Gabon: Course-poursuite flingues et bastonnade contre le frère d'Ali Bongo Ondimba
Yusuf Bongo Ondimba, vraisemblablement le frère Mauricien du président Ali Bongo, a été pris en chasse, le 13 novembre 2012, par des agents de la Police judiciaire qui ont ouvert le feu sur sa Mercedes SL 350 avant de le passer à tabac et d’être eux-mêmes placés en garde à vue avec l’arrivée sur les lieux de Frédéric Bongo.
«Nous avons vécu un feuilleton policier digne
d’«Hawaï Police d’État» avec Frédéric Bongo dans le rôle de l’inspecteur
Steve McGarrett», ironise un quinquagénaire employé à la Galerie du
Prado, au quartier Louis à Libreville. L’artère de ce quartier menant de
Gabon Pain au rond-point Raponda, a effectivement été, le 13 novembre
en fin d’après-midi, le théâtre d’une course-poursuite automobile
ponctuée de coups feu et s’achevant par des violences physiques, du sang
et des arrestations.
La scène qui a d’ailleurs alimenté le kongossa Librevillois et les
réseaux sociaux dans la même soirée, mettait en présence Yusuf Bongo
Ondimba, frère cadet du président Ali Bongo, au volant d’une Mercedes
Benz SL 350, poursuivie par une Dacia Logan de la Police et une
Mitsubishi Pajero. Pour les habitants et commerçants de la zone, Yusuf
Bongo, qui roule habituellement très vite, aurait remonté à contresens
la descente de Louis. Pris en infraction flagrante et dangereuse par les
policiers, il aurait refusé d’obtempérer, poussant la police à le
prendre en chasse.
Selon des sources policières par contre, le jeune homme aurait constaté
qu’il était filé par une automobile de laquelle débordait des canons de
fusils. Il a donc pris peur et a accéléré pour revenir à son point de
départ, en effectuant la boucle Rond-point Raponda-Fondation Jeanne
Ebori-WWF-Gabon Pain.
Passant devant le portail de la famille de Liban
Souleymane, le chef de cabinet du président de la République, qu’il
fréquente, les gardiens n’ont pu ouvrir malgré ses alertes au klaxon.
C’est alors qu’il tentait de remonter à nouveau l’axe Gabon
Pain-Rond-point Raponda qu’une camionnette est entrée en scène, ce qui a
accru la crainte du jeune homme qui a aussitôt rebroussé chemin avant
de s’arrêter devant l’ancien Pakito, après un coup de feu tiré en l’air
par ses poursuivants. Descendus de leur voiture, les policiers ont tiré
un second coup de feu sur l’un des pneus de la voiture pour
l’immobiliser définitivement.
Voyant toutes les armes à feu braquées sur lui, Yusuf Bongo Ondimba
s’est résolu à descendre de la voiture, qui appartiendrait au chef de
l’État. Et là, selon tous les témoignages, il a été passé à tabac par
les policiers et de mystérieux personnages venus en appoint. Le jeune
homme s’est retrouvé en sang, avec le short déchiré et transformé en
jupe, la mâchoire abimée et bien d’autres parties du corps tuméfiées.
C’est sur ces entrefaites que des personnalités
militaires, qui avaient sans doute été alertées par le «fugitif», son
arrivées sur les lieux. Les badauds pétrifiés ont notamment reconnu le
commandant Frédéric Bongo, responsable des services secrets gabonais, et
frère du chef de l’État lui-aussi. Les échanges verbaux ont abouti à la
mise aux arrêts de deux sous-officiers de la Brigade anti criminalité
(Brac) alors que la seconde automobile et d’autres policiers supposés
ont réussi à prendre la poudre d’escampette.
Si tout le monde s’étonne de ce que des armes à feu puissent être si
facilement utilisées pour un refus d’obtempérer, on devrait surtout
blâmer le quitus dont bénéficient les agents de la Police judiciaire de
faire feu à volonté. S’il s’était agit d’un citoyen lambda, cette scène
de polar serait un banal fait divers ; le citoyen ordinaire n’aurait
jamais reçu de secours et les policiers auraient fait triompher leur
version des faits.
Des questions se posent également concernant le jeune homme pris en chasse avant d’être sauvagement molesté. S’il se croyait vraiment en danger de mort, pourquoi n’a-t-il pas, avec son bolide plus rapide que les guimbardes de la Police, continué sa course vers un commissariat de Police ou un poste de Gendarmerie ? Pourquoi, «en danger de mort», a-t-il pilé dès le premier coup de feu tiré en l’air ? N’a-t-il pas eu soudain un sursaut de culpabilité, sachant bien qu’il s’agissait de policiers ? On ne saurait, en effet, rejeter d’un revers de la main l’argument policier d’un refus d’obtempérer, si fréquent chez les «gosses de riches» du Gabon.
La prise en chasse de la Mercedes, si le refus d’obtempérer est avéré, est un reflexe normal de policier.
On se demande, par ailleurs, d’où sortait le
Mitsubishi Pajero et pourquoi s’est-il si vite enfui. N’avait-on pas là
affaire à l’habituelle complicité flics et bandits ? Dans cette
hypothèse que visaient ces hommes ? L’enquête qui va nécessairement
s’ouvrir par l’interrogatoire des deux sous-officiers arrêtés, apportera
peut-être des réponses à toutes ces interrogations.