Garoua: Des militants du Fnsc invitent Tchiroma à démissionner

YAOUNDÉ - 18 Juin 2012
© YVONNE SALAMATOU | L'Oeil du Sahel

A la suite des révélations mettant en cause leur président au sujet du Crash du Boeing 737-200, les militants du Fnsc s'expliquent.

Assis dans son échoppe située au marché central de Garoua, Abdoulaye Hindé réfléchit à son avenir politique. Cette matinée du 14 juin 2012, en compagnie de quelques camarades du Front pour le salut national du Cameroun, ils discutent sur les accusations de corruption portées à l'encontre de leur président dans le cadre des contrats d'entretien et de maintenance de la Camair avec la compagnie Sud-africaine Transnet SAA. «J'ai quitté l'Undp pour suivre Issa parce que c'est un homme courageux qui a toujours milité pour le bien du peuple. Mais avec ce que j'ai lu dans votre journal, je pense que je me suis trompé sur l'homme», affirme Abdoulaye Hindé. Autour de lui, ses quatre camarades acquiescent de la tête. Leur désolation est d'autant plus grande qu'ils avaient fondé de grands espoirs sur les prochaines élections locales. «Nous n'avions ni la force de l'Undp, ni les moyens du Rdpc mais nous faisions déjà partis du paysage politique ici à Garoua. Mais là, c'est foutu pour nous. Il nous sera difficile de tenir un discours cohérent sans que l'on nous renvoie au statut de corrompu de notre président», explique dans un fufuldé parfait Hamadama, l'un des quatre commerçants venus papoter de l'actualité avec Abdoulaye Hindé. Un client entre dans l'échoppe. Visiblement, c'est un habitué des lieux car sans avoir dit mot, Abdoulaye Hindé lui concocte un petit paquet. Coût total 2.435 FCFA. Au moment de partir, le client lance au commerçant sur un ton blagueur: «Je t'ai toujours dit que ton Issa est un bandit, voilà aujourd'hui que son vrai visage est connu. Rejoins-nous au Rdpc». Et le voilà parti dans un grand éclat de rire.

«Ce qui m'ennuie le plus, indique Abdoulaye Hindé, c'est le mutisme dans lequel s'est cloitrée la direction du parti. Des camarades sont inquiets parce que les militants de l'Undp et du Rdpc font répandre la rumeur qu'on va bientôt arrêter Issa, une fois qu'il aura quitté le gouvernement. Cela démoralise tout le monde». Haman Djouldo qui n'a pas ouvert la bouche depuis le début de la conversation consent enfin à dire un mot. C'est un vieux compagnon du ministre Issa Tchiroma qui l'a suivi dans toutes ses pérégrinations politiques. «Nous avons fait les villes mortes ensemble», indique-t-il d'emblée. Et de poursuivre: «s'il aime le parti qu'il a créé, il doit démissionner de sa présidence. Nous ne pouvons plus mobiliser, nous sommes déjà la risée de tout le monde. Comment continuer à soutenir la politique du président Biya alors que notre président est lui-même un corrompu? Issa m'a déçu», murmure le vieillard de 61 ans. Ses camarades hochent la tête. Du thé est servi à tout le monde. Pour tourner la page?

Assis sur une natte non loin de la permanence du Rdpc située à l'avenue des banques, des militants du Fsnc discutent également de la dernière actualité qui écorne sérieusement l'image de leur président. «Issa aime l'argent. Déjà à l'Undp, chargé de déposer à la préfecture de la Bénoué la liste des candidats Undp lors des premières élections législatives de 1992, il avait tout bonnement remplacé un député, à l'insu de Bello Bouba Maïgari, en échange d'un joli pactole. Je ne suis pas surpris qu'il ait sollicité de l'argent chez les sud-africains», indique ce commerçant qui refuse d'être cité. Pour la petite histoire, l'Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp) avait jeté son dévolu sur un certain Djini Inan Michel, un Fali de Pitoa, pour représenter cet arrondissement sur la liste de quatre députés en compétition dans la circonscription de la Bénoué. Bello Bouba, appelé d'urgence à Yaoundé, avait confié à Issa Tchiroma le soin de déposer ladite liste, validée par les instances du parti, auprès du préfet de la Bénoué. Une simple formalité s'était alors dit le président de l'Undp. Hélas, chemin faisant, ce dernier remplacera le dossier de Djini Inan Michel par celui d'Adamou Abdoulaye contre espèces sonnantes et trébuchantes. Le président de l'Undp, dans l'euphorie des élections de 1992 et la razzia opérée à Garoua par son parti, ne se rendra compte de la supercherie que longtemps plus tard lors de la publication des résultats définitifs...

Pour Mamoudou, un des responsables du Fsnc à Garoua II rencontré à la communauté urbaine de Garoua, la messe est dite pour son patron. «Sa carrière politique est terminée. Il doit quitter la direction du parti. On nous appelle maintenant le parti des corrompus et ce n'est pas beau à entendre» Dans un grand éclat des militants du Rdpc lui demandent où son président national a planqué cette belle fortune arrachée de hautes luttes des mains des sud-africains. C'est que durant sa longue traversée du désert, l'actuel ministre de la Communication n'avait pas laissé transparaître une certaine aisance financière. Ses déboires de loyers à Yaoundé et le fait qu'il logeait toujours au domicile familial à Garoua, alimentaient chaudement les conversations. Pis, les gandouras du ministre avaient pris un coup de vieux et sa célèbre barbichette avait perdu de sa superbe. «C'est son ami Bakary Guiné, commerçant installé à Djimeta au Nigeria (Etat de Yola), qui lui avait mis en tête de fructifier son argent une fois sorti du gouvernement en 1996. Et malheureusement, l'affaire n'a pas marché et des dizaines de millions FCFA sont partis en fumée. Le ministre avait d'ailleurs frôlé la folie à l'issue de cette opération», témoigne aujourd'hui un proche de l'actuel secrétaire particulier de Tchiroma. Reste à savoir si Issa Tchiroma va écouter le vœu de ses militants.



19/06/2012
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