Gouvernance à distance: La classe politique condamne l’absence prolongée de Paul Biya
DOUALA - 23 AVRIL 2014
© Joseph Flavien KANKEU | Le Messager
Des hommes politiques issus des partis de l’opposition condamnent avec fermeté cette formule de gouvernance à distance pratiquée par Paul Biya, tout en remarquant que ce n’est pas la première fois que le chef de l’Etat disparaisse des écrans radars, sans donner de nouvelles à son peuple.
A trois jours de la canonisation des Papes Jean Paul II et Jean XXIII, le président de la République n’est pas toujours de retour au bercail. D’après nos sources, Paul Biya partira de son séjour inexpliqué en Suisse, pour assister à la cérémonie protocolaire de canonisation des deux Saints pères, dimanche 27 avril prochain au Vatican. Et s’il ne fait pas un détour au Cameroun, il aura passé 24 jours hors du pays, sans que les citoyens ne soient informés de son lieu de résidence, encore moins de ce qui l’occupe au quotidien. Ce séjour prolongé et mystérieux de Paul Biya en Europe est fermement condamné par l’ensemble de la classe politique nationale, qui estime que le chef de l’Etat a pris pour habitude de gouverner le pays à distance. « Je dois dire de prime à bord que ce n’est pas l’absence la plus longue. Tous les Camerounais savent que monsieur Biya ne vit pas au Cameroun. Qu’il reste si longtemps dans son pays aurait plutôt surpris les Camerounais. Ce séjour prolongé est très préjudiciable pour notre pays. Mais on va faire comment. Le chef de l’Etat a été tellement maladroit qu’il est resté en France, quand François Hollande venait en Afrique du Sud assister aux obsèques de Nelson Mandela », regrette Joseph Mbah Ndam, militant du Social democratic front (Sdf), par ailleurs vice-président de l’Assemblée nationale.
Pour Ernest Peukeho, le président national du Bloc uni pour la reconstruction et l’indépendance économique du Cameroun (Bric), l’absence prolongée de Paul Biya est une justification de ce que le pays n’est pas gouverné. Ce leader politique estime que le chef de l’Etat ne devrait pas percevoir ses salaires chaque fois qu’il passe plus de 15 jours inexpliqués hors du pays. « Je suis surpris que les Camerounais ne se rendent seulement compte aujourd’hui que Paul Biya passe le gros de son temps à l’étranger. En 2013 il a convoqué le corps électoral et est parti pour un court séjour en Europe comme annoncé par le cabinet civil. Mais finalement, il y a passé un mois. C’est d’ailleurs pour cela que nous avions demandé que son salaire de ce mois là ne lui soit pas payé », dénonce le président national du Bric qui soutient que gouverner le pays ne signifie pas seulement coordonner l’action gouvernementale. « Il y a les société publiques et parapubliques dont les activités doivent être suivies. Il y a la diplomatie qu’il faut diligenter. Mais Paul Biya ne fait rien de tout cela. La preuve : Nous n’avons pas d’ambassadeur en République centrafricaine et dans plusieurs autres pays. Le délégué général à la sureté nationale est en même temps ambassadeur du Cameroun en Espagne. Les exemples comme ceux – ci sont légions et n’honorent pas notre pays », fustige cet homme politique qui souligne par ailleurs qu’ « On ne peut que le déplorer ce séjour prolongé et multiplié. Il est entouré d’un épais mystère. On est curieux de savoir avec quel argent on finance et qu’est ce que ça rapporte. Tous les autres sont rentrés et on fait le tour du monde, signant des conventions »
Avec quel financement ?
Ernest Peukeho rejoint ainsi Alain Fogué Tedom le secrétaire national adjoint au Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc). L’enseignant d’Université s’interroge sur la provenance de l’argent qui finance ce séjour prolongé du chef de l’Etat en Europe. « On ne peut que déplorer ces séjours prolongés et multiples du président de la République à l’étranger. Surtout qu’ils sont très généralement entourés, comme c’est le cas pour celui en cours, d’un épais mystère. On est curieux de savoir avec quel argent on finance ce séjour et qu’est-ce qu’il rapporte aux Camerounais qui croupissent sous le poids de la misère. Je remarque pour le regretter que tous les autres chefs d’Etat avec qui Biya était à Bruxelles ont déjà fait le tour du monde pour signer de conventions et nouer des partenariats », ironise Alain Fogue Tedom.
Au contraire de Me Jean De Dieu Momo, le président national des Patriotes démocrates pour le développement du Cameroun (Paddec), qui comprend dans une certaine mesure le silence du chef de l’Etat et de ses collaborateurs. « Ce n’est pas la première fois que le chef de l’Etat s’absente pour longtemps sans justification. Allez dans les archives du Messager, vous comprendrez qu’il est très souvent absent. Je me souviens qu’une fois il a tellement duré qu’on a pensé à une vacance. Mais je comprends. Car en marge de la visite officielle il y a généralement les visites privées. Il y a comme vous le savez beaucoup de Camerounais en Europe qui veulent le rencontrer. Qu’il leur accorde des audiences n’est pas mauvais. Autrefois je voyais le fait qu’il ne communique pas d’un très mauvais œil. Mais l’absence de communication est une forme de communication. Il a opté de ne rien dire. Je prends cela avec philosophie », nuance Me Jean De Dieu Momo. Qui affirme avoir été interpellé par les militants de base du Paddec sur son silence à quelques jours de la fête du 20 mai.