Au fil de ses lettres ouvertes, l'ex collaborateur du chef de l'Etat accentue le déshabillage du régime par ses révélations, tout en renforçant au sein de l'opinion, son image de système maffieux. Après s'être mépris sur sa capacité de nuisance, le pouvoir dans sa logique jusqu'au boutiste ne va-t-il pas commettre l'erreur grave d'en faire un héros ? Le parallèle était cocasse à l'époque. Venant surtout d'une ponte du régime et membre du gouvernement d'alors. Joseph Owona dont il s'agit, s'était montré très critique à l'égard des arrestations des collaborateurs du chef de l'Etat au nom d'une certaine opération d'assainissement des mœurs publiques et de lutte contre la corruption. L'agrégé de droit, afin que nul n'en n'ignore, avait tenu à rappeler au bon souvenir de ses pairs du sérail, ''l'opération mani pulate'' menée en Italie, et qui avait emportée tout un gouvernement. Cette référence à la mafia italienne en dit long sur les similitudes avec les pratiques au sein du pouvoir de Yaoundé. Et la question qui traverse l'esprit, c'est de savoir qui de Marafa ou du Grand capo, aurait-il violé la loi de l'omerta, en portant sur la place publique ces affaires jusqu'ici ignorées des camerounais ?
Ayant vécu en silence, et ce malgré lui l'arrestation et l'humiliation de ses camarades du parti et pour certains, d'anciens membres du gouvernement, Marafa Hamidou Yaya dont les câbles de Wikileaks avaient révélé l'avis critique au sujet de l'opération Epervier, était loin de se douter que son tour viendrait. Ainsi, dans le plus grand secret, il a imaginé un plan de riposte à haut risque pour certains, mais qui lui permet aujourd'hui de mettre en difficulté le pouvoir. L'ex ministre d'Etat en charge de l'administration territoriale et de la décentralisation, par ailleurs membre du très restreint Bureau politique du Rdpc, apparaît dès lors, comme l'incarnation des dérives contre lesquelles entendent désormais s'élever, certains dignitaires du pouvoir affichant des ambitions successorales.
Un péril inutile
Il était pourtant possible d'éviter les dérapages que l'on constate actuellement, si Paul Biya avait la clairvoyance de relativiser sa perception machiavélique du pouvoir. A force d'utiliser sans ménagement le fameux rouleau compresseur, ce dernier coure le risque de se muer en vieux fusil de chasse, dont certaines victimes préparées échapperaient de justesse aux munitions. Dans le cas Marafa Hamidou Yaya, un pouvoir prévenant aurait jugé de l'inopportunité de procéder à son arrestation. Et pour éviter un péril inutile, l'on devait recourir à d'autres moyens : au lieu de sortir les muscles, le pouvoir aurait par exemple gagné à garder sous son contrôle, cet homme qui en sait trop, en lui confiant un poste sans consistance. De la sorte, c'est par l'usure que le pouvoir allait avoir raison de ce haut commis de l'Etat, qui de guerre lasse devait craquer comme autrefois Titus Edzoa.
Même si elle ne va pas faire basculer le pays dans le chaos, la quatrième lettre ouverte de Marafa Hamidou Yaya est un sérieux coup de canif porté contre Issa Tchiroma Bakary, le ministre de la communication qui faisait jusqu'alors office de porte-flingue du chef de l'Etat pour anéantir les velléités de son ex-collaborateur originaire du Nord du Cameroun, tout comme le ministre de la communication. Marafa qui avait des comptes à régler avec Issa Tchiroma marque des points. Particulièrement à l'Assemblée nationale, où le président de l'auguste chambre, l'honorable Cavaye Yegué Djibril, l'avait tancé à travers son discours d'ouverture de l'actuelle session du parlement.
L'on peut à juste titre se demander pourquoi les
personnalités à l'instar du président de l'Assemblée nationale,
applaudissant au moindre mouvement du chef de l'Etat, n'usent pas de
toute leur influence pour ramener à de justes sentiments, un homme usé
par l'âge, le pouvoir et dont… la clairvoyance peut être entachée par de
sombres desseins politiques ? L'honorable Cavaye Yegué Djibril aurait
pu faire comprendre au chef de l'Etat que dans la mafia, quand on arrête
un capo, sa seule issue, c'est de sortir pour aller se repentir devant
le peuple.
Les personnes les plus affectées par le sort actuel des victimes de
l'opération Epervier sont certainement dans l'entourage du chef de
l'Etat. Eperviables potentiels, ces hommes et femmes hésitent d'engager
une guerre contre Marafa. Cet embarras remarqué par l'opinion, peut
traduire une certaine incapacité. A force de le relever, certains
proches du chef de l'Etat sont sortis du bois, il s'agit pour
l'essentiel, d'hommes dont la quête de positionnement n'échappe à
personne. C'est à juste titre qu'un journal paraissant à Yaoundé avec de
sérieuses entrées au comité-central les a désigné par ''les mauvais
avocats du régime Biya''. Avec pour locomotive Issa Tchiroma Bakary qui
disposerait de moyens substantiels pour cette opération, l'équipe
chargée d'apporter la réplique aux sorties de Marafa s'en tire plutôt
mal. Ce qui a suggéré ce commentaire à un journaliste proche du parti au
pouvoir : ''l'équipe coiffée par le Mincom se montre souvent inefficace
en multipliant des dérapages et des bourdes qui fissurent en fin de
compte la stratégie de défense sensée donner la réplique au camp d'en
face''.
Ces ratés de l'équipe Issa Tchiroma vont-ils
amener Paul Biya à accélérer la cadence de la riposte pour apporter des
réponses aux questions soulevées par Marafa ? Dans l'entourage du chef
de l'Etat, l'on vante plus que jamais son éternel silence, son
indifférence et même sa morgue hautaine. N'empêche tout de même que l'on
y sent une certaine agitation et personne que lui ne peut prendre
d'initiatives en courant le risque d'être désavoué. Quelques sources
introduites dans le sérail, faisant état de la riposte envisagée,
parlent d'un dilemme, suite à des divergences entre le camp piloté par
le ministre de la communication qui ne satisfait pas encore les
attentes, et celui des faucons du pouvoir, impatients de découdre avec
''l'impertinent et traitre Marafa''.
Ces derniers affidés sont appréciés par le chef de l'Etat, acquis à
leur plan de riposte. Affichant une sérénité feinte, Paul Biya est plus
porté par un traitement de son ancien collaborateur avec plus de dureté.
L'isolement de ce dernier au Sed, marque la première étape d'une
stratégie. Dans cette forteresse militaire, à l'abri des regards
indiscrets des militants des droits de l'homme, Marafa est à la merci de
toute forme de torture. Pour les besoins de la cause, même des médias
sont mis à contribution pour ignorer à l'avenir ses sorties
épistolaires.
Et même, d'autres informations font état de la préparation d'un remaniement du gouvernement dans les prochains jours. Les stratèges de l'entourage de Paul Biya, sont convaincus que : ''pour reléguer au second plan l'affaire Marafa, il est nécessaire de procéder à des arrestations de trois ou deux membres sortants du gouvernement pour détourner ailleurs des attentions''. Des noms circulent et il pourrait s'agir de personnalités dont la proximité avec le chef de l'Etat traduira sa détermination à aller jusqu'au bout de sa logique. Les bruits circulent déjà à ce sujet dans le Sud du pays où les populations se proposent de monter au créneau. Reste à savoir quand et comment Paul Biya va-t-il réagir ?