Gbagbo président ? J'applaudis!
... Gbagbo aurait dû sans doute s’appeler Ali Ben Bongo, Blaise Compaoré, Denis Sassou N’Guesso, Joseph Kabila, Paul Biya, Faure Gnassingbé Eyadema... Ou la Côte d’ivoire aurait dû être aussi peu juteuse que la Guinée dont personne ne s’est soucié de vérifier si la décision d’entériner la victoire « improbable » d’Alpha Condé était juste ou pas.
En empruntant ses raccourcis récurrents, dès lors qu'il s'agit de la politique africaine, et en affichant une sévérité à la tête du client, les autoproclamés « maîtres du monde » ont décidé de se substituer aux institutions de la Côte d'Ivoire. Et de dénier à ce pays l'essence même de l'existence d'un État : la souveraineté. Entre une « Commission électorale indépendante » composée très majoritairement des représentants de l'opposition et un Conseil constitutionnel dont les membres seraient proches du président sortant, le Conseil de sécurité de l'Onu, les États-Unis, l'Union européenne, la burlesque Union africaine, la France et même le moribond parti socialiste français ont décrété que la vérité était détenue par la Commission électorale présumée indépendante. Ces puissances détiennent, peut-être, les preuves de la défaite de Laurent Gbagbo, mais leur prise de position a-t-elle été équitable depuis toujours ? Rien n'est moins sûr.
De quoi parle-t-on ici ? D'un pays dont le président, Laurent Gbagbo, normalement élu a été empêché d'exercer son mandat dès la deuxième année. Au lieu de dénoncer une rébellion qui venait d'échouer dans sa tentative de coup d'État, la France et la Communauté internationale l'ont plutôt confortée en créant une zone tampon offrant ainsi le nord du pays à ce mouvement qui ne s'est pas privée de commettre des actes abominables y compris des assassinats à caractère ethnique.
Pire, aucune pression n'a été faite sur cette rébellion pour qu'elle
désarme ! Et quand Gbagbo posait le désarmement de ces forces comme
préalable pour aller aux élections, il était accusé de vouloir prolonger
indéfiniment son mandat. C'est ainsi que toutes les médiations de la
crise ivoirienne ont abouti à des accords qui déchiraient, à chaque
fois, une ou plusieurs pages de la constitution ivoirienne. Et c'est
encore et toujours Gbagbo qui a dû prendre sur lui la décision de rendre
éligible un Alassane Dramane Ouattara qui ne pouvait l'être qu'en
tordant le bras au peuple ivoirien. Ironie du sort, Ouattara lui-même
avait appelé à voter pour la constitution révisée qui excluait sa
candidature à la présidence.
Ces élections exécrables que vient
de connaître la Côte d'ivoire étaient, dès lors, inéluctables. En
experts de caisse de résonnance d'une lecture infantilisante de la vie
politique africaine, les médias occidentaux et la mission des
Nations-unies en Côte d'ivoire ont décidé d'ignorer les rapports
circonstanciés des observateurs africains qui ont noté des cas flagrants
de fraude dans le nord contrôlé par la rébellion. Les puissances
occidentales désignent Gbagbo comme fraudeur, ce qui n'est pas une
hypothèse à écarter, mais oublient de se souvenir de la tentative de
fraude monumentale découverte au sein de la Commission électorale
indépendante avant l'élection. Le précédent président de cette
commission, qui était issu des rangs de l'opposition, avait essayé
d'introduire, souvenons-nous, 300.000 faux électeurs. Tentative de
fraude qu'il avait reconnue, du reste, devant la justice. Et l'on
n'évoque même pas ces bureaux de vote du nord où le nombre des votants
dépassait celui des inscrits !
Cette façon de s'accommoder avec
ces fraudes, et d'une manière générale d'une rébellion condamnable à
tous points de vue, est pire qu'un procédé néocolonialiste, c'est
trouver les Ivoiriens et les Africains d'une manière générale indignes
de la démocratie, de la paix et de la liberté de décider souverainement
de leur destin. Le dire fortement n'est pas soutenir Laurent Gbagbo, ni
approuver l'ensemble de son œuvre qui a sa part d'ombre, mais c'est
refuser une façon de traiter l'Afrique qui en fait le marchepied du
cynisme de l'Occident mais aussi de ses fonctionnaires des Nations-unies
dont l'arrogance en Côte d'ivoire devient la caractéristique principale
de la tonalité de leur discours.
Ouattara est fâché avec l'alternance conforme à la constitution
Autant
Laurent Gbagbo est connu pour nouer et dénouer avec ruse des alliances
exclusivement à son avantage, autant Alassane Dramane Ouattara a montré,
très tôt, son envie d'enjamber la constitution pour gagner la
présidence de la République. Lorsque le président Houphouët Boigny
disparaît, l'alors premier ministre essaye d'empêcher
le président de l'assemblée nationale, Henri Konan Bédié, d'assurer
l'intérim comme prévu par la constitution. Ce ne sera qu'une partie
remise car il a été, au pire, le cerveau, au minimum, la caution
politique, la face civilisée d'une rébellion qui a voulu écourter le
mandat de Laurent Gbagbo. En répondant à la question « À qui a profité la rébellion ? », on arrive aisément à identifier ses vrais commanditaires.
Pour
avoir accordé une légitimité sans contrepartie à la rébellion, la
France et la Communauté internationale l'ont consacrée comme une forme
de régulation de la vie politique admise en… Afrique. Que l'opposition
ivoirienne conteste une décision du Conseil constitutionnel, cela relève
de la vie normale d'un pays, mais que la France et l'ONU disqualifient,
à moins de 24 heures, la décision du conseil constitutionnel d'un pays
souverain, cela est étonnant. Ce soutien précipité, bruyant et
ostentatoire apporté à Ouattara n'est pas le genre de légitimité qui
sert un homme politique dans un pays où le peuple vit un patriotisme vif
pour ne pas dire vigoureux quelquefois. Gbagbo aurait dû sans doute
s'appeler Ali Ben Bongo, Blaise Compaoré, Denis Sassou N'Guesso, Joseph
Kabila, Paul Biya, Faure Gnassingbé Eyadema... Ou la Côte d'ivoire
aurait dû être aussi peu juteuse que la Guinée dont personne ne s'est
soucié de vérifier si la décision d'entériner la victoire « improbable » d'Alpha Condé était juste ou pas.
Pour
toutes ces raisons, j'applaudis la réélection de Laurent Gbagbo tant
que des parties désintéressées n'apporteront pas la preuve que
l'élection au nord n'a été entachée d'aucune irrégularité