Gabon. L'hyper-président Ali règne sans partage
Omar Bongo a incarné pendant quarante deux ans le Gabon, mais
trois années ont suffi à son fils, Ali Bongo, pour atténuer cette
empreinte. Dans cet espace-temps, le chef de l'Etat - mal élu en 2009 - a
gardé sa pléthorique famille à distance. Il a réussi à désagréger les
forces de l'opposition, tout en maintenant un contrôle vigilant sur
l'armée. Avec 114 députés du Parti démocratique gabonais
(PDG) sur 120, il dispose de l’une des plus confortables majorités
parlementaires de l’histoire du pays. Dernière manifestation de cet
hégémonisme présidentiel : les quelques barons de Papa Bongo encore en
exercice au sein de l'exécutif viennent d'être remerciés. Analyse.
Gouvernement sous influence
- Formé le 28 février, le nouveau gouvernement monocolore emmené par
Raymond Ndong Sima - premier Fang du Woleu-Ntem à ce poste - parachève
la mainmise d'Ali Bongo sur l'ensemble des leviers du pays (diplomatie,
sécurité…). Hormis Jean-François Ndongou, maintenu au ministère de
l'intérieur, le dernier carré de fidèles d'Omar a été prié d'aller voir
ailleurs (lire p.7).
Paul Toungui, compagnon de Pascaline, demi-sœur du chef de l'Etat,
elle-même écartée de la sphère directe du pouvoir, était de tous les
gouvernements depuis 1990. Il a cédé son maroquin à Emmanuel
Issoze-Ngondet, ami du chef de l'Etat. En revanche, Magloire Ngambia,
sorti renforcé dans la nouvelle équipe, prend la tête d’un ministère
coiffant six portefeuilles. Il devra toutefois gérer ce méga département
en concertation avec le directeur du cabinet présidentiel, le Béninois
Maixent Accrombessi.
Le palais centralise le pouvoir -
Sans les gris-gris et les vieux conseillers d'Omar Bongo, l'emprise du
Palais du bord de mer s'avère encore plus marquée que sous le régime de
l'ancien président, décédé en 2009. Pilotés par des ministres sans
prérogative, les secteurs stratégiques (pétrole, énergie,
infrastructures…) sont gérés directement depuis le palais, où la plupart
des conseillers forment un gouvernement parallèle sous la coupe
d'Accrombessi. Ce dernier chapeaute également les structures dépendant
de la présidence, dont l'Agence nationale des grands travaux (ANGT)
dirigée par le représentant de Bechtel, Henri Ohayon, ou l'Agence
gabonaise d'études et d'observations spatiales (Ageos), présidée par un
autre conseiller, Etienne Massard Cabinda.
La diplomatie a elle aussi épousé les réseaux d'Ali Bongo. Son
compagnon de lutte au sein du PDG, Germain Ngoyo Moussavou, tient ainsi
l'ambassade du Gabon à Paris. Ses amis personnels Nelson Noël Messone et
Michaël Moussa ont été placés respectivement aux Nations unies et à
Washington. De tous ces réseaux, seule la secrétaire générale du palais,
Laure Olga Gondjout, fait office de rescapée de l'ère Bongo père.
Généraux cadeautés, paix assurée -
Ali Bongo n’a eu aucune difficulté à mettre l'armée au pas. Ministre de
la défense durant dix ans, il a acquis une bonne connaissance des
équilibres ethno-régionaux. Dès son arrivée au pouvoir, il s'est appuyé
sur le chef d’état-major de l'armée, le saint-cyrien Jean-Claude Ella
Ekogha. Contrairement aux gradés sous Omar Bongo, qui était incapable de
faire confiance aux officiers non originaires de sa région natale du
Haut-Ogooué, Ella Ekogha est la première figure fang à ce poste. Patron
de la garde présidentielle, Grégoire Nkouna est le cousin d'Ali.
Les commandant Jean Ekouah (gendarmerie) et Paul Operha (armée de terre) sont des Tékés, comme lui. Autre sécurocrate, l'ex-directeur du cabinet militaire d’Ali Bongo au ministère de la défense, Alioune Ibaba, officie toujours comme responsable de la sécurité. Le chef de l'Etat a en outre nommé, le 29 février, un autre Téké, François Banga-Eboumi, à la tête du Conseil national de sécurité (CNS, renseignement). Jadis susceptible d'inquiéter la mouvance présidentielle, le général Idriss Ngari a été placardisé comme second vice-président de l'Assemblée nationale. Quant au frère ennemi fang André Mba Obame, il a été torpillé en même temps que l'Union nationale (UN), dissoute en juillet 2011.