Garoua: Le Rdpc et l’Undp désavouent Issa Tchiroma
YAOUNDÉ - 10 Mai 2012
© Georges Alain Boyomo | Mutations
Des responsables locaux de ces partis déclarent n’avoir pas discuté avec le Mincom au cours de son récent séjour dans la ville.
En mission commandée le week-end dernier à Garoua, officiellement pour «évaluer le climat qui règne dans cette ville», le ministre de la Communication (Mincom), par ailleurs président du Front pour le salut national du Cameroun (Fsnc), Issa Tchiroma Bakary, n’a pas chômé, du moins si l’on s’en tient à sa «communication spéciale» délivrée dans les studios de Crtv-Nord au bout de son périple, et diffusée en différé avant-hier par la Crtv-télé.
On en retient que «Garoua se porte plutôt bien» et qu’il faut «laisser la justice faire son travail», allusion faite à l’emprisonnement de l’ancien ministre d’Etat, Marafa Hamidou Yaya, qui a fait des vagues dans la capitale régionale du Nord. Le Mincom a également indiqué qu’au cours de son séjour à Garoua, il a eu des échanges avec les responsables locaux des partis politiques et des associations aux fins de consolider la paix qui règne dans cette ville et, partant, renforcer la position de la région du Nord, qui constitue, à son entendement, un «rempart» du président Biya.
Mais, les uns après les autres, des responsables aussi bien du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) que de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp), les deux principales forces politiques de la ville, démentent avoir rencontré M. Tchiroma au cours de sa mission à Garoua. «Je l’ai suivi avant hier [mardi] à la télévision. Il a raison de dire que tout va bien à Garoua. Mais, à ma connaissance, il n’a pas rencontré les responsables locaux du Rdpc. S’il nous avait sollicités, nous sérions allé le voir. Mais le ministre n’a eu des échanges qu’avec des militants de son parti, qui sont allés chez lui, du moins ceux qui y vont toujours», déclare le maire Rdpc de Garoua Ier, Youssoufa Daoua.
Quant à Saliou Muller, président de la section Rdpc Bénoué centre II, il se fait laconique: «Je ne l’ai pas rencontré». Dans le même sens, un membre du comité central de l’Undp résidant à Garoua, révèle que «Issa Tchiroma n’a rencontré aucun parti politique, aucune association. En réalité, je suis confus: Si l’ordre public était vraiment menacé à Garoua, je pense qu’il reviendrait au gouverneur, au préfet ou au sous-préfet d’entreprendre une telle démarche. Je puis même vous dire que le président Bello Bouba Maïgari a aussi séjourné le week-end dernier à Garoua et qu’il n’a eu aucun contact avec M. Tchiroma».
Pour sa part, Hassana Tchiroma, l’ancien secrétaire national à l’organisation du Fsnc et non moins frère cadet d’Issa Tchiroma tranche dans le vif: «c’est du bluff. Tout ce qu’il fait là va retomber sur lui. Il parle au nom de qui? Il n’a rencontré aucune association de jeunes, aucun parti politique». Des propos pour le moins surprenants venant d’un personnage qu’on disait déjà réconcilié avec son frère de ministre. «Lorsqu’il est descendu de l’avion, mon frère [Issa Tchiroma] m’a aperçu en retrait du groupe de gens qui sont venus l’accueillir. Il s’est rapproché de moi et a souhaité qu’on aille à la maison à bord de sa voiture. Ce que j’ai accepté, car, malgré tout, nous restons des frères. Mais une fois chez lui, chacun a pris sa direction. En réalité, Issa et moi sommes des frères, nous avons mangé ensemble. Maintenant ce n’est plus possible, je suis de trop dans son entourage. Et je ne mange pas grâce à lui. Mes enfants étant déjà dans leurs foyers, je vis avec mon épouse et si je le veux, nous pouvons manger même un éléphant», se vante Hassana Tchiroma.
L’un des confidents de Issa Tchiroma Bakary, qui dit travailler depuis plus de deux mois à Garoua pour une plus grande implantation du Fsnc, tente d’atténuer la salve de critiques qui s’abat sur son «mentor» en indiquant que «le Mincom a rencontré des associations communautaires et des responsables politiques, pas nécessairement de manière formelle. Il a aussi rendu visite aux autorités administratives, à Garoua. Le constat final est que l’arrestation de Marafa n’a fait ni chaud, ni froid aux populations du département de la Bénoué, en général, et de la ville de Garoua, en particulier».
La bataille de Garoua
«Issa Tchiroma se comporte comme le nouveau leader politique de la ville de Garoua. Il tente de s’approprier le rôle qui était jadis dévolu à Marafa Hamidou Yaya». Ces propos tenus par l’une des chevilles ouvrières de l’Undp à Garoua, laquelle a écouté la «communication spéciale» du Mincom mardi dernier sur la Crtv, est la preuve que dans les différents états-majors des partis politiques actifs dans cette ville, les jeux sont dorénavant ouverts au sujet de la bataille de leadership ambiante, après «l’extinction» de Marafa.
Un scénario d’analyse suggère qu’en l’état actuel de la situation, l’affrontement mettra en scène deux partis et deux hommes: Bello Bouba Maïgari (BBM) de l’Undp et Issa Tchiroma Bakary (ITB) du Fsnc. Deux gladiateurs qui se connaissent bien, pour avoir milité dans le même parti, et qui, en plus, se détestent cordialement. Les prochaines élections municipales et législatives constitueront le premier test grandeur nature de ce duel fratricide.
«Il n y a pas de doute. Issa Tchiroma conduira la liste du Fsnc aux législatives dans la Bénoué. S’il n’y a pas de fraude, comme cela se dessine, il va l’emporter. L’électorat de l’Undp est vieillissant. Nous, nous misons sur les femmes et les jeunes. Qui plus est, nos listes seront constituées de 50% d’autochtones et de 50% d’allogènes. Avec l’arrestation de Marafa, le Rdpc est assommé. Ce parti n’osera plus investir les affidés de l’ex Minatd. L’espoir aurait pu reposer sur Iya Mohammed, mais ce dernier est dans l’œil du cyclone. Le camp du Lamido Alim Hayatou et de Maurice Hamidou n’a pas assez de moyens pour tenir la compétition. Donc, la bataille se fera entre l’Undp et le Fsnc. Mais au Fsnc, nous savons que le Rdpc et l’Undp peuvent faire bloc pour nous faire échouer», prophétise un proche du Mincom.
Lequel ajoute que «le Fsnc travaille sur le terrain. L’aura personnelle d’Issa Tchiroma est au-dessus de celle de n’importe quelle élite dans la Bénoué. Il y en a même qui rougissent de complexes. Et puis, le ministre Tchiroma pose des actes qui parlent pour lui: il a distribué 1000 sacs de riz lors de la dernière fête du ramadan, il fait des dons lors de la fête de Noël et il a mis six ambulances à la disposition des populations dans le département de la Bénoué».
Du côté de l’Undp, l’on estime que «le parti de Issa Tchiroma ne représente rien». «Il compte sur les Kirdis qui sont dans la Bénoué ainsi que sur les ressortissants des régions méridionales. Mais les positions sont faites depuis des années. Il ne sera pas évident de recruter au Rdpc, à l’Undp ou au Mdr. Le Mincom compte sur les prébendes qu’ils redistribuent aux gens. Mais, ces gens n’ont pas oublié ce qu’il disait lui-même de cet argent quand il ne s’était pas encore allié au Rdpc: «c’est l’argent de vos impôts, prenez le si on vous le donne, mais votez le candidat ou la liste de vos convictions».
L’exclusion de Hassana Tchiroma, l’ancien secrétaire national à l’organisation du Fsnc, pour son soutien affiché à Marafa, ne semble pas arranger les choses pour le parti du Mincom: «C’est moi qui rassemblais pour le compte du Fsnc pendant que Issa était dans le climatiseur», fulmine Hassana. Mais, ainsi que l’observe un proche de ITB, «M. Tchiroma a un patron. Nul ne sait le deal que les deux ont passé. M. Biya ne lui a-t-il pas dit par exemple: je fais de toi le nouveau leader de Garoua en récompense des services que tu m’as rendus?» A l’Undp, cette analyse n’est pas banalisée: «Issa Tchiroma espère qu’après son soutien à la candidature du président Biya, le pouvoir lui donnera les moyens pour se faire une place politique à Garoua. Mais, je peux vous dire, sans minimiser l’adversaire, que M. Tchiroma ne nous empêche pas de dormir».
© Georges Alain Boyomo | Mutations
Des responsables locaux de ces partis déclarent n’avoir pas discuté avec le Mincom au cours de son récent séjour dans la ville.
En mission commandée le week-end dernier à Garoua, officiellement pour «évaluer le climat qui règne dans cette ville», le ministre de la Communication (Mincom), par ailleurs président du Front pour le salut national du Cameroun (Fsnc), Issa Tchiroma Bakary, n’a pas chômé, du moins si l’on s’en tient à sa «communication spéciale» délivrée dans les studios de Crtv-Nord au bout de son périple, et diffusée en différé avant-hier par la Crtv-télé.
On en retient que «Garoua se porte plutôt bien» et qu’il faut «laisser la justice faire son travail», allusion faite à l’emprisonnement de l’ancien ministre d’Etat, Marafa Hamidou Yaya, qui a fait des vagues dans la capitale régionale du Nord. Le Mincom a également indiqué qu’au cours de son séjour à Garoua, il a eu des échanges avec les responsables locaux des partis politiques et des associations aux fins de consolider la paix qui règne dans cette ville et, partant, renforcer la position de la région du Nord, qui constitue, à son entendement, un «rempart» du président Biya.
Mais, les uns après les autres, des responsables aussi bien du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) que de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp), les deux principales forces politiques de la ville, démentent avoir rencontré M. Tchiroma au cours de sa mission à Garoua. «Je l’ai suivi avant hier [mardi] à la télévision. Il a raison de dire que tout va bien à Garoua. Mais, à ma connaissance, il n’a pas rencontré les responsables locaux du Rdpc. S’il nous avait sollicités, nous sérions allé le voir. Mais le ministre n’a eu des échanges qu’avec des militants de son parti, qui sont allés chez lui, du moins ceux qui y vont toujours», déclare le maire Rdpc de Garoua Ier, Youssoufa Daoua.
Quant à Saliou Muller, président de la section Rdpc Bénoué centre II, il se fait laconique: «Je ne l’ai pas rencontré». Dans le même sens, un membre du comité central de l’Undp résidant à Garoua, révèle que «Issa Tchiroma n’a rencontré aucun parti politique, aucune association. En réalité, je suis confus: Si l’ordre public était vraiment menacé à Garoua, je pense qu’il reviendrait au gouverneur, au préfet ou au sous-préfet d’entreprendre une telle démarche. Je puis même vous dire que le président Bello Bouba Maïgari a aussi séjourné le week-end dernier à Garoua et qu’il n’a eu aucun contact avec M. Tchiroma».
Pour sa part, Hassana Tchiroma, l’ancien secrétaire national à l’organisation du Fsnc et non moins frère cadet d’Issa Tchiroma tranche dans le vif: «c’est du bluff. Tout ce qu’il fait là va retomber sur lui. Il parle au nom de qui? Il n’a rencontré aucune association de jeunes, aucun parti politique». Des propos pour le moins surprenants venant d’un personnage qu’on disait déjà réconcilié avec son frère de ministre. «Lorsqu’il est descendu de l’avion, mon frère [Issa Tchiroma] m’a aperçu en retrait du groupe de gens qui sont venus l’accueillir. Il s’est rapproché de moi et a souhaité qu’on aille à la maison à bord de sa voiture. Ce que j’ai accepté, car, malgré tout, nous restons des frères. Mais une fois chez lui, chacun a pris sa direction. En réalité, Issa et moi sommes des frères, nous avons mangé ensemble. Maintenant ce n’est plus possible, je suis de trop dans son entourage. Et je ne mange pas grâce à lui. Mes enfants étant déjà dans leurs foyers, je vis avec mon épouse et si je le veux, nous pouvons manger même un éléphant», se vante Hassana Tchiroma.
L’un des confidents de Issa Tchiroma Bakary, qui dit travailler depuis plus de deux mois à Garoua pour une plus grande implantation du Fsnc, tente d’atténuer la salve de critiques qui s’abat sur son «mentor» en indiquant que «le Mincom a rencontré des associations communautaires et des responsables politiques, pas nécessairement de manière formelle. Il a aussi rendu visite aux autorités administratives, à Garoua. Le constat final est que l’arrestation de Marafa n’a fait ni chaud, ni froid aux populations du département de la Bénoué, en général, et de la ville de Garoua, en particulier».
La bataille de Garoua
«Issa Tchiroma se comporte comme le nouveau leader politique de la ville de Garoua. Il tente de s’approprier le rôle qui était jadis dévolu à Marafa Hamidou Yaya». Ces propos tenus par l’une des chevilles ouvrières de l’Undp à Garoua, laquelle a écouté la «communication spéciale» du Mincom mardi dernier sur la Crtv, est la preuve que dans les différents états-majors des partis politiques actifs dans cette ville, les jeux sont dorénavant ouverts au sujet de la bataille de leadership ambiante, après «l’extinction» de Marafa.
Un scénario d’analyse suggère qu’en l’état actuel de la situation, l’affrontement mettra en scène deux partis et deux hommes: Bello Bouba Maïgari (BBM) de l’Undp et Issa Tchiroma Bakary (ITB) du Fsnc. Deux gladiateurs qui se connaissent bien, pour avoir milité dans le même parti, et qui, en plus, se détestent cordialement. Les prochaines élections municipales et législatives constitueront le premier test grandeur nature de ce duel fratricide.
«Il n y a pas de doute. Issa Tchiroma conduira la liste du Fsnc aux législatives dans la Bénoué. S’il n’y a pas de fraude, comme cela se dessine, il va l’emporter. L’électorat de l’Undp est vieillissant. Nous, nous misons sur les femmes et les jeunes. Qui plus est, nos listes seront constituées de 50% d’autochtones et de 50% d’allogènes. Avec l’arrestation de Marafa, le Rdpc est assommé. Ce parti n’osera plus investir les affidés de l’ex Minatd. L’espoir aurait pu reposer sur Iya Mohammed, mais ce dernier est dans l’œil du cyclone. Le camp du Lamido Alim Hayatou et de Maurice Hamidou n’a pas assez de moyens pour tenir la compétition. Donc, la bataille se fera entre l’Undp et le Fsnc. Mais au Fsnc, nous savons que le Rdpc et l’Undp peuvent faire bloc pour nous faire échouer», prophétise un proche du Mincom.
Lequel ajoute que «le Fsnc travaille sur le terrain. L’aura personnelle d’Issa Tchiroma est au-dessus de celle de n’importe quelle élite dans la Bénoué. Il y en a même qui rougissent de complexes. Et puis, le ministre Tchiroma pose des actes qui parlent pour lui: il a distribué 1000 sacs de riz lors de la dernière fête du ramadan, il fait des dons lors de la fête de Noël et il a mis six ambulances à la disposition des populations dans le département de la Bénoué».
Du côté de l’Undp, l’on estime que «le parti de Issa Tchiroma ne représente rien». «Il compte sur les Kirdis qui sont dans la Bénoué ainsi que sur les ressortissants des régions méridionales. Mais les positions sont faites depuis des années. Il ne sera pas évident de recruter au Rdpc, à l’Undp ou au Mdr. Le Mincom compte sur les prébendes qu’ils redistribuent aux gens. Mais, ces gens n’ont pas oublié ce qu’il disait lui-même de cet argent quand il ne s’était pas encore allié au Rdpc: «c’est l’argent de vos impôts, prenez le si on vous le donne, mais votez le candidat ou la liste de vos convictions».
L’exclusion de Hassana Tchiroma, l’ancien secrétaire national à l’organisation du Fsnc, pour son soutien affiché à Marafa, ne semble pas arranger les choses pour le parti du Mincom: «C’est moi qui rassemblais pour le compte du Fsnc pendant que Issa était dans le climatiseur», fulmine Hassana. Mais, ainsi que l’observe un proche de ITB, «M. Tchiroma a un patron. Nul ne sait le deal que les deux ont passé. M. Biya ne lui a-t-il pas dit par exemple: je fais de toi le nouveau leader de Garoua en récompense des services que tu m’as rendus?» A l’Undp, cette analyse n’est pas banalisée: «Issa Tchiroma espère qu’après son soutien à la candidature du président Biya, le pouvoir lui donnera les moyens pour se faire une place politique à Garoua. Mais, je peux vous dire, sans minimiser l’adversaire, que M. Tchiroma ne nous empêche pas de dormir».