Gouvernement: Marabouts et sectes bloquent le remaniement
YAOUNDE - 04 DEC. 2014
© Mamouda Labaran | La Météo
Le Premier ministre, Philemon Yang, a été reçu hier au Palais de l’unité par le président de la République. Pour beaucoup d’observateurs, si le chef de l’État a pris l’habitude, chaque semaine, de consulter son chef du gouvernement, cette dernière entrevue laisse penser que, de retour du XVè sommet de la Francophonie de Dakar, Paul Biya serait, plus que jamais, déterminé à mettre en place l’échiquier qui devra conduire de façon significative les «Grandes réalisations», largement hypothéquées par l’inertie de l’équipe gouvernementale en place.
Il se murmure même qu’à la suite du Pm, le président de la République serait sur le point de congédier une équipe au bilan globalement médiocre, ainsi qu’il l’exprimait lors son discours à la nation, le 31 décembre 2013. Lors de cette traditionnelle adresse à ses compatriotes, Paul Biya avait en effet manifesté toute sa déception : «Il semble en effet que nos efforts, aussi louables soient-ils, ne suffiront pas, à leur rythme actuel, pour que le Cameroun devienne un pays émergent en 2035.» Le chef de l’Etat avait soulevé plusieurs interrogations qui portaient en elles-mêmes les réponses de l’échec du gouvernement actuel.
Pourtant, le Cameroun, avait soutenu Paul Biya, dispose du potentiel nécessaire pour être un modèle de développement. «Mais d’où vient-il donc, s’était-il exclamé, que l’action de l’État, dans certains secteurs de notre économie, paraisse parfois manquer de cohérence et de lisibilité ? Pourquoi, dans bien des cas, les délais de prise de décision constituent-ils encore des goulots d’étranglement dans la mise en œuvre des projets ? Comment expliquer qu’aucune région de notre territoire ne puisse afficher un taux d’exécution du budget d’investissement public supérieur à 50 % ? Enfin, il est permis de s’interroger sur l’utilité de certaines commissions de suivi de projets, qui ne débouchent sur aucune décision.» Il avait alors reconnu l’urgence d’une reprise de conscience.
Biya encerclé.
Cette déclaration, à la vérité, dissimulait mal un constat d’échec, à quelques exceptions près, de l’équipe Yang. Depuis lors, les Camerounais et autres observateurs de la scène nationale restent dans l’attente de la bourrasque qui emportera ceux dont l’inertie et l’incompétence auront été dûment constatées. Et, si on y ajoute les loupées du plan d’urgence, bien évidemment, l’heure est indiquée pour trancher des têtes. Surtout que, rarement dans l’histoire politique du Cameroun, on aura autant attendu l’acte présidentiel lié à la formation d’un gouvernement après des échéances électorales telles que le double scrutin législatif et municipal du 30 septembre 2013.
À entendre une autre opinion avisée, aucun indicateur, allant dans le sens d’un chamboulement gouvernemental, n’est perceptible à ce jour. Pour ceux-là, le remaniement, ou plutôt le réaménagement, devrait intervenir après la session parlementaire de mars 2015, période à laquelle Paul Biya pourrait modifier les grands équilibres, consacrant par exemple la création d’un président de l’Assemblée nationale originaire des régions Sud-Ouest ou du Nord-Ouest, et d’un Premier ministre ressortissant du grand-Nord.
Selon les tenants de cette thèse, au-delà du phénomène Boko Haram qui semble également justifier le statu quo, tout porte à croire que le chef de l’État, parce qu’humain, serait aujourd’hui sous l’emprise de marabouts et autres sectes pernicieuses, mis en action par un grand nombre de ses collaborateurs aujourd’hui dans le viseur de la justice, pour se tirer d’affaire. Il n’est pas exclu, pense-t-on, que plusieurs hauts commis de l’État actuellement dans le collimateur de l’Opération Épervier sont ceux-là même qui tirent les ficelles dans l'ombre. Tous les coups sont permis pour échapper à la guillotine et aucune frontière n'existe presque plus entre le spirituel et le temporel, entre l’irrationnel et le bon sens. On s'accuse, on s'invective, on se jette des peaux de banane, le tout sur fond d’ésotérisme.
« Les enjeux et les acteurs sont nombreux : qui pour consolider ses assises, qui pour arracher un strapontin gouvernemental», observe un fin connaisseur de la scène politique nationale, comme pour justifier le fait que Paul Biya tarde à donner le coup de neuf tant attendu. En tout cas, le non moins président national du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) a tout l’air d’un homme sous le coup d’un envoutement ou de l’hypnose, parce que cerné par les loges et autres cercles mystiques. Il faut délivrer le président…
Mamouda Labaran