Son prétexte, que j’étais atteint de folie démentielle agressive due à la sénilité, qui me faisait déambuler à longueur de journées dans les rues de Beijing, en tenue d’apparat d’officier général débraillé, et me poussait déjà à venir escalader les murs de l’Ambassade armé de machettes dans le dessein d’occire l’ambassadeur et son épouse », pour reprendre des extraits de cette correspondance qui donne froid au dos.


Diatribes

Le contre amiral achève sa correspondance ainsi rendue publique dans un média local, par une série de diatribes, qui mettent en cause l’honneur et la probité de l’actuel ministre délégué à la présidence de la République chargé de la Défense. En gros, il s’agit d’un long réquisitoire d’un officier général récemment admis en deuxième session (une sorte de retraite des officiers généraux) mais aussi déchargé de ses fonctions d’attaché de défense à l’ambassade du Cameroun en Chine, contre son ministre de tutelle, qu’il croit être la source de tous ses malheurs actuels ou à venir. En tout cas cette correspondance du contre amiral Jean Baptiste Nsola publiée de manière inédite par l’hebdomadaire La Nouvelle, s’est vendue et s’est répandue en grand nombre, même en photocopie, dans presque toutes les casernes de la Grande muette à travers la République. Désormais, on cherche en vain un militaire qui ne l’a pas lu. Chacun y allant de ses propres commentaires, très souvent enflammées, sur cette affaire qui met ainsi forcément à nu, un ministre de la République, et de surcroit un ministre de la Défense.

Il s’agit bien là d’une affaire historique. Certaines sources bien introduites affirment que l’actuel ministre de la Défense et le contre-amiral Jean Baptiste Nsola se connaissent particulièrement. D’abord du côté de Kribi, où les deux personnalités ont servi l’Etat du Cameroun, respectivement comme préfet de l’Océan et commandant de la base navale locale. Ensuite au Palais de l’Unité, où Edgar Alain Mebe Ngo’o à été directeur du Cabinet civil, pendant que Jean Baptiste Nsola officiait à l’Etat-major particulier du président de la République. Les mêmes sources indiquent à tort ou à raison que l’ex-préfet Edgar Alain Mebe Ngo’o et l’ex-capitaine de corvette à ces époques-là, ne semblaient vraiment pas se détester. En fait là n’est pas le vrai problème pour les citoyens qui ont conscience, de la grandeur d’un pays comme le Cameroun.

En effet, le problème de fond réside dans le fait que les deux hommes sont des personnalités qui travaillent au plus haut niveau de l’Etat, dans un secteur sensible. Voila plus de deux semaines que ce conflit né de la colère d’un officier général, torture l’actualité au niveau du sérail et même de la rue. On pourrait bien se dire que Paul Biya, qui est parfaitement au courant d’une telle affaire, avec les détails les plus croustillants, aurait pu très vite, en tant que chef suprême des forces armées nationales, soucieux de préserver la sérénité des troupes, frapper du poing sur la table. Mais c’est mal connaître l’homme du 6 novembre 1982. Adepte de ce qu’un politologue camerounais appelle « la stratégie du pourrissement » dans les dossiers sensibles, l’actuel chef de l’Etat garde encore son silence. Un silence qui a des allures de celle au terme duquel, c’est la tempête.

Jean François CHANNON



19/06/2013
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