Gouvernance mondiale : Crise de leadership moral et intellectuel de l'Occident

San finna
lenouveaucourrier



Nous observons, à travers la gouvernance mondiale actuelle, des signes qui, tout en étant inquiétants, nous confortent dans la conviction que l’Occident n’a pas le monopole de l’intelligence et de la sagesse dans le monde. Quelques faits parlants.

Au lendemain de la dernière crise financière internationale qui a montré les limites du capitalisme et de la gouvernance mondiale, on a cru que les leçons en seraient tirées et que le monde, avec à sa tête les pays responsables au premier chef de ce grave dysfonctionnement, entreraient en réformation profonde pour trouver d’autres modes de gestion plus à même de nous prévenir à l’avenir contre de telles crises. Ce n’est pas faute d’ailleurs, de la part des dirigeants du moment tels Sarkozy, Obama, Merkel…, de s’y être engagés de la façon la plus solennelle. Mais on se rend compte qu’une fois encore, ces belles paroles de nos grandes puissances ont été vite enterrées sitôt prononcées.

C’est que l’engagement dans une telle refondation, comme ils disaient, ne pouvait qu’appeler à des sacrifices très lourds de leur part. Il leur faudrait réduire leur train de vie, procéder surtout à des coupes sombres qui ne pouvaient que provoquer des secousses sociales pouvant déboucher sur des crises beaucoup plus généralisées mettant en cause les pouvoirs en place.

Alors, au lieu de garder cette ligne juste et salutaire à long terme, on a préféré recourir à des remèdes de sorcier. Lesquels ? Aller tout simplement chercher ailleurs ce qu’on n’a plus chez soi ou ce qu’on a de moins en moins pour reconstruire d’autres gouvernances ou en tout cas préserver le statu quo. Et ce ailleurs, c’est où ? Evidemment, dans les pays en développement et plus particulièrement dans ceux d’Afrique.

Fini le discours sur l’urgence de promouvoir le développement, les droits de l’homme, la démocratie dans ces contrées afin d’y instaurer ce vouloir d’y vivre qui limitera l’émigration vers les «paradis» occidentaux ; finie l’aide responsable qui permettra à ces pays africains de se suffire plutôt que de rester dans la posture de ceux qui attendent que l’aide leur tombe toute prête dans le bec. Raouste le renforcement, l’institutionnalisation de la solidarité comme arme de pacification du monde et de prévention d’une insécurisation croissante. Sans état d’âme, les pays riches décident de revenir à la politique de la canonnière.

Grâce aux mensonges qui ont plus de force aujourd’hui avec la puissance des médias, ces pays n’ont pas peur de bouleverser l’ordre des valeurs pour magnifier des politiques construites sur l’hypocrisie afin d’arriver à leurs fins. On ne redessinera pas au vu et au su de tous une nouvelle carte de l’Afrique comme on l’a fait à Berlin. On ne fera pas dans le viol de la souveraineté d’un pays comme on l’a fait avec le Traité de Nankin en 1842 ni dans le reniement de la parole donnée qui a provoqué une nouvelle guerre de 100 ans en Palestine comme on l’a fait avec la Déclaration Balfour de 1917. On se fera plutôt porteurs de démocratie, de liberté, pour investir les régions du monde choisies et au moment voulu. Comme le prétexte de l’ouverture des peuples inférieurs à la Chrétienté, à la civilisation, a servi l’esclavage et la colonisation, aujourd’hui, le nouveau cheval de Troie pour la «reconquista», c’est l’humanitaire, les droits de l’homme, la fin des dictateurs. Ce sont ici les nouveaux alibis qui permettent aux grandes puissances de se jeter comme des proies affamées sur leurs anciennes colonies.

Aujourd’hui, sous ses prétextes, on veut mettre la Côte d’Ivoire à genoux. Au mépris de toutes les valeurs sur lesquelles les Nations Unies sont assises, on livre ce pays à un embargo inhumain ; on va même jusqu’à porter assistance à des rebelles pour légitimer leurs tueries au quotidien d’innocentes victimes afin de choquer l’opinion mondiale qui à force, ne comprendrait pas que la solution du pire, c’est-à-dire la guerre, ne soit pas imposée. Même les mouvements de droits de l’homme restent sourds aux embargos portant sur l’exportation de produits du crû et sur l’importation de médicaments ; ils font chorus avec la Cour pénale internationale instrumentalisée pour convaincre le monde entier qu’il faut guérir le mal par le mal. Et l’on assiste ainsi à un décompte macabre de victimes, sans se soucier de ce que ce ne soit qu’un camp qui soit ainsi identifié comme étant passible de la justice pénale internationale.

En Libye, c’est exactement le même scénario qui se dessine. On va frapper dur ce pays, détruire ce qu’il a construit grâce au labeur de son peuple depuis des décennies, on va le ramener 10, 20 ans en arrière sous prétexte de le délivrer d’un dictateur alors qu’on a été l’ami, le complice de ce dernier et que surtout, si tant est qu’on avait le souci de protéger le peuple libyen, on avait bien le choix des moyens pour y parvenir au lieu de choisir celui des larmes et du sang. Mais c’est que dans un cas comme dans l’autre, la destruction de la Côte d’Ivoire comme celle de la Libye, ce sont des occasions qui permettront aux agresseurs d’avoir des pétrodollars, des marchés notamment de reconstruction, d’accéder à moindre coût aux matières premières de ces pays via des présidents valets.

Oui, il y a une crise morale et intellectuelle patente dans le leadership occidental mais on peut dire qu’il n’y a rien de nouveau sous le ciel depuis les Romains, depuis Louis XIV, Isabelle 1er de Castille, depuis les explorateurs français, britanniques, belges… Mais on peut dire aussi que rien n’a changé s’agissant des Africains puisqu’ils restent tout autant en retard de solidarité face à un danger qui ne fera pas de quartier.




22/03/2011
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