Grâce présidentielle: Un décret et des questions
Yaoundé, 24 Février 2014
© GEORGES ALAIN BOYOMO | Mutations
La volonté proclamée de décrispation politique donnera-t-elle lieu à d'autres remises totales de peines?
Une boite de Pandore ouverte. Une prime aux auteurs de détournements de deniers publics. La polémique enfle au sein de l'opinion publique après la publication du décret du 18 février 2014 portant remise et commutation de peines, accordées notamment aux personnes condamnées pour crimes économiques. En effet, c'est la première fois qu'un tel décret bénéficie à des personnes reconnues coupables d'atteinte à la fortune publique.
Inédit, le décret du Chef de l'Etat sème d'autant plus la confusion qu'il semble avoir été taillé sur mesure, après des pressions extérieures, pour un individu, Michel Thierry Atangana, de nationalité française, même si d'autres détenus en bénéficient. Faut-il dès lors comprendre qu'il suffira pour les détenus de l'Epervier de s'attirer les sympathies de la «communauté internationale» pour bénéficier de la grâce présidentielle?
Le texte présidentiel survient surtout au moment où le principe du «qui paie sort» est manifestement dans l'impasse au Tribunal criminel spécial (Tcs). En dehors de l'ex Ministre de l'Education de base, Haman Adama, qui a été libérée après remboursement de l'argent détourné, en pleine cam¬pagne électorale des municipales et législatives du 30 septembre 2013, ni Yves Michel Fotso, ni les employés de Afriland First Bank, qui ont pourtant cassé leur tirelire pour recouvrer la liberté, n'ont franchit le seuil de la prison de Kondengui ou de la prison secondaire de Yaoundé.
Le Chef de l'Etat a beau affirmer que le décret portant remise et commutation de peines s'inscrit dans la volonté d'associer tout le monde à la fête de la Réunification, le secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh, a beau vanter les valeurs d'humanisme, de tolérance et de réconciliation nationale, qui se nicheraient derrière ce «fait du prince», le débat sur l'opportunité de gracier des criminels économiques ne s'anime pas moins.
Il est d'autant plus dans l'air du temps que des leaders d'opinion avait déjà invité le Président de la République à faire acte de clémence envers les détenus de l'Epervier (car, soutenaient-ils, la gangrène de la corruption a atteint toute la haute administration, voire l'ensemble du corps social) et à repartir sur de nouvelles bases. Cette perspective a été défendue par le Président de La Dynamique, Albert Dzongang (qui a écrit au Chef de l'Etat à cet effet) et par Robert Mouthé Ambassa, membre suppléant du comité central du Rdpc.
En face, un mitré courant de pensée réclame des têtes, encore des têtes à couper, afin que les «voleurs à col blanc» rendent effectivement gorge. Entre le grand pardon attendu et l'intensification de l'opération Epervier, tout aussi attendue, Paul Biya doit trancher. En tenant compte de ce qu'il faut désormais appeler «la jurisprudence Atangana».
© GEORGES ALAIN BOYOMO | Mutations
La volonté proclamée de décrispation politique donnera-t-elle lieu à d'autres remises totales de peines?
Une boite de Pandore ouverte. Une prime aux auteurs de détournements de deniers publics. La polémique enfle au sein de l'opinion publique après la publication du décret du 18 février 2014 portant remise et commutation de peines, accordées notamment aux personnes condamnées pour crimes économiques. En effet, c'est la première fois qu'un tel décret bénéficie à des personnes reconnues coupables d'atteinte à la fortune publique.
Inédit, le décret du Chef de l'Etat sème d'autant plus la confusion qu'il semble avoir été taillé sur mesure, après des pressions extérieures, pour un individu, Michel Thierry Atangana, de nationalité française, même si d'autres détenus en bénéficient. Faut-il dès lors comprendre qu'il suffira pour les détenus de l'Epervier de s'attirer les sympathies de la «communauté internationale» pour bénéficier de la grâce présidentielle?
Le texte présidentiel survient surtout au moment où le principe du «qui paie sort» est manifestement dans l'impasse au Tribunal criminel spécial (Tcs). En dehors de l'ex Ministre de l'Education de base, Haman Adama, qui a été libérée après remboursement de l'argent détourné, en pleine cam¬pagne électorale des municipales et législatives du 30 septembre 2013, ni Yves Michel Fotso, ni les employés de Afriland First Bank, qui ont pourtant cassé leur tirelire pour recouvrer la liberté, n'ont franchit le seuil de la prison de Kondengui ou de la prison secondaire de Yaoundé.
Le Chef de l'Etat a beau affirmer que le décret portant remise et commutation de peines s'inscrit dans la volonté d'associer tout le monde à la fête de la Réunification, le secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh, a beau vanter les valeurs d'humanisme, de tolérance et de réconciliation nationale, qui se nicheraient derrière ce «fait du prince», le débat sur l'opportunité de gracier des criminels économiques ne s'anime pas moins.
Il est d'autant plus dans l'air du temps que des leaders d'opinion avait déjà invité le Président de la République à faire acte de clémence envers les détenus de l'Epervier (car, soutenaient-ils, la gangrène de la corruption a atteint toute la haute administration, voire l'ensemble du corps social) et à repartir sur de nouvelles bases. Cette perspective a été défendue par le Président de La Dynamique, Albert Dzongang (qui a écrit au Chef de l'Etat à cet effet) et par Robert Mouthé Ambassa, membre suppléant du comité central du Rdpc.
En face, un mitré courant de pensée réclame des têtes, encore des têtes à couper, afin que les «voleurs à col blanc» rendent effectivement gorge. Entre le grand pardon attendu et l'intensification de l'opération Epervier, tout aussi attendue, Paul Biya doit trancher. En tenant compte de ce qu'il faut désormais appeler «la jurisprudence Atangana».