Genre et composantes sociologiques: Un casse tête pour les juges de la Cour suprême
DOUALA - 16 AOUT 2013
© Joseph Flavien KANKEU | Le Messager
L’essentiel des listes de candidatures pour les élections législatives du 30 septembre prochain ont été rejetés par Elecam pour non respect de l’approche genre et la non prise en compte de toutes les composantes sociologiques. Deux notions interprétées de mille manières à la Cour suprême.
Un constat s’est dégagé de l’audience du contentieux pré-électoral pour les législatives du 30 septembre 2013. Des 74 requêtes soumises à l’appréciation de la Haute juridiction, plus de 60 portaient sur le non respect de l`approche genre et la non prise en compte de toutes les composantes sociologiques. Deux notions que chaque justiciable interprète à sa manière. Pour certains, l`approche genre ne fait pas nécessairement appel à la prise en compte du sexe féminin dans la constitution d`une liste. «Le genre renvoi à la catégorie des personnes pas assez représentées dans la haute administration. Il peut aussi renvoyer à une catégorie de personnes ayant des infirmités ne leur permettant d`accéder facilement à un poste de décision. C`est la raison pour laquelle dans une liste qui contient un albinos, un handicapé ou une femme, le genre est prise en compte », a expliqué un by Savings Wave">avocat au cours de l`audience de la Cour suprême.
Mais Elecam a semblé comprendre cette notion d`une autre manière, invalidant ainsi toutes les déclarations de candidatures ne comportant pas les femmes. Car la loi portant code électoral stipule que chaque liste de candidature doit tenir compte de l’aspect genre. Elle va même plus loin en précisant que chaque siège doit comporter une femme et un homme, même si elle ne dit pas qui doit être titulaire et qui suppléant. Les leaders des partis politiques s`y appuient pour soutenir que rien ne les oblige à by Savings Wave">enregistrer une femme tête de liste. Surtout que pour les partis politiques comme le Paddec, aucune femme n`a pu payer le cautionnement exigée par la loi. « Aucun homme n`a accepté de payer sa caution et de laisser le poste de titulaire à une femme pour occuper le poste de suppléant », précise Jean De Dieu Momo, le président national du Paddec. Dans la partie septentrionale du pays, le respect de cette prescription du code électoral pose d`ailleurs beaucoup de problèmes aux hommes politiques. Ce d`autant plus que dans cette partie du pays, la femme est culturellement plus attachée aux travaux ménagers qu`à des conquêtes politiciennes. Cela pose également le problème de la compétitivité de notre parlement. Car selon certains hommes de droit, cette prescription contraint les hommes politiques à aligner des « incapables » dans leurs listes, au non du respect de l`approche genre, sacrifiant ainsi la compétence.
Casse tête
La notion de composante sociologique a également suscité des débats passionnants pendant l`audience du contentieux pré-électoral à la Cour suprême. Même le premier président a, à un moment donné, estimé que composantes sociologiques renvoie à corporations professionnelles. Obligeant Me Joseph
Quoi qu`on dise, une relecture du code électoral devient indispensable, pour toiletter les parties incongrues et le rendre plus accessible et plus démocratique.
Joseph Flavien KANKEU
Me Joseph Mba Ndam: «Le Conseil constitutionnel devrait tenir compte des éléments politiques»
Pendant l`audience de la Cour suprême siégeant comme Conseil constitutionnel, nous avons approché
Vous avez assisté à toute l`audience du contentieux pré-électoral en vue des élections législatives du 30 septembre prochain. Quelles observations portez-vous sur le déroulement de cette audience du Conseil constitutionnel ?
Ce que je peux dire c`est que ce Conseil constitutionnel qui est d`ailleurs notre Cour suprême est autrement constitué que ce qui est prévu dans la loi organique. Parce que c`est un organe qui devrait être quasi judiciaire et un organe juge de la politique. Mais nous nous trouvons devant une juridiction purement judiciaire qui se retrouve de temps à autres en difficulté. Je dis ceci parce que nous avons eu auparavant une jurisprudence apparemment constante sur la notion de la composante sociologique qui tentait, depuis 1997 que je participe aux élections, à définir la composante sociologique comme les communautés qui se trouvent dans un espace géographique donné. Mais cette jurisprudence nous a énormément affectés dans le passé. Je me rappelle en 2007 le cas de Bali où les Bawock, une communauté en partie arrivée un peu après l`installation des Bali. Et cette communauté était venue du Ndé pour s`installer. En 2007 notre liste avait été rejetée au motif de cette communauté n`y était pas représentée. Même à Tiko nous avons eu le même problème. Alors en ma qualité d`acteur politique et de conseiller juridique quotidiennement appelé à orienter mon parti dans la constitution des listes, je pense que nous devrions faire l`effort de prendre en compte toutes les communautés. Mais ce que j`entends aujourd`hui du Conseil constitutionnel c`est que la composante sociologique est autre chose que cela. Car nous avons eu un dossier où on a commencé à parler des ingénieurs, des consultants et autres. Ceux-là ne sont pas des communautés. Ils peuvent faire partie des associations ou des regroupements. Est-ce que la composante sociologique voudrait dire des associations professionnelles ? Si c`est le cas, c`est que dans le Wouri centre les Benskineurs doivent donner un candidat. Que signifie cette notion pour le Conseil constitutionnel. C`est une confusion totale. Comme au moins trois dossiers concernant cette notion ont été mis en délibéré, j`ai suggéré à la Cour de préciser dans sa décisions les caractéristiques et les connotations de la composante sociologique. Pour que les Camerounais sachent de façon définitive ce que cela veut dire. Note Conseil constitutionnel n`arrive pas à nous donné une compréhension claire de cette notion. Ils ont même à un moment donné voulu renvoyer la balle vers l`Assemblée en se moquant de moi qui ait proposé une redéfinition de cette notion. Pourtant, l`Assemblée légifère et le Conseil constitutionnel comme tout organe juridictionnel interprète et l`exécutif se charge de faire exécuter. C`est d`ailleurs cela la notion de trois pouvoirs.
Mais qu`est-ce qui peut justifier selon vous les multiples rejets et désistements observés à cette audience ?
C`est tout simplement parce que nous sommes devant une Cour suprême et non un Conseil constitutionnel comme le veut la loi organique. La Cour suprême doit dire le droit, en s`appuyant sur les preuves matérielles comme dans une procédure judiciaire. Alors que la chose politique est différente. Elle est faite des émotions et des apparences. Or un Conseil constitutionnel bien composé serait en mesure de saisir ces aspects et de contribuer à l`évolution de la démocratie camerounaise. Les désistements viennent du fait qu’il y a une série de procédures qui se ressemblent et qui engagent le même plaignant. Si la cour tranche déjà deux, le plaignant est en droit de se désister parce qu`il ne sert à rien de dire la même chose plusieurs fois.
Voulez-vous dire que le Conseil constitutionnel doit rendre ses arrêts en s`appuyant sur des éléments beaucoup plus subjectifs et moins objectifs ?
Je parle des éléments politiques. C’est-à-dire qui tirent leurs sources de la politique. Nous sommes régulièrement en contact avec le peuple. Nous connaissons l`aspect sociologique du peuple. En rejetant de façon systématique les requêtes, cela crée une certaine frustration du peuple. Et ce n`est pas bon.
Entretien avec Joseph Flavien KANKEU
© Joseph Flavien KANKEU | Le Messager
L’essentiel des listes de candidatures pour les élections législatives du 30 septembre prochain ont été rejetés par Elecam pour non respect de l’approche genre et la non prise en compte de toutes les composantes sociologiques. Deux notions interprétées de mille manières à la Cour suprême.
Un constat s’est dégagé de l’audience du contentieux pré-électoral pour les législatives du 30 septembre 2013. Des 74 requêtes soumises à l’appréciation de la Haute juridiction, plus de 60 portaient sur le non respect de l`approche genre et la non prise en compte de toutes les composantes sociologiques. Deux notions que chaque justiciable interprète à sa manière. Pour certains, l`approche genre ne fait pas nécessairement appel à la prise en compte du sexe féminin dans la constitution d`une liste. «Le genre renvoi à la catégorie des personnes pas assez représentées dans la haute administration. Il peut aussi renvoyer à une catégorie de personnes ayant des infirmités ne leur permettant d`accéder facilement à un poste de décision. C`est la raison pour laquelle dans une liste qui contient un albinos, un handicapé ou une femme, le genre est prise en compte », a expliqué un by Savings Wave">avocat au cours de l`audience de la Cour suprême.
Mais Elecam a semblé comprendre cette notion d`une autre manière, invalidant ainsi toutes les déclarations de candidatures ne comportant pas les femmes. Car la loi portant code électoral stipule que chaque liste de candidature doit tenir compte de l’aspect genre. Elle va même plus loin en précisant que chaque siège doit comporter une femme et un homme, même si elle ne dit pas qui doit être titulaire et qui suppléant. Les leaders des partis politiques s`y appuient pour soutenir que rien ne les oblige à by Savings Wave">enregistrer une femme tête de liste. Surtout que pour les partis politiques comme le Paddec, aucune femme n`a pu payer le cautionnement exigée par la loi. « Aucun homme n`a accepté de payer sa caution et de laisser le poste de titulaire à une femme pour occuper le poste de suppléant », précise Jean De Dieu Momo, le président national du Paddec. Dans la partie septentrionale du pays, le respect de cette prescription du code électoral pose d`ailleurs beaucoup de problèmes aux hommes politiques. Ce d`autant plus que dans cette partie du pays, la femme est culturellement plus attachée aux travaux ménagers qu`à des conquêtes politiciennes. Cela pose également le problème de la compétitivité de notre parlement. Car selon certains hommes de droit, cette prescription contraint les hommes politiques à aligner des « incapables » dans leurs listes, au non du respect de l`approche genre, sacrifiant ainsi la compétence.
Casse tête
La notion de composante sociologique a également suscité des débats passionnants pendant l`audience du contentieux pré-électoral à la Cour suprême. Même le premier président a, à un moment donné, estimé que composantes sociologiques renvoie à corporations professionnelles. Obligeant Me Joseph
Mba
Ndam du Social democratic front «(Sdf) à soutenir que dans ces
conditions, aucune liste n`aurait dû être admise dans le Wouri, si elle
ne comporte pas de Moto taximan. D`aucuns, lors de cette audience ont
cru entendre par composante sociologique les communautés représentées
dans une circonscription électorale donnée. D`autres encore, pour
respecter la loi sur cet aspect, ont inclu les autochtones et/ou les
allogènes dans leurs listes selon les cas. Un véritable casse-tête pour
les membres du Conseil constitutionnel à qui Me Joseph Mba Ndam a
proposé une redéfinition de ces deux notions, en vue d`éclairer de façon
définitive la lanternes des hommes politiques. « A ce que je sache,
vous avez été député à l`Assemblée nationale depuis 1997. Vous y êtes
même encore. C`est vous qui avez étudié et voté cette loi. Maintenant
vous me demandez de redéfinir des notions. Trouvez-vous votre doléance
acceptable ? » A interrogé Alexis Dipanda Mouelle, en réaction à la
réclamation du camarade de Ni John Fru Ndi.
Quoi qu`on dise, une relecture du code électoral devient indispensable, pour toiletter les parties incongrues et le rendre plus accessible et plus démocratique.
Joseph Flavien KANKEU
Me Joseph Mba Ndam: «Le Conseil constitutionnel devrait tenir compte des éléments politiques»
Pendant l`audience de la Cour suprême siégeant comme Conseil constitutionnel, nous avons approché
Me Mba
Ndam, ancien député du Social democratic front (Sdf) à l`Assemblée
nationale. Il donne son appréciation du travail effectue par Alexis
Dipanda Mouelle et ses collaborateurs.
Vous avez assisté à toute l`audience du contentieux pré-électoral en vue des élections législatives du 30 septembre prochain. Quelles observations portez-vous sur le déroulement de cette audience du Conseil constitutionnel ?
Ce que je peux dire c`est que ce Conseil constitutionnel qui est d`ailleurs notre Cour suprême est autrement constitué que ce qui est prévu dans la loi organique. Parce que c`est un organe qui devrait être quasi judiciaire et un organe juge de la politique. Mais nous nous trouvons devant une juridiction purement judiciaire qui se retrouve de temps à autres en difficulté. Je dis ceci parce que nous avons eu auparavant une jurisprudence apparemment constante sur la notion de la composante sociologique qui tentait, depuis 1997 que je participe aux élections, à définir la composante sociologique comme les communautés qui se trouvent dans un espace géographique donné. Mais cette jurisprudence nous a énormément affectés dans le passé. Je me rappelle en 2007 le cas de Bali où les Bawock, une communauté en partie arrivée un peu après l`installation des Bali. Et cette communauté était venue du Ndé pour s`installer. En 2007 notre liste avait été rejetée au motif de cette communauté n`y était pas représentée. Même à Tiko nous avons eu le même problème. Alors en ma qualité d`acteur politique et de conseiller juridique quotidiennement appelé à orienter mon parti dans la constitution des listes, je pense que nous devrions faire l`effort de prendre en compte toutes les communautés. Mais ce que j`entends aujourd`hui du Conseil constitutionnel c`est que la composante sociologique est autre chose que cela. Car nous avons eu un dossier où on a commencé à parler des ingénieurs, des consultants et autres. Ceux-là ne sont pas des communautés. Ils peuvent faire partie des associations ou des regroupements. Est-ce que la composante sociologique voudrait dire des associations professionnelles ? Si c`est le cas, c`est que dans le Wouri centre les Benskineurs doivent donner un candidat. Que signifie cette notion pour le Conseil constitutionnel. C`est une confusion totale. Comme au moins trois dossiers concernant cette notion ont été mis en délibéré, j`ai suggéré à la Cour de préciser dans sa décisions les caractéristiques et les connotations de la composante sociologique. Pour que les Camerounais sachent de façon définitive ce que cela veut dire. Note Conseil constitutionnel n`arrive pas à nous donné une compréhension claire de cette notion. Ils ont même à un moment donné voulu renvoyer la balle vers l`Assemblée en se moquant de moi qui ait proposé une redéfinition de cette notion. Pourtant, l`Assemblée légifère et le Conseil constitutionnel comme tout organe juridictionnel interprète et l`exécutif se charge de faire exécuter. C`est d`ailleurs cela la notion de trois pouvoirs.
Mais qu`est-ce qui peut justifier selon vous les multiples rejets et désistements observés à cette audience ?
C`est tout simplement parce que nous sommes devant une Cour suprême et non un Conseil constitutionnel comme le veut la loi organique. La Cour suprême doit dire le droit, en s`appuyant sur les preuves matérielles comme dans une procédure judiciaire. Alors que la chose politique est différente. Elle est faite des émotions et des apparences. Or un Conseil constitutionnel bien composé serait en mesure de saisir ces aspects et de contribuer à l`évolution de la démocratie camerounaise. Les désistements viennent du fait qu’il y a une série de procédures qui se ressemblent et qui engagent le même plaignant. Si la cour tranche déjà deux, le plaignant est en droit de se désister parce qu`il ne sert à rien de dire la même chose plusieurs fois.
Voulez-vous dire que le Conseil constitutionnel doit rendre ses arrêts en s`appuyant sur des éléments beaucoup plus subjectifs et moins objectifs ?
Je parle des éléments politiques. C’est-à-dire qui tirent leurs sources de la politique. Nous sommes régulièrement en contact avec le peuple. Nous connaissons l`aspect sociologique du peuple. En rejetant de façon systématique les requêtes, cela crée une certaine frustration du peuple. Et ce n`est pas bon.
Entretien avec Joseph Flavien KANKEU