Gouvernance: La corruption qui décime le Cameroun
Yaoundé, 24 Juillet 2013
© Dominique Mbassi | Repères
Depuis près d'une décennie, la dénonciation et la lutte contre ce cancer social, dont les métastases ont atteint tous les secteurs d'activité, préoccupent une multitude d'acteurs étatiques, de la société civile, etc.
Autant la petite corruption, celle qui consiste par exemple à verser ou exiger un pot-de-vin pour obtenir ou rendre un service, bénéficie de la plus mauvaise publicité, autant la grande corruption, qui s'exprime en plusieurs millions ou milliards, semble couverte par l'omerta. Dans cette enquête.
"Repères" fait une incursion au Ministère des Finances, et notamment dans les administrations des Impôts, du Trésor et du Budget, ou dans d'autres secteurs considérés comme des sanctuaires de cette corruption qui annihile les efforts de développement du Cameron.
1-TRANSPARENCY DÉNONCE LA PETITE CORRUPTION
Pour établir son classement 2013, Transparency International (TI) soutient avoir, de manière aléatoire, interviewé 1000 personnes à travers les 10 régions du Cameroun. L'ONG a recruté l'échantillon de son étude parmi les Camerounais âgés de 18 ans et plus, qui représentent plus de la moitié de la population du Cameroun. Le questionnaire à eux soumis dans le cadre de cette enquête portait notamment sur la perception de la corruption au Cameroun et l'expérience quoti¬dienne de chacun de ce fléau social.
Résultat: «Un peu plus de 3 personnes sur 5 au Cameroun (soit 62 %) ont dû payer des pots-de-vin pour être servis dans l'une des 8 administrations suivantes, au cours des 12 mois ayant précédé l'enquête: police, système judiciaire/tribunaux, services en charge des impôts/taxes/fisc, système éducatif, services médicaux, services d'enregistrement et de délivrance de permis (enregistrement civil des naissances et des mariages, délivrance de licences et de permis, (enregistrement civil des naissances et des mariages, délivrance de licences et de permis, enregistrement des droits de propriété des transferts de propriété), services liés à la propriété (achat, vente, héritage, location) et services publics (téléphone, électricité, eau, etc.)
De manière précise, révèle le rapport de TI, «la police est (...) l'institu¬tion qui perçoit le plus de pots-de-vin, plus de 2 per¬sonnes sur 3 (soit 69 %) ayant été en contact avec la police pendant les 12 mois précédant l'enquête ont déclaré avoir payé des pots-de-vin pour obtenir un service. Le système judiciaire suit avec 55 % de personnes ayant payé des pots-de-vin, puis les services des impôts et taxes avec 46%...».
Pour 54 % des personnes ayant payé des pots-de-vin, la corruption était le seul moyen d'obtenir le service pour lequel ils ont à payer. 37% ont payé pour accélérer des procédures, seuls 5 % ont offerts les pots-de-vin comme by Savings Wave">cadeau. La corruption revêt donc dans une large majorité un caractère coercitif, assimilable au racket».
Dès sa publication, le rapport a suscité une vive controverse. Comme à chaque fois, les administrations incriminées contestent, à tort et parfois à raison, leur classement. Des contestations qui relèguent très souvent aux oubliettes la question fondamentale: sans dénier la pertinence de sa démarche, TI s'intéresse-t-il à la vraie corruption?
Certes, la corruption que dénonce TI n'est pas moins détestable et nocive. Loin s'en faut. Mais à bien y voir, elle ressemble à du menu fretin. Une petite corruption entretenue par exemple par les chauffeurs de taxi accros de la surcharge ou du défaut d'assurance et qui, à la première interpellation, spontanément proposent des bakchichs aux policiers. Une pratique illicite prisée par la petite infirmière soucieuse d'arrondir la fin du mois et qui exige un dessous de table pour faire une injection ou détourne les médicaments des patients.
Dans ce registre se recrutent aussi le proviseur qui exige 50.000 FCFA ou un peu plus au parent en quête d'une place pour son rejeton, la maîtresse qui rackette ses élèves, l'agent communal qui entretient les magouilles autour de la délivrance du permis de construire…
Cette corruption touche le Camerounais ordinaire au porte-monnaie et le pénalise sans aucun doute. Mais, s'accordent des observateurs, elle semble négligeable en comparaison avec celle qu'ils désignent la grande corruption: celle qui prive l'Etat d'une bonne partie de ses recettes, pollue l'environnement des affaires, échaude les bailleurs de fonds et décourage les investisseurs, et fatalement, tue l'économie en portant un coup à la création des richesses. Cette corruption est plus pernicieuse et ruineuse des espoirs de développement du Cameroun. Revue de quelques niches de la vraie corruption.
2-BUDGET-TRÉSOR-IMPÔTS CITADELLES IMPRENABLES DE LA HAUTE CORRUPTION
Dans l'univers de la corruption, le Ministère des Finances (Minfi) apparait comme une niche extraordinaire avec ses sanctuaires inviolables que sont le Trésor, le Budget et les Impôts. Au sein de cette dernière administration, l'on connait bien ce scandale lié à la production parallèle des timbres fiscaux qui a fait perdre plusieurs dizaines de milliards à l'Etat. A ce sujet, l'ex-Directeur général des Impôts, M. Alfred Bagueka Assobo, a commandé un audit interne qui a révélé l'ampleur du phénomène. En guise de mesure conservatoire, il s'est contenté de classer le rapport dans les tiroirs au prétexte que sa mission ne consiste pas à envoyer les gens en prison.
Des agents commis à la collecte des impôts ont aussi leurs ficelles pour spolier l'Etat de ses ressources. «Les inspecteurs des impôts se muent en conseil fiscal pour apprendre au contribuable à ruser avec l'administration fiscale. Pendant des années, celui-ci ne s'acquitte pas du juste impôts», confesse un conseil fiscal agréé, inspecteur des impôts à la retraite. Ce qui, reconnait-il, prive l'Etat d'une portion non négligeable de recettes nécessaires à son fonctionnement et à l'investissement.
D'autant que, lorsqu'en cas de rupture gentleman agreement l'agent du fisc est amené à dénoncer le contribuable à ses collègues, le redressement fiscal qui s'ensuit ouvre la voix à une négociation permettant aux équipes d'inspecteurs d'empocher une bonne partie de ce qui devait revenir à l'Etat en échange d'une réduction de la pénalité.
Une affaire de détournements de deniers publics qui a agité l'Autorité aéronautique du Cameroun (CCAA) en 2010 est à cet égard édifiante. Mme Niba, Inspecteur du Trésor et sous-directeur des ressources financières de cette structure, a, d'après les aveux de M. Allabira Mamadou, directeur administratif et financier au moment des faits et aujourd'hui Directeur Général adjoint de la CCAA, réussi à faire payer à la CCAA 200 millions de FCFA de redressement fiscal et 20 millions de pénalités alors que le rapport provisoire établi par les inspecteurs des impôts affichait un montant de 800 millions de FCFA au titre du redressement fiscal et 300 millions de FCFA pour les pénalités. Le Ministre des Finances n'a jamais autorisé un abattement, tout s'est négocié sous la table entre le contribuable et l'équipe des inspecteurs. Des cas similaires sont légions.
Même s’il n’existe pas un étalon de mesure de leur niveau de performance en la matière, au moins cette affaire permet d'établir que des fonctionnaires des Impôts excellent dans la corruption autant que leurs collègues du Budget. Cette administration constitue une bête noire pour les entreprises et établissements administratifs publics et parapublics bénéficiant de la subvention de l'Etat. Son maintien ou son déblocage dépend fortement de la disposition du dirigeant de l'administration bénéficiaire à céder aux exigences de libéralités des fonctionnaires du Budget.
En témoignent les déclarations de M. Ignatius Sama Juma, ancien Directeur général de la CCAA, devant un juge d'instruction: ses services ont dépensé 101.329.295 FCFA pour graisser la patte aux agents du fisc dans l'affaire suscitée mais surtout pour «désintéresser les responsables du Ministère des Finances afin de préserver la subvention d'un montant de 1.130.000.000 de FCFA». Et comme c’est le cas pour tous les interlocuteurs des fonctionnaires du Budget ou des Impôts, le paiement s'est effectué en espèces sonnantes et trébuchantes.
L'ancien Directeur général de la CCAA, condamné plus tard par le Conseil de discipline budgétaire et financière du Contrôle supérieur de l'Etat pour cette dépense injustifiée de 101 millions de FCFA (les documents administratifs de certains prestataires de services ont été utilisés à leur insu pour des prestations fictives devant justifier les pots de vin versés aux fonctionnaires), se gausse même d'avoir fit œuvre utile en laissant cette subvention en place au moment de son limogeage.
Allez donc savoir pourquoi, après tous ces aveux de corruptions, le juge d'instruction a laissé tout le monde rentrer chez lui et n'a pas cru devoir convoquer les fonctionnaires dénoncés pour leur présumée vénalité. Normal alors que cette activité se poursuive sereinement. Si au cours des années passées, la nomenclature de la loi de Finances permettait de savoir le montant de la subvention réservé à chaque administration bénéficiaire, pour mieux entretenir le flou et par ricochet le chantage, tel n'est plus le cas depuis bientôt 3 ans.
Il suffit alors, pour se faire une idée approximative du préjudice subi par l'Etat, de se rappeler qu'en 2007 ce dernier a accordé une subvention de l'ordre de 89, 8 milliards de FCFA à près de 90 de ses démembrements. Et que l'administration fiscale constitue le premier contributeur au budget de l'Etat avec par exemple 1 214 milliards de FCFA attendus d'elle en 2013.
Il n'y a aucun doute que le potentiel ou la capacité de mobilisation de l'assiette dépasse largement les objectifs de recettes assignés à l'administration fiscale. Une portion difficilement évaluable mais de toutes les façons très élevée échappe à l'Etat au profit des individus», consent un inspecteur des impôts dont le niveau de vie contraste avec celui réputé princier de la plupart de ses collègues.
Les pertes sont d'autant plus importantes qu'une structure comme l'Agence nationale d'appui au développement forestier (Anafor) ne produit pas suffisamment de recettes pour assurer son fonctionnement. Et dépend surtout de la subvention de l'Etat pour son budget d'investissement et de fonctionnement. La moindre résistance de ses dirigeants à céder aux exigences des fonctionnaires du Minfi pour sa libération fait courir le risque d'une asphyxie à l'Anafor.
Cette menace de paralysie des activités, apanage de la plupart des sociétés d'Etat, est aussi surtout le fait des fonctionnaires du Trésor, autre citadelle imprenable de la corruption. Outre la pratique du pourcentage à concéder obligatoirement par - les prestataires pour le paiement de leurs factures qui continue toujours d'avoir droit de cité, le reversement des recettes de toutes natures (redevance audiovisuelle, taxe foncière...) centralisées par le Trésor au nom du principe de l'unicité des caisses et des années au fonctionnement de certaines administrations ne va pas de soi.
L'exemple de la redevance audiovisuelle destinée à la Crtv est emblématique. Pour capter ces ressources qui s'élèvent alors à une dizaine de milliards par an, M. Gervais Mendo Ze a dû, pendant les 17 ans passés à la tête de cette entreprise, se résoudre à céder une bonne portion aux fonctionnaires du Trésor. L'actuelle équipe managériale de l'audiovisuel public camerounais, pour entretenir une illusion d'ange, n'en ressent que plus durement, à travers l'amenuisement des recettes rétrocédées, son refus de perpétuer ce "deal".
Le Crédit foncier du Cameroun (CFC) n'a pas échappé à ce siphonage en règle de la redevance foncière prélevée sur les salaires des travailleurs du secteur formel et centralisée au Trésor public. D'après M. Gabin Babagnak, ingénieur industriel, depuis 1977 le financier institutionnel de la production du logement n'a investi que 262 milliards de FCFA.
Pourtant, dans le même temps, les comptes du Trésor affichent au 31 décembre 2012 1000 milliards de FCFA collectés à son profit. Qu'est devenu le différentiel de 738 milliards de FCFA. Si une bonne partie a été distraite au fil des ans par les différentes équipes managériales ou par le: truchement des prêts douteux, une autre ne lui a pas été rétrocédée pour des raisons évidentes. Ce qui explique, en partie, la crise aiguë du logement que connait aujourd'hui le Cameroun.
Si les exemples de corruption à grande échelle impliquant les fonctionnaires du Ministère des Finances peuvent s'égrener jusqu'à l'infini, pour autant cette administration n'est pas seule touchée par cette gangrène. Elle plonge aussi ses ramifications dans d'autres secteurs comme le gouvernement, les marchés publics, etc.
3- LES AUTRES POCHES DE LA CORRUPTION
Une pratique de corruption insidieuse prend de plus en plus de l'ampleur au Cameroun le monnayage des nominations. Parmi ceux qui dirigent aujourd’hui les entreprises publiques et parapubliques, beaucoup doivent leur poste non pas à leurs compétences, mais à leur argent. Le gouvernement n'échappe pas à cette logique. Si parmi ceux qui ont déboursé de faramineuses sommes d'argent d'aucuns ne sont pas parvenus à décrocher le Graal, beaucoup d'autres ont pu intégrer l'instance gouvernementale. Sous les lambris dorés, d'aucuns prennent même du plaisir à raconter leurs "exploits".
Pas de surprise donc que le gouvernement, tout-venant réunissant à la fois des personnalités à la compétence éprouvée mais surtout des hommes incompétents, inaptes à la fonction ministérielle ou mus par la seule ambition d'enrichissement, peine tant à réaliser sa feuille de route. Beaucoup de membres de l'actuel gouvernement ne peuvent entrer dans l'histoire pour leurs actions, alors que dans le même temps leurs frasques encombrent au quotidien les colonnes des journaux.
C'est que de hauts responsables, animés par des envies de corruption, deviennent de véritables freins à l'investissement. Le cas de certaines têtes couronnées du ministère des Mines, de l'industrie et du Développement technologique (Minmidt) qui exigent leur participation sans bourse délier au capital de la société porteuse du projet de création d'un complexe agroindustriel sucrier à l'Est-Cameroun. Face à la résistance du promoteur, l'on œuvre, foulant aux pieds au passage les instructions du Premier Ministre, pour saper un investissement de 60 milliards de FCFA devant générer presque 17 000 emplois directs et indirects.
Dans cette même optique, l'ambassade américaine de Yaoundé a consacré tout un câble destiné au département d'Etat sur le racket des investisseurs par M. Célestin N'donga, ancien directeur de l'Industrie et directeur général de Electricity Development Corporation (EDC), ternissant ainsi la perception de l'environnement des affaires au Cameroun (Lire plus loin l'inté¬gralité du câble diplomatique). Cette sortie montre bien que la corruption a fait son lit dans la commande publique.
«La corruption a atteint dans les marchés publics au Cameroun des proportions inacceptables», corrobore M. Bernard Messengue Avom, ancien ministre des Travaux publics. Dans son ouvrage «La gouvernance des marchés publics au Cameroun », il dresse l'inventaire des maux qui minent ce secteur, et qui ont pour nom «la prestation de travaux fictifs, le gonflement artificiel du volume des tra¬vaux, l'emploi de matériaux d'une qualité inférieure à celle prévue dans le contrat, les contrôles de complaisance résultant des pots-de vin reçus par l'ingénieur chargé du contrôle...».
Toutes ces pratiques conduisent à une mauvaise exécution des projets, avec pour conséquence la dégradation précoce des ouvrages réalisés. Difficile alors d'envisager de nouveaux projets. S'il n'existe pas une évaluation officielle chiffrée du coût de la corruption dans le secteur des marchés publics, ce n'est pas l'ancien ministre des Travaux publics qui dirait que la note n'est pas très salée. Il suffit de voir qu'en 2012, 5970 marchés publics ont été passés au Cameroun pour 700 milliards de FCFA.
4- LA CORRUPTION DE CÉLESTIN NDONGA A RUINÉ UNE ENTREPRISE AMÉRICAINE"
Ce câble de l'Ambassade des Etats-Unis de Yaoundé destiné au département d'Etat, traduit par la rédaction de "Repères", jette une lumière crue sur les actes de corruption de l'ancien DG d’EDC et met en perspective son impact sur l'économie camerounaise.
RÉSUMÉ
Célestin Ndonga est un fonctionnaire dont l'influence, exclusivement négative, va au-delà de ses fonctions officielles et dont les actes de corruption ont ruiné une entreprise américaine et ont fait échec aux intérêts du gouvernement des Etats-Unis dans le développement économique du Cameroun. Comme conseiller technique au ministère des Mines du Cameroun, Ndonga a sollicité des dessous-de-table d'une société américaine et, quand cette dernière a refusé, il a cherché à torpiller le projet en faveur des sociétés concurrentes aux¬quelles il était financièrement rattaché.
Dans son rôle actuel de Directeur général de l'entreprise publique camerounaise Electricity Development Corporation (EDC), Ndonga continue à s'immiscer dans le développement de projets miniers qui n'ont rien à ver avec sa fonction officielle. Sans avoir la compétence d'un cabinet officiel, Ndonga évolue dans le labyrinthe obscur des arcanes économiques du Cameroun, utilisant sa casquette officielle pour détourner des contrats publics au profit des sociétés qu'il favorise et fait pres¬sion sur des investisseurs pour qu'ils paient subtilement des dessous-de-table. Fin du résumé.
LES ACTES DE CORRUPTION DE NDONGA
Bien que nous ayons reçu les rapports du délit de Ndonga à travers une vaste gamme d'activités et d'un large spectre de sources, nous avons la forte preuve que Ndonga a sollicité un dessous-de-table d'un exploitant minier américain au Cameroun, cherché à utiliser sa fonction officielle pour son gain personnel.
SOLLICITATION DES POTS-DE-VIN
En plein milieu des négociations entre le gouvernement du Cameroun (GRC) et Hydromine sur les termes d'une convention d'un projet minier dirigé par les Américains, des responsables de Hydromine se sont confié à l'ambassade. Ils disent avoir perçu que Ndonga cherchait à faire échouer leur projet en faveur des concurrents.
Ndonga était, à l'époque, conseiller technique au ministère de Mines. Fin 2007, un officiel de Hydromine a fourni à l'ambassade une copie d'une lettre ten¬dant à prouver que Ndonga avait solli-cité un dessous-de-table de Hydromine pour lui "faciliter" la négociation de sa convention. La lettre, portant l'en-tête est du Ministère de Mines, de l'Industrie et du Développement technologique (MINMIDT), est signée par Ndonga. La lettre indique que Hydromine devrait lui verser 50 millions de CFA.
Des responsables de Hydromine ont confié à l'ambassade qu'ils ont perçue dans cette lettre une tentative mal déguisée de sollicitation de dessous-de-table et ont refusé de payer. Pourquoi, se sont-ils demandé, l'on doit demander à Hydromine de verser de l'argent à des officiels du gouvernement du Cameroun pour qu'ils s'acquittent simplement de leurs responsabilités? Le représentant camerounais d'Hydromine a indiqué en fin août qu'il avait demandé conseil auprès de Jean Paul Nkounchou Somo, chargé de la mission à la présidence. Ce dernier lui a dit que Hydromine devrait "payer Ndonga" si Hydromine voulait obtenir la convention. Le responsable de Hydromine a dit qu'il a appris que Ndonga avait promis de partager les revenus du dessous-de table avec d'autres hauts fonctionnaires.
Un diplomate américain a rencontré le Dr. Calistus Fuh Gentry, le secrétaire d'État au MINMIDT le 5 septembre pour comprendre si la demande de Ndonga était en phase avec la règlementation du Cameroun. (Note: Fuh est bien connu à l'ambassade comme l'un des rares ministres du gouvernement camerounais propre et efficace. Fuh a reçu des éloges de l'Américain, des experts miniers britanniques et australiens avec qui nous avons parlé) Fuh a passé en revue la lettre avec l'inspecteur général du MINMIDT et les deux ont présenté leurs conclusions à l'ambassade, confiant qu'ils avaient déjà été mis au courant des activités de Ndonga. Selon Fuh, la lettre de Ndonga était "une escroquerie pure et simple" qui n'avait aucune base juridique ou réglementaire.
L'inspecteur général a précisé que le service pour lequel Ndonga veut un paiement rentre dans le cadre des services réglementaires du MINMIDT. En fait, a-t-il ajouté, lui-même avait présidé le comité de travail que Ndonga dit avoir conduit. Le comité s'est réuni durant plusieurs jours et a compilé une analyse détaillée du projet d'Hydromine.
Le comité - compte 20 experts dont des responsables du gouvernement a offert gratuitement son expertise à Hydromine. Fuh a conclu la conversation en faisant des remarques: «La Corruption en Afrique est devenue plus sophistiquée. Maintenant les responsables corrompus maquillent leurs dessous-de-table avec des termes officiels qui sonnent faux».
Des responsables de Ressources Sundance, un projet australien d'extraction de minerai de fer, ont confié à un diplomate américain que Ndonga leur avait fait une demande de paiement similaire "pour la facilitation". Gênés à cause de cette demande (qu'ils ont jugé inopportune), des responsables de Sundance se sont dans un premier temps rétractés, mais ont finalement accepté de payer environ 300 millions de FCFA "à un groupe de travail" établi par le cabinet du Premier ministre qui, disent-ils, a été structuré de manière à être en phase avec les lois anti-Corruption australienne et américaine.
Néanmoins, un responsable de Sundance a exprimé son malaise à cause de cet accord, soutenant que, bien que ce soit techniquement légal, il n'a eu aucun doute que les fonds sont utilisés polir le compte personnel de Ndonga, les membres "du groupe de travail", des membres du gouvernement et leurs amis, embauchés comme des consultants.
UTILISATION DE SA CASQUETTE OFFICIELLE POUR DES GAINS PERSONNELS
Le diplomate américain a reçu une série d'allégations selon lesquelles Ndonga a abusé de sa position officielle d'abord au MINMIDT et maintenant aussi à EDC où il conduit des projets au bénéficie des sociétés dans lesquelles il a un intérêt personnel. Un responsable de Hydromine a dit que Ndonga a fait des pressions sur Hydromine pour que ses sociétés soient utilisées en consultation bien qu'il soit établi que leurs services présumés n'ont aucune pertinence.
Avant d'assumer les fonctions de conseiller technique, Ndonga a été le directeur de l'industrie au MINMIDT pendant quinze ans. Selon des articles de presse et des responsables de Hydromine, Ndonga a utilisé sa position en 2002 pour confier à Premium Consultancy Agency, une société qu'il a lui-même créée, un contrat du MINMIDT pour la création d'une Charte d'investissement.
Préjudices sur les intérêts américains
L'activité de corruption de Ndonga a causé préjudice aux intérêts commerciaux américains et a eu un impact négatif sur le développement économique du Cameroun qui était pourtant le principal objectif du gouvernement américain Cameroun.
Le PDG de Hydromine a dit au diplomate que l'activité de corruption de Ndonga a causé des pertes substantielles de 6 milliards de dollar au projet d'Hydromine. Selon Hydromine et des sources à l'ambassade, Ndonga a reçu des dessous-de-table des concurrents d'Hydromine et les a redistribués au ministère de Mines dans l'optique de faire échotier le projet de Hydromine. Hydromine croit que Ndonga, après avoir reçu de l'argent, a pris des dispositions pour organiser une gros¬se campagne médiatique visant à décrédibiliser le projet de Hydromine peu de temps après que Hydromine a refusé de le payer.
L'action de Ndonga a causé un préjudice de plusieurs milliers de milliards de dollar. En dehors du projet de Hydromine, le poste de Ndonga comme président du comité négociant la convention minière de Sundance a compliqué leurs efforts de finaliser un accord. Des responsables de Sundance ont exprimé leur frustration du fait de l'insistance de Ndonga bénéficier des paiements de frais "de facilitation".
L'ingérence continue de Ndonga dans ces projets miniers est particulièrement embarrassante parce qu'il a déjà un travail à plein temps, comme le directeur général de EDC dont la charge est de Construire le barrage de Lom Pangar et d'autres projets hydro-électriques.
Les responsables de la société américaine AES se sont plaints à l'ambassade du rôle de Ndonga comme responsable de EDC, disant que Ndonga n'a aucune expérience dans le secteur de l'énergie. Des sources de AES prétendent que Ndonga a cherché seulement à protéger les intérêts d'ALUCAM, l'usine d'aluminium dont est propriétaire Rio-Tinto. Ce qui le rend plus pernicieux.
Les Américains et autres investisseurs ayant le souci d'aider le Cameroun au plan économique ont été naïfs de croire qu'ils pouvaient faire confiance à Ndonga. Ndonga et ses affidés empochent des prébendes. Des investisseurs étrangers viennent s'embour¬ber dans des pratiques bureaucratiques et le peuple camerounais paie la note à travers le sous-développement et une économie stagnante. Fin de Commentaire.
IMPACT DE LA LOI 212 F
L'ambassade croit que la non application de la loi 212 f aura un impact positif sur des intérêts américains au Cameroun. Une telle décision montrera que le gouvernement des Etats-Unis est sérieux dans l'application de la loi américaine contre la cor¬ruption des fonctionnaires camerounais. Si la décision est rendue publique, elle va affaiblir la position de Ndonga dans le gouvernement et dans le secteur privé, aboutissant ainsi à un ostracisme totale dans la gestion des affaires tant publiques que privées. L'ascension de Ndonga a été éphémère, en raison de son empressement d'utiliser sa position dans l'administration pour veiller sur les intérêts de Rio Tinto ALUCAM. Cette décision ralentira et mettra probablement fin à cette ascension.
Requête pour une action. Le diplomate demande que Célestin Ndonga soit interdit d'accès à Washington aux États-Unis conformément à la Section 212 de l'Immigration Act parce que ses actes de corruption ont eu un impact négatif substantiel sur d'importants intérêts américains au Cameroun. Fin de requête.
LA REQUÊTE DE NDONGA
Ndonga a introduit, le 26 août, une demande de visa de, type B1/B2 pour visiter les Etats-Unis afin de conduire une mission pour le compte d'EDC. On a refusé la deman¬de. Au moment de l'introduction de la demande, Ndonga était accompagné par un responsable d'EDC, qui, lui, a obtenu un visa. Ndonga avait précédemment obtenu un visa B1/B2 le 6 mars 2001 qui a expiré le 5 septembre 2001.
© Dominique Mbassi | Repères
Depuis près d'une décennie, la dénonciation et la lutte contre ce cancer social, dont les métastases ont atteint tous les secteurs d'activité, préoccupent une multitude d'acteurs étatiques, de la société civile, etc.
Autant la petite corruption, celle qui consiste par exemple à verser ou exiger un pot-de-vin pour obtenir ou rendre un service, bénéficie de la plus mauvaise publicité, autant la grande corruption, qui s'exprime en plusieurs millions ou milliards, semble couverte par l'omerta. Dans cette enquête.
"Repères" fait une incursion au Ministère des Finances, et notamment dans les administrations des Impôts, du Trésor et du Budget, ou dans d'autres secteurs considérés comme des sanctuaires de cette corruption qui annihile les efforts de développement du Cameron.
1-TRANSPARENCY DÉNONCE LA PETITE CORRUPTION
Pour établir son classement 2013, Transparency International (TI) soutient avoir, de manière aléatoire, interviewé 1000 personnes à travers les 10 régions du Cameroun. L'ONG a recruté l'échantillon de son étude parmi les Camerounais âgés de 18 ans et plus, qui représentent plus de la moitié de la population du Cameroun. Le questionnaire à eux soumis dans le cadre de cette enquête portait notamment sur la perception de la corruption au Cameroun et l'expérience quoti¬dienne de chacun de ce fléau social.
Résultat: «Un peu plus de 3 personnes sur 5 au Cameroun (soit 62 %) ont dû payer des pots-de-vin pour être servis dans l'une des 8 administrations suivantes, au cours des 12 mois ayant précédé l'enquête: police, système judiciaire/tribunaux, services en charge des impôts/taxes/fisc, système éducatif, services médicaux, services d'enregistrement et de délivrance de permis (enregistrement civil des naissances et des mariages, délivrance de licences et de permis, (enregistrement civil des naissances et des mariages, délivrance de licences et de permis, enregistrement des droits de propriété des transferts de propriété), services liés à la propriété (achat, vente, héritage, location) et services publics (téléphone, électricité, eau, etc.)
De manière précise, révèle le rapport de TI, «la police est (...) l'institu¬tion qui perçoit le plus de pots-de-vin, plus de 2 per¬sonnes sur 3 (soit 69 %) ayant été en contact avec la police pendant les 12 mois précédant l'enquête ont déclaré avoir payé des pots-de-vin pour obtenir un service. Le système judiciaire suit avec 55 % de personnes ayant payé des pots-de-vin, puis les services des impôts et taxes avec 46%...».
Pour 54 % des personnes ayant payé des pots-de-vin, la corruption était le seul moyen d'obtenir le service pour lequel ils ont à payer. 37% ont payé pour accélérer des procédures, seuls 5 % ont offerts les pots-de-vin comme by Savings Wave">cadeau. La corruption revêt donc dans une large majorité un caractère coercitif, assimilable au racket».
Dès sa publication, le rapport a suscité une vive controverse. Comme à chaque fois, les administrations incriminées contestent, à tort et parfois à raison, leur classement. Des contestations qui relèguent très souvent aux oubliettes la question fondamentale: sans dénier la pertinence de sa démarche, TI s'intéresse-t-il à la vraie corruption?
Certes, la corruption que dénonce TI n'est pas moins détestable et nocive. Loin s'en faut. Mais à bien y voir, elle ressemble à du menu fretin. Une petite corruption entretenue par exemple par les chauffeurs de taxi accros de la surcharge ou du défaut d'assurance et qui, à la première interpellation, spontanément proposent des bakchichs aux policiers. Une pratique illicite prisée par la petite infirmière soucieuse d'arrondir la fin du mois et qui exige un dessous de table pour faire une injection ou détourne les médicaments des patients.
Dans ce registre se recrutent aussi le proviseur qui exige 50.000 FCFA ou un peu plus au parent en quête d'une place pour son rejeton, la maîtresse qui rackette ses élèves, l'agent communal qui entretient les magouilles autour de la délivrance du permis de construire…
Cette corruption touche le Camerounais ordinaire au porte-monnaie et le pénalise sans aucun doute. Mais, s'accordent des observateurs, elle semble négligeable en comparaison avec celle qu'ils désignent la grande corruption: celle qui prive l'Etat d'une bonne partie de ses recettes, pollue l'environnement des affaires, échaude les bailleurs de fonds et décourage les investisseurs, et fatalement, tue l'économie en portant un coup à la création des richesses. Cette corruption est plus pernicieuse et ruineuse des espoirs de développement du Cameroun. Revue de quelques niches de la vraie corruption.
2-BUDGET-TRÉSOR-IMPÔTS CITADELLES IMPRENABLES DE LA HAUTE CORRUPTION
Dans l'univers de la corruption, le Ministère des Finances (Minfi) apparait comme une niche extraordinaire avec ses sanctuaires inviolables que sont le Trésor, le Budget et les Impôts. Au sein de cette dernière administration, l'on connait bien ce scandale lié à la production parallèle des timbres fiscaux qui a fait perdre plusieurs dizaines de milliards à l'Etat. A ce sujet, l'ex-Directeur général des Impôts, M. Alfred Bagueka Assobo, a commandé un audit interne qui a révélé l'ampleur du phénomène. En guise de mesure conservatoire, il s'est contenté de classer le rapport dans les tiroirs au prétexte que sa mission ne consiste pas à envoyer les gens en prison.
Des agents commis à la collecte des impôts ont aussi leurs ficelles pour spolier l'Etat de ses ressources. «Les inspecteurs des impôts se muent en conseil fiscal pour apprendre au contribuable à ruser avec l'administration fiscale. Pendant des années, celui-ci ne s'acquitte pas du juste impôts», confesse un conseil fiscal agréé, inspecteur des impôts à la retraite. Ce qui, reconnait-il, prive l'Etat d'une portion non négligeable de recettes nécessaires à son fonctionnement et à l'investissement.
D'autant que, lorsqu'en cas de rupture gentleman agreement l'agent du fisc est amené à dénoncer le contribuable à ses collègues, le redressement fiscal qui s'ensuit ouvre la voix à une négociation permettant aux équipes d'inspecteurs d'empocher une bonne partie de ce qui devait revenir à l'Etat en échange d'une réduction de la pénalité.
Une affaire de détournements de deniers publics qui a agité l'Autorité aéronautique du Cameroun (CCAA) en 2010 est à cet égard édifiante. Mme Niba, Inspecteur du Trésor et sous-directeur des ressources financières de cette structure, a, d'après les aveux de M. Allabira Mamadou, directeur administratif et financier au moment des faits et aujourd'hui Directeur Général adjoint de la CCAA, réussi à faire payer à la CCAA 200 millions de FCFA de redressement fiscal et 20 millions de pénalités alors que le rapport provisoire établi par les inspecteurs des impôts affichait un montant de 800 millions de FCFA au titre du redressement fiscal et 300 millions de FCFA pour les pénalités. Le Ministre des Finances n'a jamais autorisé un abattement, tout s'est négocié sous la table entre le contribuable et l'équipe des inspecteurs. Des cas similaires sont légions.
Même s’il n’existe pas un étalon de mesure de leur niveau de performance en la matière, au moins cette affaire permet d'établir que des fonctionnaires des Impôts excellent dans la corruption autant que leurs collègues du Budget. Cette administration constitue une bête noire pour les entreprises et établissements administratifs publics et parapublics bénéficiant de la subvention de l'Etat. Son maintien ou son déblocage dépend fortement de la disposition du dirigeant de l'administration bénéficiaire à céder aux exigences de libéralités des fonctionnaires du Budget.
En témoignent les déclarations de M. Ignatius Sama Juma, ancien Directeur général de la CCAA, devant un juge d'instruction: ses services ont dépensé 101.329.295 FCFA pour graisser la patte aux agents du fisc dans l'affaire suscitée mais surtout pour «désintéresser les responsables du Ministère des Finances afin de préserver la subvention d'un montant de 1.130.000.000 de FCFA». Et comme c’est le cas pour tous les interlocuteurs des fonctionnaires du Budget ou des Impôts, le paiement s'est effectué en espèces sonnantes et trébuchantes.
L'ancien Directeur général de la CCAA, condamné plus tard par le Conseil de discipline budgétaire et financière du Contrôle supérieur de l'Etat pour cette dépense injustifiée de 101 millions de FCFA (les documents administratifs de certains prestataires de services ont été utilisés à leur insu pour des prestations fictives devant justifier les pots de vin versés aux fonctionnaires), se gausse même d'avoir fit œuvre utile en laissant cette subvention en place au moment de son limogeage.
Allez donc savoir pourquoi, après tous ces aveux de corruptions, le juge d'instruction a laissé tout le monde rentrer chez lui et n'a pas cru devoir convoquer les fonctionnaires dénoncés pour leur présumée vénalité. Normal alors que cette activité se poursuive sereinement. Si au cours des années passées, la nomenclature de la loi de Finances permettait de savoir le montant de la subvention réservé à chaque administration bénéficiaire, pour mieux entretenir le flou et par ricochet le chantage, tel n'est plus le cas depuis bientôt 3 ans.
Il suffit alors, pour se faire une idée approximative du préjudice subi par l'Etat, de se rappeler qu'en 2007 ce dernier a accordé une subvention de l'ordre de 89, 8 milliards de FCFA à près de 90 de ses démembrements. Et que l'administration fiscale constitue le premier contributeur au budget de l'Etat avec par exemple 1 214 milliards de FCFA attendus d'elle en 2013.
Il n'y a aucun doute que le potentiel ou la capacité de mobilisation de l'assiette dépasse largement les objectifs de recettes assignés à l'administration fiscale. Une portion difficilement évaluable mais de toutes les façons très élevée échappe à l'Etat au profit des individus», consent un inspecteur des impôts dont le niveau de vie contraste avec celui réputé princier de la plupart de ses collègues.
Les pertes sont d'autant plus importantes qu'une structure comme l'Agence nationale d'appui au développement forestier (Anafor) ne produit pas suffisamment de recettes pour assurer son fonctionnement. Et dépend surtout de la subvention de l'Etat pour son budget d'investissement et de fonctionnement. La moindre résistance de ses dirigeants à céder aux exigences des fonctionnaires du Minfi pour sa libération fait courir le risque d'une asphyxie à l'Anafor.
Cette menace de paralysie des activités, apanage de la plupart des sociétés d'Etat, est aussi surtout le fait des fonctionnaires du Trésor, autre citadelle imprenable de la corruption. Outre la pratique du pourcentage à concéder obligatoirement par - les prestataires pour le paiement de leurs factures qui continue toujours d'avoir droit de cité, le reversement des recettes de toutes natures (redevance audiovisuelle, taxe foncière...) centralisées par le Trésor au nom du principe de l'unicité des caisses et des années au fonctionnement de certaines administrations ne va pas de soi.
L'exemple de la redevance audiovisuelle destinée à la Crtv est emblématique. Pour capter ces ressources qui s'élèvent alors à une dizaine de milliards par an, M. Gervais Mendo Ze a dû, pendant les 17 ans passés à la tête de cette entreprise, se résoudre à céder une bonne portion aux fonctionnaires du Trésor. L'actuelle équipe managériale de l'audiovisuel public camerounais, pour entretenir une illusion d'ange, n'en ressent que plus durement, à travers l'amenuisement des recettes rétrocédées, son refus de perpétuer ce "deal".
Le Crédit foncier du Cameroun (CFC) n'a pas échappé à ce siphonage en règle de la redevance foncière prélevée sur les salaires des travailleurs du secteur formel et centralisée au Trésor public. D'après M. Gabin Babagnak, ingénieur industriel, depuis 1977 le financier institutionnel de la production du logement n'a investi que 262 milliards de FCFA.
Pourtant, dans le même temps, les comptes du Trésor affichent au 31 décembre 2012 1000 milliards de FCFA collectés à son profit. Qu'est devenu le différentiel de 738 milliards de FCFA. Si une bonne partie a été distraite au fil des ans par les différentes équipes managériales ou par le: truchement des prêts douteux, une autre ne lui a pas été rétrocédée pour des raisons évidentes. Ce qui explique, en partie, la crise aiguë du logement que connait aujourd'hui le Cameroun.
Si les exemples de corruption à grande échelle impliquant les fonctionnaires du Ministère des Finances peuvent s'égrener jusqu'à l'infini, pour autant cette administration n'est pas seule touchée par cette gangrène. Elle plonge aussi ses ramifications dans d'autres secteurs comme le gouvernement, les marchés publics, etc.
3- LES AUTRES POCHES DE LA CORRUPTION
Une pratique de corruption insidieuse prend de plus en plus de l'ampleur au Cameroun le monnayage des nominations. Parmi ceux qui dirigent aujourd’hui les entreprises publiques et parapubliques, beaucoup doivent leur poste non pas à leurs compétences, mais à leur argent. Le gouvernement n'échappe pas à cette logique. Si parmi ceux qui ont déboursé de faramineuses sommes d'argent d'aucuns ne sont pas parvenus à décrocher le Graal, beaucoup d'autres ont pu intégrer l'instance gouvernementale. Sous les lambris dorés, d'aucuns prennent même du plaisir à raconter leurs "exploits".
Pas de surprise donc que le gouvernement, tout-venant réunissant à la fois des personnalités à la compétence éprouvée mais surtout des hommes incompétents, inaptes à la fonction ministérielle ou mus par la seule ambition d'enrichissement, peine tant à réaliser sa feuille de route. Beaucoup de membres de l'actuel gouvernement ne peuvent entrer dans l'histoire pour leurs actions, alors que dans le même temps leurs frasques encombrent au quotidien les colonnes des journaux.
C'est que de hauts responsables, animés par des envies de corruption, deviennent de véritables freins à l'investissement. Le cas de certaines têtes couronnées du ministère des Mines, de l'industrie et du Développement technologique (Minmidt) qui exigent leur participation sans bourse délier au capital de la société porteuse du projet de création d'un complexe agroindustriel sucrier à l'Est-Cameroun. Face à la résistance du promoteur, l'on œuvre, foulant aux pieds au passage les instructions du Premier Ministre, pour saper un investissement de 60 milliards de FCFA devant générer presque 17 000 emplois directs et indirects.
Dans cette même optique, l'ambassade américaine de Yaoundé a consacré tout un câble destiné au département d'Etat sur le racket des investisseurs par M. Célestin N'donga, ancien directeur de l'Industrie et directeur général de Electricity Development Corporation (EDC), ternissant ainsi la perception de l'environnement des affaires au Cameroun (Lire plus loin l'inté¬gralité du câble diplomatique). Cette sortie montre bien que la corruption a fait son lit dans la commande publique.
«La corruption a atteint dans les marchés publics au Cameroun des proportions inacceptables», corrobore M. Bernard Messengue Avom, ancien ministre des Travaux publics. Dans son ouvrage «La gouvernance des marchés publics au Cameroun », il dresse l'inventaire des maux qui minent ce secteur, et qui ont pour nom «la prestation de travaux fictifs, le gonflement artificiel du volume des tra¬vaux, l'emploi de matériaux d'une qualité inférieure à celle prévue dans le contrat, les contrôles de complaisance résultant des pots-de vin reçus par l'ingénieur chargé du contrôle...».
Toutes ces pratiques conduisent à une mauvaise exécution des projets, avec pour conséquence la dégradation précoce des ouvrages réalisés. Difficile alors d'envisager de nouveaux projets. S'il n'existe pas une évaluation officielle chiffrée du coût de la corruption dans le secteur des marchés publics, ce n'est pas l'ancien ministre des Travaux publics qui dirait que la note n'est pas très salée. Il suffit de voir qu'en 2012, 5970 marchés publics ont été passés au Cameroun pour 700 milliards de FCFA.
4- LA CORRUPTION DE CÉLESTIN NDONGA A RUINÉ UNE ENTREPRISE AMÉRICAINE"
Ce câble de l'Ambassade des Etats-Unis de Yaoundé destiné au département d'Etat, traduit par la rédaction de "Repères", jette une lumière crue sur les actes de corruption de l'ancien DG d’EDC et met en perspective son impact sur l'économie camerounaise.
RÉSUMÉ
Célestin Ndonga est un fonctionnaire dont l'influence, exclusivement négative, va au-delà de ses fonctions officielles et dont les actes de corruption ont ruiné une entreprise américaine et ont fait échec aux intérêts du gouvernement des Etats-Unis dans le développement économique du Cameroun. Comme conseiller technique au ministère des Mines du Cameroun, Ndonga a sollicité des dessous-de-table d'une société américaine et, quand cette dernière a refusé, il a cherché à torpiller le projet en faveur des sociétés concurrentes aux¬quelles il était financièrement rattaché.
Dans son rôle actuel de Directeur général de l'entreprise publique camerounaise Electricity Development Corporation (EDC), Ndonga continue à s'immiscer dans le développement de projets miniers qui n'ont rien à ver avec sa fonction officielle. Sans avoir la compétence d'un cabinet officiel, Ndonga évolue dans le labyrinthe obscur des arcanes économiques du Cameroun, utilisant sa casquette officielle pour détourner des contrats publics au profit des sociétés qu'il favorise et fait pres¬sion sur des investisseurs pour qu'ils paient subtilement des dessous-de-table. Fin du résumé.
LES ACTES DE CORRUPTION DE NDONGA
Bien que nous ayons reçu les rapports du délit de Ndonga à travers une vaste gamme d'activités et d'un large spectre de sources, nous avons la forte preuve que Ndonga a sollicité un dessous-de-table d'un exploitant minier américain au Cameroun, cherché à utiliser sa fonction officielle pour son gain personnel.
SOLLICITATION DES POTS-DE-VIN
En plein milieu des négociations entre le gouvernement du Cameroun (GRC) et Hydromine sur les termes d'une convention d'un projet minier dirigé par les Américains, des responsables de Hydromine se sont confié à l'ambassade. Ils disent avoir perçu que Ndonga cherchait à faire échouer leur projet en faveur des concurrents.
Ndonga était, à l'époque, conseiller technique au ministère de Mines. Fin 2007, un officiel de Hydromine a fourni à l'ambassade une copie d'une lettre ten¬dant à prouver que Ndonga avait solli-cité un dessous-de-table de Hydromine pour lui "faciliter" la négociation de sa convention. La lettre, portant l'en-tête est du Ministère de Mines, de l'Industrie et du Développement technologique (MINMIDT), est signée par Ndonga. La lettre indique que Hydromine devrait lui verser 50 millions de CFA.
Des responsables de Hydromine ont confié à l'ambassade qu'ils ont perçue dans cette lettre une tentative mal déguisée de sollicitation de dessous-de-table et ont refusé de payer. Pourquoi, se sont-ils demandé, l'on doit demander à Hydromine de verser de l'argent à des officiels du gouvernement du Cameroun pour qu'ils s'acquittent simplement de leurs responsabilités? Le représentant camerounais d'Hydromine a indiqué en fin août qu'il avait demandé conseil auprès de Jean Paul Nkounchou Somo, chargé de la mission à la présidence. Ce dernier lui a dit que Hydromine devrait "payer Ndonga" si Hydromine voulait obtenir la convention. Le responsable de Hydromine a dit qu'il a appris que Ndonga avait promis de partager les revenus du dessous-de table avec d'autres hauts fonctionnaires.
Un diplomate américain a rencontré le Dr. Calistus Fuh Gentry, le secrétaire d'État au MINMIDT le 5 septembre pour comprendre si la demande de Ndonga était en phase avec la règlementation du Cameroun. (Note: Fuh est bien connu à l'ambassade comme l'un des rares ministres du gouvernement camerounais propre et efficace. Fuh a reçu des éloges de l'Américain, des experts miniers britanniques et australiens avec qui nous avons parlé) Fuh a passé en revue la lettre avec l'inspecteur général du MINMIDT et les deux ont présenté leurs conclusions à l'ambassade, confiant qu'ils avaient déjà été mis au courant des activités de Ndonga. Selon Fuh, la lettre de Ndonga était "une escroquerie pure et simple" qui n'avait aucune base juridique ou réglementaire.
L'inspecteur général a précisé que le service pour lequel Ndonga veut un paiement rentre dans le cadre des services réglementaires du MINMIDT. En fait, a-t-il ajouté, lui-même avait présidé le comité de travail que Ndonga dit avoir conduit. Le comité s'est réuni durant plusieurs jours et a compilé une analyse détaillée du projet d'Hydromine.
Le comité - compte 20 experts dont des responsables du gouvernement a offert gratuitement son expertise à Hydromine. Fuh a conclu la conversation en faisant des remarques: «La Corruption en Afrique est devenue plus sophistiquée. Maintenant les responsables corrompus maquillent leurs dessous-de-table avec des termes officiels qui sonnent faux».
Des responsables de Ressources Sundance, un projet australien d'extraction de minerai de fer, ont confié à un diplomate américain que Ndonga leur avait fait une demande de paiement similaire "pour la facilitation". Gênés à cause de cette demande (qu'ils ont jugé inopportune), des responsables de Sundance se sont dans un premier temps rétractés, mais ont finalement accepté de payer environ 300 millions de FCFA "à un groupe de travail" établi par le cabinet du Premier ministre qui, disent-ils, a été structuré de manière à être en phase avec les lois anti-Corruption australienne et américaine.
Néanmoins, un responsable de Sundance a exprimé son malaise à cause de cet accord, soutenant que, bien que ce soit techniquement légal, il n'a eu aucun doute que les fonds sont utilisés polir le compte personnel de Ndonga, les membres "du groupe de travail", des membres du gouvernement et leurs amis, embauchés comme des consultants.
UTILISATION DE SA CASQUETTE OFFICIELLE POUR DES GAINS PERSONNELS
Le diplomate américain a reçu une série d'allégations selon lesquelles Ndonga a abusé de sa position officielle d'abord au MINMIDT et maintenant aussi à EDC où il conduit des projets au bénéficie des sociétés dans lesquelles il a un intérêt personnel. Un responsable de Hydromine a dit que Ndonga a fait des pressions sur Hydromine pour que ses sociétés soient utilisées en consultation bien qu'il soit établi que leurs services présumés n'ont aucune pertinence.
Avant d'assumer les fonctions de conseiller technique, Ndonga a été le directeur de l'industrie au MINMIDT pendant quinze ans. Selon des articles de presse et des responsables de Hydromine, Ndonga a utilisé sa position en 2002 pour confier à Premium Consultancy Agency, une société qu'il a lui-même créée, un contrat du MINMIDT pour la création d'une Charte d'investissement.
Préjudices sur les intérêts américains
L'activité de corruption de Ndonga a causé préjudice aux intérêts commerciaux américains et a eu un impact négatif sur le développement économique du Cameroun qui était pourtant le principal objectif du gouvernement américain Cameroun.
Le PDG de Hydromine a dit au diplomate que l'activité de corruption de Ndonga a causé des pertes substantielles de 6 milliards de dollar au projet d'Hydromine. Selon Hydromine et des sources à l'ambassade, Ndonga a reçu des dessous-de-table des concurrents d'Hydromine et les a redistribués au ministère de Mines dans l'optique de faire échotier le projet de Hydromine. Hydromine croit que Ndonga, après avoir reçu de l'argent, a pris des dispositions pour organiser une gros¬se campagne médiatique visant à décrédibiliser le projet de Hydromine peu de temps après que Hydromine a refusé de le payer.
L'action de Ndonga a causé un préjudice de plusieurs milliers de milliards de dollar. En dehors du projet de Hydromine, le poste de Ndonga comme président du comité négociant la convention minière de Sundance a compliqué leurs efforts de finaliser un accord. Des responsables de Sundance ont exprimé leur frustration du fait de l'insistance de Ndonga bénéficier des paiements de frais "de facilitation".
L'ingérence continue de Ndonga dans ces projets miniers est particulièrement embarrassante parce qu'il a déjà un travail à plein temps, comme le directeur général de EDC dont la charge est de Construire le barrage de Lom Pangar et d'autres projets hydro-électriques.
Les responsables de la société américaine AES se sont plaints à l'ambassade du rôle de Ndonga comme responsable de EDC, disant que Ndonga n'a aucune expérience dans le secteur de l'énergie. Des sources de AES prétendent que Ndonga a cherché seulement à protéger les intérêts d'ALUCAM, l'usine d'aluminium dont est propriétaire Rio-Tinto. Ce qui le rend plus pernicieux.
Les Américains et autres investisseurs ayant le souci d'aider le Cameroun au plan économique ont été naïfs de croire qu'ils pouvaient faire confiance à Ndonga. Ndonga et ses affidés empochent des prébendes. Des investisseurs étrangers viennent s'embour¬ber dans des pratiques bureaucratiques et le peuple camerounais paie la note à travers le sous-développement et une économie stagnante. Fin de Commentaire.
IMPACT DE LA LOI 212 F
L'ambassade croit que la non application de la loi 212 f aura un impact positif sur des intérêts américains au Cameroun. Une telle décision montrera que le gouvernement des Etats-Unis est sérieux dans l'application de la loi américaine contre la cor¬ruption des fonctionnaires camerounais. Si la décision est rendue publique, elle va affaiblir la position de Ndonga dans le gouvernement et dans le secteur privé, aboutissant ainsi à un ostracisme totale dans la gestion des affaires tant publiques que privées. L'ascension de Ndonga a été éphémère, en raison de son empressement d'utiliser sa position dans l'administration pour veiller sur les intérêts de Rio Tinto ALUCAM. Cette décision ralentira et mettra probablement fin à cette ascension.
Requête pour une action. Le diplomate demande que Célestin Ndonga soit interdit d'accès à Washington aux États-Unis conformément à la Section 212 de l'Immigration Act parce que ses actes de corruption ont eu un impact négatif substantiel sur d'importants intérêts américains au Cameroun. Fin de requête.
LA REQUÊTE DE NDONGA
Ndonga a introduit, le 26 août, une demande de visa de, type B1/B2 pour visiter les Etats-Unis afin de conduire une mission pour le compte d'EDC. On a refusé la deman¬de. Au moment de l'introduction de la demande, Ndonga était accompagné par un responsable d'EDC, qui, lui, a obtenu un visa. Ndonga avait précédemment obtenu un visa B1/B2 le 6 mars 2001 qui a expiré le 5 septembre 2001.