Gouvernement : Yang Philemon charge ses ministres chez Paul Biya
Le Premier ministre «évalue» Ama Tutu Muna, Essimi Menye, Patrice Amba Salla, Louis Paul Motaze, André Mama Fouda, Adoum Garoua, etc. à travers une note incendiaire.
Le Premier ministre (Pm) serait décidé à ne plus laisser ses ministres lui imposer leur vision de la gestion des affaires publiques. Philemon Yang, apprend-on, se serait plaint, via une note, auprès de Paul Biya de l’insubordination notoire dont font preuve certains de ses ministres. Il accuse par ailleurs l’essentiel de ceux-ci d’une incompétence qui plombe le plan d’urgence économique.
Dans sa correspondance au chef de l’Etat, soutiennent nos sources, c'est pratiquement la mise à la porte de ces «récalcitrants» qu'il suggère au président de la République. Au banc des accusés, la ministre des Arts et de la Culture (Minac), Ama Tutu Muna, ceux de l'Agriculture et du Développement rural (Minader) Essimi Menye, des Travaux Publics (Mintp) Patrice Amba Salla, de l’Education de base (Minbase) Youssoufa Adidja Alim, des Sports et de l’Education physique (Minsep) Adoum Garoua, de la Santé publique (Minsanté) André Mama Fouda, de l’Enseignement supérieur (Minsesup) Jacques Fame Ndongo… et à la surprise générale, le secrétaire général de ses services (Sg-Pm) et plus proche collaborateur, Louis Paul Motaze.
Griefs.
S’agissant du Minac, la gestion du pactole du droit d'auteur de l'art musical serait la pomme de discorde. Philemon Yang reprocherait à «sa petite sœur» de lui avoir coupé l'herbe sous les pieds en invalidant l'élection du candidat de la primature, l'Américain d'origine camerounaise Ndedi Eyango. Il est aussi reproché à la dernière-née des Muna de n’avoir pas aidé le chef du gouvernement à régler des comptes à son rival Roméo Dika, dont l'influence auprès des artistes compromet les ambitions de l’ancien ambassadeur du Cameroun au Canada. N'avoir pas pu convaincre les artistes de surseoir à la création de leur société, le 28 avril à Mbengwi, a persuadé Philemon Yang qu'Ama Tutu Muna présentait un obstacle pour lui.
Concernant le Minader, le Premier ministre ne s'accommode pas de sa forte personnalité et de son franc-parler. Il accuse Essimi Menye d'avoir osé contester publiquement son impérium.
Pirouette.
Le Mintp, lui aussi, subirait le courroux de l’ancien secrétaire général adjoint de la présidence. Patrice Amba Salla est accusé de rébellion. Selon Philemon Yang, André Siaka, l’ex-président du Groupement interpatronal du Cameroun (Gicam) et le Mintp, auraient mis sur pied une entreprise de travaux publics qui raflerait le gros des marchés de ce département ministériel. En représailles, le Pm aurait confisqué le plan d'urgence du Mintp, toute chose qui aurait conduit à la radicalisation de l’ancien maire d’Ayos.
Dans la même veine, le Minbase, le Minsanté, le Minsep et le Minesup sont accusés de plomber l’action gouvernementale. Au chef de l’Etat, il est rapporté que Youssoufa Adidja Alim aurait brillé par son clientélisme lors des opérations de contractualisation des instituteurs vacataires. Mama Fouda, quant à lui, ne comprendrait rien du tout des dossiers relevant de son ministère. Adoum Garoua, lui, est taxé de laxiste alors que Jacques Fame Ndongo est pointé du doigt comme celui-là qui évolue en soliste, sans requérir l’avis du chef du gouvernement. Et que dire des secteurs Economie-Finances-Mines et Industrie ? Acculé pour son inertie à mettre en œuvre le plan d’urgence économique, M. Yang, en bon Ponce Pilate, fait porter le chapeau aux ministres en charge de ces maroquins.
Ici et là, le Pm ne voit que des fainéants nourris d’intérêts personnels. Philemon Yang pour qui l’enfer c’est les autres, s’emploierait ainsi à anticiper sur son bilan désastreux, semble s’en laver les mains au cas où... Dans la perspective du remaniement ministériel, il croit, à travers cette liste, démontrer qu’il demeure le seul recours à la tête du gouvernement. Une façon de suggérer un prolongement de bail au chef de l’Etat.
En retour, et selon des indiscrétions, Paul Biya aurait diligenté une enquête pour comprendre pourquoi la primature est autant accusée d'immixtion dans la gestion des ministères : selon les textes, le Pm est plutôt chargé de la coordination de l'action gouvernementale. Pour se dédouaner, l'«étoile du Nord-Ouest» aurait pointé un doigt accusateur sur Louis Paul Motaze, qu’il considère comme la source de ses malheurs, un homme qu’il qualifierait d’ambitieux et d’affairiste, qui ne se soumettait pas à son autorité et serait derrière toutes les intrigues.
Ce brulot a fait rire à la présidence, où le chef de l’Etat attend plutôt que lumière soit faite sur les accusations graves de trafic d'influence portées contre son Premier ministre. Sans oublier le mystère qui plane sur son intérêt subit pour la condition des artistes-musiciens, dont il a décidé de réformer la société de gestion des droits à travers la mise en place d’un comité ad hoc dont les conclusions semblent connues d’avance.