Franklin Nyamsi :«Gbagbo est à sa place à La Haye»


Franklin Nyamsi, un « universitaire franco-camerounais» qui défend bec et oncle son pain quotidien auprès du très «démocrate» Guillaume Soro n'est pas en panne d'inspiration. L'homme qui s'est autoproclamé le «Mpodol» camerounais répond, dans une espèce de crise délirante, aux questions du quotidien ivoirien «Nord Sud». Dégustez !

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Franklin Nyamsi

Franklin Nyamsi, un « universitaire franco-camerounais» qui défend bec et oncle son pain quotidien auprès du très «démocrate» Guillaume Soro n'est pas en panne d'inspiration. L'homme qui s'est autoproclamé le «Mpodol» camerounais répond, dans une espèce de crise délirante, aux questions du quotidien ivoirien «Nord Sud». Dégustez !
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Certains observateurs vous présentent comme la plume de Guillaume Soro. Que leur répondez-vous?

Je pense que ces observateurs oublient un peu trop vite que Guillaume Soro, tribun de renom et mobilisateur syndical de haut vol, est issu des universités ivoirienne et française, avec un background en littérature anglo-saxonne et en sciences politiques, complété par une expérience politique exceptionnellement riche d’homme d’Etat, infiniment plus pédagogique que les meilleures universités en sciences politiques du monde. Contribuer modestement aux travaux d’un leader de cette trempe, est pour moi un insigne honneur et la marque d’une confiance fraternelle panafricaine qui prouve par ailleurs que la vraie patrie de Guillaume Soro, comme la mienne, c’est l’Univers infini, espace de prédilection de notre humanisme commun. Contrairement à ce que certains peuvent croire, j’apprends beaucoup aux côtés de mon frère et ami, le président Guillaume Soro ! Je peux vous assurer que travailler avec lui, est un régal intellectuel et humain. Il a un sens des idées et du style que peu de gens peuvent seulement imaginer. Mais comme tous les grands leaders, il allie toujours naturellement grandeur et simplicité.

Ces derniers temps, on vous a vu répondre systématiquement aux critiques contre le président de l’Assemblée nationale. Peut-on dire que vous êtes allergique aux critiques contre votre ami, Guillaume Soro ?

Je parlerais plutôt d’intérêt pour la pensée critique, par naturel de philosophe. Bien au contraire des apparences, je partage avec le président Guillaume Soro la passion du débat public. Loin de mépriser ceux qui ne partagent pas nos idées, il convient, en démocratie, de faire valoir clairement et courageusement ses raisons, face aux adversaires, afin que l’espace public soit instruit par la pluralité des opinions en compétition, dans la construction de la majorité démocratique. Avec Jürgen Habermas, un philosophe allemand contemporain, je dirais que la participation à la discussion, voire l’acceptation du pari parfois nécessaire de la polémique, sont les conditions nécessaires de la respiration même de la démocratie. Guillaume Soro, fortement investi dans les arcanes de la communication moderne, est un leader qui offre de fort belles occasions à l’intellect d’être stimulé, car il a l’audace des pionniers. Il ne craint pas la contradiction et cela va fort bien au philosophe que je suis en sa compagnie. Un politique véritable doit être un bon dialecticien.

Dans ce cadre, vous avez répondu de manière acerbe à une critique de Martial Ahipeaud. Vous qui connaissez bien les deux hommes, qu’est-ce qui les divise, aujourd’hui ?

L’agresseur dans cette affaire, c’est Martial Ahipeaud. Il n’a eu qu’un écho de ses imprudences. Vous trouvez acerbe la réponse que je fais à quelqu’un qui prétend avoir renvoyé à Guillaume Soro sa propre copie corrigée sur la nationalité, l’apatridie et le foncier rural ? Mesurez-vous l’outrecuidance de ce faquin d’Ahipeaud ? Je dois dire que j’arrivais en Côte d’Ivoire dans les années 95, quand Martial Ahipeaud avait dû quant à lui, quitter le pays pour rejoindre ses pénates dans le sud de Londres en Angleterre, d’où il est revenu avec un bagage intellectuel plutôt douteux. Je ne l’ai donc personnellement pas pratiqué. Mais venant du syndicalisme universitaire camerounais dit du Parlement, dont j’étais un militant de base au Cameroun, puis un des cadres en exil, j’ai eu l’occasion avec plusieurs autres leaders syndicaux estudiantins du Cameroun qui étudièrent à l’Université nationale de Côte d’Ivoire, non seulement de bénéficier de l’accueil chaleureux des camarades de la Fesci dirigée par Guillaume Soro, mais aussi d’étudier et de connaître les grands axes de l’histoire politique de Côte d’Ivoire, dont je suis progressivement devenu un amateur, puis un spécialiste régulier, alors même que je suis aujourd’hui, d’abord professeur agrégé et docteur en philosophie de l’université française. J’ai donc eu le temps de savoir qu’en réalité, Guillaume Soro est le premier secrétaire général de la Fesci qui ait été réellement et massivement élu, alors que tous les autres, notamment Martial Ahipeaud, n’avaient accédé à ce poste que par effet de cooptation ou par un simple concours de circonstances.

Savez-vous par exemple que Martial Ahipeaud, contrairement à ses allégations fallacieuses, a remplacé au pied levé Alexis Koné, le premier secrétaire général de la Fesci qui avait démissionné du fait de la pression du régime Houphouet, quelque temps seulement après son élection ? J’ai également, depuis les années 90, eu l’opportunité de voir évoluer l’ensemble des principaux leaders de la Fesci : Ahipeaud, Djué Eugène, Blé Guirao, et Compagnie. Il me paraît très clairement que le seul à avoir compris que le leadership syndical estudiantin ne conduisait pas nécessairement à un destin national, c’est précisément Guillaume Kigbafori Soro. Lui, dès les années 97-98, a fait le deuil de la Fesci et tourné courageusement la page. Le président Guillaume Soro a absolument rompu avec tous les caprices narcissiques des jeunes syndicalistes que nous fûmes tous, pour revêtir une armure radicalement différente : celle de l’homme d’Etat, celle de l’homme de mission destinale, conscient des responsabilités historiques de son temps et capable d’assumer avec lucidité, le tragique utile à la métamorphose du champ politique en faveur de ses idéaux légitimes. Trop d’ex-syndicalistes estudiantins africains, et j’en connais par exemple au Cameroun, qui ont gardé inutilement la grosse tête, souffrent malheureusement du syndrome de l’obsession providentielle. Ils se disent qu’avoir joué les premiers rôles dans une bande d’étudiants du passé, c’est de fait être le futur Premier ministre, le futur président de l’Assemblée nationale ou de la République. Quelle illusion ! Ils font une grossière confusion d’échelle. La grenouille ne sera jamais un bœuf !

Martial Ahipeaud, au fond, n’a jamais quitté le doux rêve qui lui enfuma le cerveau devant les foules enfiévrées de la Fesci des années 90-91-92. C’est l’éternel étudiant qui croit que la possession d’un mégaphone donne droit à la magistrature suprême. Il est donc animé, comme beaucoup de ces esprits africains immatures qui croient que les fonctions syndicales donnent d’office droit au leadership politique national, de l’obsession d’être ce que Guillaume Soro est devenu. To be or not to be, that is the question, dirait Shakespeare. En un mot, Ahipeaud souffre de ne pas être Guillaume Soro et comme il ne risque pas de le devenir, on peut lui prédire un mal incurable : la jalousie chronique et stérile des ambitieux incapables. Il fallait qu’on montre clairement à Martial Ahipeaud que les lois du Parlement-Soro sont la chose la plus moderne qui soit arrivée à la Côte d’Ivoire depuis la mort du président Houphouet-Boigny, car il renoue effectivement avec « la terre d’espérance, pays de l’hospitalité » que la Côte d’Ivoire ne peut cesser d’être sans se suicider.

Il fallait qu’on montre clairement à Martial Ahipeaud qu’une République moderne ne se laisse pas berner par des manœuvres de filou, qui consistent à vouloir semer la zizanie entre les principales autorités du pays pour se faire une place qu’on ne mérite même pas dans les élections locales de son propre village. Il fallait qu’on montre clairement à Ahipeaud et ses pareils que le temps de la Fesci est passé et que le président Guillaume Soro, loin des querelles de potes des campus d’antan, est désormais préoccupé par les tâches destinales que le président de la République, Alassane Ouattara trace magistralement pour la nation. Et je crois que le fait de rappeler à Martial Ahipeaud qu’on ne peut pas avoir comme lui une femme libanaise, deux enfants britanniques, dix frères et sœurs français et crier à l’invasion de la Côte d’Ivoire par les étrangers, ce rappel pédagogique a eu le mérite de le ramener sur la terre des hommes. Celle de l’humilité et de la pertinence. Et nous sommes pleinement disponibles, s’il le souhaite, pour l’éclairer davantage sur la petitesse de ses visées et l’immensité de ses forfaitures connues.

Vous avez, presque dans les mêmes termes, critiqué les cadres du Fpi qui s’opposaient à la visite à Gagnoa de Guillaume Soro. Ne pensez-vous que vous en faites trop ?

La vérité n’est jamais de trop en temps d’injustice. Pourquoi vous offusquez-vous qu’on critique ceux qui critiquent ? Telle est l’essence de la démocratie, cher monsieur. La presse, qui veut le débat et vit du débat, devrait se réjouir du fait que le président Guillaume Soro n’encourage pas ses amis, collaborateurs ou camarades de lutte à fuir le débat, à raser les murs comme s’ils avaient peur de la vérité et de la justice. Oh, que non ! Le scandale dans l’affaire de la visite du Gôh, n’est-ce pas le fait qu’un ambassadeur Abiet, qu’une Madame Lorougnon, ou qu’un ex-ministre de la Réconciliation nationale comme le professeur Dano Djédjé, aient eu l’outrecuidance d’interdire la visite des plusieurs localités de la République à la deuxième personnalité de l’Etat ? Voici encore des arroseurs arrosés que vous prenez en pitié !

En quoi le Fpi peut-il décréter des principautés ou des cités interdites en Côte d’Ivoire, alors qu’à Gagnoa et Daloa par exemple, le Rdr l’a souvent battu à moult élections ? Vous faites bien de signaler, une fois de plus, que j’ai seulement répondu à des attaques déplacées contre le président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, dont nul n’ignore qu’il est un frère et un ami, mais mieux encore un camarade de lutte de longue date et un leader générationnel continental. Guillaume Soro, aujourd’hui, incarne la deuxième institution de Côte d’Ivoire, pays dont je suis citoyen d’adoption depuis 1999 par le mariage mais aussi pays dans lequel, au cœur de l’exil, j’ai contracté la passion de la lutte contre toutes les exclusions et développé ma compréhension technique de la politique africaine en particulier, et de la chose politique en général.

Il n’est pas question, tant que j’en serai capable, que je laisse dire sur Guillaume Soro des vertes et des pas mûres, sans broncher. Je ne suis pas de ces amis qu’on entend seulement les jours de fête. J’assume la part de sacrifice que suppose le compagnonnage d’un leader démocratique de cette ampleur. Et cela tombe bien : j’ai le courage permanent de mes idées que je défends avec cohérence depuis près de vingt ans, du temps que Guillaume Soro amorçait seulement ce grand combat pour l’émergence démocratique ivoirienne sous nos yeux. Retracez mes écrits ! Je n’ai jamais louvoyé.

Ne pensez-vous pas que vos sorties desservent Guillaume Soro plus qu’elles ne redorent son image ?

Vous formulez là une hypothèse invérifiée. J’aurais voulu que vous me donniez quelques preuves d’effets néfastes de ma participation à la défense des idées justes et vraies qui ont motivé, qui inspirent et accompagnent la lutte politique quotidienne du président Guillaume Soro. Ce que je constate pour ma part, c’est que la présence de Guillaume Soro dans les réseaux sociaux, dans la presse, dans le monde des livres et dans les débats d’idées, tout comme la défense de la démocratie ivoirienne inspirée par le Président Alassane Ouattara dans l’opinion internationale, participent de notre commune passion pour l’ouverture et la transparence typiques du jeu démocratique moderne.

Ce que je constate aussi donc, c’est l’émergence progressive d’une nouvelle famille de penseurs politiques, d’intellectuels engagés qui comme moi, voient la portée politique à long terme de la lutte menée contre l’exclusion par Guillaume Soro, mais aussi par le Président Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire. Le vent de l’anticolonialisme dogmatique des crieurs de la fausse Sorbonne d’Abidjan a désormais faibli. Ce qu’on entend désormais, c’est la déconstruction du mythe ivoiritaire, véritable haine de l’Africain contre l’Africain, dont l’édifice craque désormais de toutes parts. Je ne suis pas peu fier d’y contribuer à mon modeste niveau. La bataille des idées est un moment politique aussi essentiel que les batailles électorales et les batailles militaires…

Avant le vote des nouvelles lois sur le foncier et la nationalité, vous êtes monté au créneau, pour fustiger le réveil de l’ivoirité. Pensez-vous que les vieux démons qui ont plongé la Côte d’Ivoire dans la crise peuvent encore se réveiller ?

Par essence, les démons sont faits pour durer aussi longtemps que les anges et l’homme, qui est tiraillé par ces deux entités représentant les vices et les vertus. L’ivoirité, c’est la tentation permanente de la Côte d’Ivoire, comme l’exclusion de l’Etranger est la tentation permanente de toutes les sociétés en crise longue. Vous comprenez l’importance du programme de redressement et d’émergence socioéconomique et démocratique entrepris par le président Alassane Ouattara. Avez-vous remarqué que la montée en gamme des discours d’exclusion s’est effectuée pendant les années 80-90 qui virent progressivement s’affaiblir la prospérité due au boom économique de la Côte d’Ivoire des années 60 -70 ? Avez-vous vu que la haine de l’autre prospère là où le pluralisme politique est étouffé par les partis uniques ou des régimes criminels ?

L’ivoirité, c’est la voie de facilité des entrepreneurs politiques paresseux qui, incapables d’innover et de travailler à anticiper sur les aléas des temps actuels, procèdent à la bouc-émissarisation des plus vulnérables pour couvrir leur propre impuissance. Il n’y a pas qu’en Côte d’Ivoire que les vieux démons de la xénophobie peuvent reprendre du poil de la bête. Partout où l’on renonce à créer des emplois, à mettre sur pieds des infrastructures sanitaires, éducatives, économiques, culturelles de qualité, on cède le terrain aux entrepreneurs politiques perfides qui s’engouffrent dans ces failles pour proposer la haine de l’autre comme exutoire compensatoire aux foules désœuvrées et affamées.

Depuis la fin de la crise postélectorale, le processus de réconciliation patine sérieusement. A qui la faute, selon vous ? A Banny, aux pro-Gbagbo ou aux pro-Ouattara ?

La réconciliation ne doit pas seulement se faire entre des personnes, des partis politiques, mais aussi et surtout sur la base des principes. Or l’un des principes de la réconciliation en démocratie, c’est la pleine reconnaissance par tous du pouvoir légitime, issu de la majorité élue par le peuple. Pour savoir qui grippe le processus de réconciliation en Côte d’Ivoire, il y a trois questions décisives à affronter :

1) Qui persiste à nier que le pouvoir actuel est légitime et par conséquent à refuser de participer à la marche normale de la République ?

2) Qui continue d’être tenté par la rhétorique de l’exclusion ivoiritaire au point de faire sans cesse des clins d’œil aux renégats armés tout comme aux extrémistes chauvins planqués dans toutes les familles politiques ivoiriennes ?

3) Qui persiste à refuser de demander pardon aux Ivoiriens, malgré ses fautes avérées et sa responsabilité, dans la descente aux enfers commencée par la Côte d’Ivoire au lendemain du charnier de 2000 et des élections calamiteuses qu’il a sanctionnées ? Le Camp ivoiritaire, du Fpi au Pdci-National de KKB (Kouadio Konan Bertin, ndlr), est responsable du blocage actuel de la réconciliation. La faute du piétinement de la réconciliation en Côte d’Ivoire, incombe à mon sens à deux attitudes également condamnables dans ce bloc en formation en vue de la confrontation électorale de 2015 :

a) L’attitude de Gbagbo et des siens du Fpi, qui poursuivent avec acharnement la politique de la terre brûlée et de la chaise vide ;

b) mais aussi celle des groupuscules ivoiritaires qui paralysent en partie aujourd’hui le bon fonctionnement de l’alliance du Rhdp au pouvoir, en tentant de récupérer le vieux ressentiment éburnéen que décrit si bien Jean-Pierre Dozon dans son livre Les clés de la crise ivoirienne. Cela étant, comme le rappelle utilement et souvent le président de l’Assemblée nationale, la réconciliation ne se fait nulle part au monde en un jour. C’est un processus lent, profond et long, qui requiert pertinence, perspicacité et endurance chez toutes les personnes de bonne volonté qui s’impliquent sincèrement dans le processus. Je crois qu’actuellement en Côte d’Ivoire, ce processus souffre d’une crise multisectorielle de sincérité. Et je pense qu’il faudra enjamber les partis et aller vers les populations elles-mêmes pour densifier la réconciliation.

Le président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro a décidé de jouer une plus grande partition dans ce processus, en allant à la rencontre des populations, dans les fiefs de l’ancien dirigeant, Laurent Gbagbo. Pensez-vous que cette initiative peut déboucher sur quelque chose de positif ?

J’étais dans le Gôh avec le président Guillaume Soro et j’ai vu sa visite se couronner d’un indéniable succès. A Gagnoa, Gnangbodougnoa, Gnaliépa, Kprogobouo, Bougrou, Ouragahio, Guibéroua, Mama, et consorts, une Côte d’Ivoire extraordinairement diversifiée est venue à la rencontre du chef du Parlement ivoirien sur les chemins et dans les rues des villes et villages, dans les places publiques et sous les tentes, dans sa résidence et dans les locaux administratifs. Alors que nous pensions devoir nous attendre à des hordes criant à la libération du prisonnier de La Haye, qu’avons-nous majoritairement entendu ?

Que les populations du Gôh vivent dans une misère insupportable : manque d’écoles, d’adductions d’eaux, d’ambulances, de dispensaires et hôpitaux, de routes viables, d’aérodrome, de lycées, d’universités, d’emplois, etc. Manque de perspective d’avenir pour les enfants ! Voilà ce que les chefs coutumiers, les cadres, les élus et les populations ont répété à l’encan. Nous avons donc mesuré toute l’ampleur désastreuse du mensonge répandu par les cadres du Fpi qui, depuis Abidjan, demandent aux populations du Gôh de résister à l’autorité républicaine du Président Ouattara, de ne pas recevoir Guillaume Soro, alors même que tout ce beau monde du Fpi négocie de nuit des facilités personnelles auprès du pouvoir à Abidjan, afin de faire les fiers le jour. Guillaume Soro a symboliquement, politiquement et matériellement délivré les populations que l’idéologie alambiquée du Fpi retenait en captivité. Désormais, le Gôh est dans la République est les vérités énoncées par Guillaume Soro se sont accompagnées de réalisations concrètes qui sont actuellement mises en œuvre, pour que plus jamais l’idéologie chauvine de la Refondation n’occulte l’urgence du développement et la transcendance de la nation. Ce qui s’est fait avec succès dans la Gôh devrait s’étendre aux dernières poches de réticence envers l’union des cœurs que prône le chef du Parlement ivoirien.

Les Ivoiriens, deux ans après l’arrivée du président Ouattara au pouvoir, continuent de se plaindre. Pensez-vous qu’ils sont impatients ou ce sont les solutions du président Ouattara qui ne sont pas efficaces ?

Le président Ouattara a commencé, en bon architecte, à refonder les bases macrostructurelles de l’économie, de la République et de la stabilité sociale ivoiriennes. Voyez ce qui a été fait pour le Ppte, pour les routes, dans le cadre du Ppu, pour les armées et police, pour les universités ! C’est absolument remarquable ! Mais qui niera que c’est insuffisant ? Personne de sensé, quand on sait que la Côte d’Ivoire, pendant les dix années de la Refondation, aura été pilotée comme un navire sans gouvernail par Laurent Gbagbo. Alassane Ouattara a hérité d’un Etat ruiné par l’indélicatesse de soi-disant patriotes. Il va devoir s’attaquer plus résolument désormais aux failles microstructurelles. Les jeunes, les Pme-Pmi, le micro-crédit, la lutte contre les réseaux de corruption persistants, tout cela demande sans doute à entrer plus fermement en jeu. Je suis enclin à penser qu’un grand tournant social de l’économie politique s’impose désormais.

En alliant sa science du libéralisme économique à son humanisme politique légendaire, le président Alassane Ouattara peut encore nous émerveiller. Avec une croissance qui a bondi de -5% en 2011 à près de 10% aujourd’hui, je crois que le président Ouattara va pouvoir substantiellement améliorer le panier de la ménagère. C’est par ailleurs l’un des enjeux essentiels de l’élection présidentielle de 2015, car l’électorat des démocraties se sait libre de choisir qui il veut quand arrive le moment t. L’amélioration notoire de la vie des Ivoiriennes et des Ivoiriens saluera en outre d’une véritable batterie d’allégresse le travail législatif remarquable mené de main de maître par Guillaume Soro, au Parlement depuis mars 2012.

Depuis quelques semaines, le microcosme politique est animé par le prochain congrès du Pdci. Que pensez-vous de la batille qui a cours dans ce parti ?

La bataille qui a lieu dans ce parti oppose globalement le Pdci-Rda (Bédié), caractérisé par une vision cosmopolitique et apaisée de la nation, au Pdci-National (KKB), caractérisé par une conception étriquée, exclusiviste, close et bornée de la nation. Le sort de cette bataille déterminera la nature des deux grandes alliances politiques qui s’affronteront à l’élection présidentielle 2015. Soit une confrontation nouvelle entre le Pdci-Rda+ le Rdr contre le Pdci-National+ le Fpi, soit une confrontation plus traditionnelle entre le Rhdp et le Fpi.

La première hypothèse est une véritable boîte de Pandore en puissance, à moins que l’alliance du Rhdp ne survive à la victoire du Pdci-National sur le Pdci-Rda. Par-delà la popote interne de ce parti qui est avant tout son affaire, l’enjeu pour l’Afrique est de savoir si le grand mouvement panafricain du Rda (Rassemblement démocratique africain) né sous Houphouet-Boigny à Bamako en 1946, va finalement s’effondrer en Côte d’Ivoire. L’Upc (Union des populations du Cameroun), mon parti dans mon pays natal, appartint autrefois au Rda et je caresse chaque jour le rêve de redonner force et vigueur à un tel axe panafricain, pour créer une véritable internationale républicaine et progressiste, entre l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Ouest.

Ne pensez-vous que la même agitation guette le parti au pouvoir, le Rdr ?

Je ne pense pas que le leadership au Rdr fasse bientôt l’objet de convoitises entre adversaires d’idéologies opposées. Il s’agira, sans doute, dans ce parti, d’une émulation interne dont les effets collatéraux devraient être moindres que ce que l’on observe au Pdci-Rda actuellement. L’exercice du pouvoir, comme principale formation de la majorité en outre, imposera sans doute au Rdr un devoir de responsabilité et d’exemplarité auquel il ne peut pas se soustraire. Je suis cependant de ceux qui, espérant ardemment la réélection du président Alassane Ouattara à la Présidence de la République en 2015, attendent son signal et ses instructions pour entrer avec conviction et créativité, derrière le président Guillaume Soro, pour la réalisation de ce doublé historique d’ADO (Alassane Dramane Ouattara ndlr). La mise prochaine en ordre de bataille du Rdr ne me paraît pas souffrir de l’ombre d’un doute. Il s’agit d’une nécessité apodictique.

En tant qu’intellectuel africain, quel commentaire faites-vous de la décision du Kenya de se retirer de la Cpi ?

Le Kenya a ainsi posé un acte qui relève de sa souveraineté. Je ne la contesterai point. Ce qui me paraît cependant fort problématique, c’est la propension qu’ont certains dirigeants et intellectuels africains à ne s’intéresser au droit international que quand il est à leur avantage personnel sur le plan national. Quand le refus de se soumettre au droit international est le masque de la revendication du droit de massacrer ses propres compatriotes en paix, il y a quelque chose de très grave là, qui blesse ma conscience et m’indigne profondément. Quel parallèle avec la Côte d’Ivoire ? C’est sans doute votre question implicite. Je n’en vois pas vraiment, puisque le régime Gbagbo, avant le régime Ouattara, avait commencé par reconnaître déjà la compétence de la Cpi, que je sache. Le régime actuel n’a donc fait que renforcer la fidélité juridique de l’Etat de Côte d’Ivoire envers sa parole donnée dans les traités et pactes internationaux.

Revenons un peu sur la fameuse accusation de « la justice des vainqueurs ». Qu’en pensez-vous, au regard notamment des premières libérations provisoires que l’opposition peut estimer conquises de haute lutte ?

L’expression «justice des vainqueurs» est ce que nous appelons en stylistique un oxymoron. Voilà pourquoi je dis souvent qu’il s’agit de trois mots pour ne rien dire. Ce slogan paresseux, comme la fameuse notion de « vengeance justicière» forgée maladroitement par le professeur Mamadou Koulibaly pour faire inutilement de l’effet, réunit deux concepts incompatibles et antinomiques l’un de l’autre. S’il y a justice, il n’y a pas de victoire d’un camp. Et s’il y a victoire d’un camp, ce n’est plus la justice qui est de mise. S’il y a vengeance, il n’y a pas justice. Et s’il n’y pas vengeance, c’est bien qu’il y a justice. Que s’est-il donc passé en Côte d’Ivoire ? Il faut le rappeler et le marteler au besoin : c’est la démocratie qui a gagné contre la barbarie. C’est la justice qui l’a finalement emporté contre la vengeance, puisque les armes ont enfin été mises au service du droit dans ce pays. Laurent Gbagbo a voulu braquer le peuple de Côte d’Ivoire, pour le punir d’avoir élu son rival, Alassane Ouattara.

Pourtant, l’élection était certifiée par l’Onu, menée par une Commission électorale indépendante et suivie par une armada d’organismes internationaux de haute probité. L’injustice a donc commencé lorsque l’auteur de la crise postélectorale a choisi la voix des armes contre le peuple souverain, condamnant ses adversaires à riposter en légitime défense aux côtés du peuple meurtri par la tentative de putsch électoral de celui qui, il faut le rappeler aussi, ne fut pas élu démocratiquement en octobre 2000 à la tête de la Côte d’Ivoire. L’injustice du Fpi vient de très loin. Lui qui jamais ne voulut reprendre l’élection d’octobre 2000 qu’il reconnaissait pourtant comme profondément calamiteuse, a tenté en 2010-2011, de sortir la fiction du recomptage pour s’accrocher désespérément au pouvoir, y compris quand un panel des chefs d’Etat de l’Union africaine, dont le chef de l’Etat sud-Africain, son allié, lui a fait clairement savoir qu’il avait perdu l’élection et qu’il vaudrait mieux qu’il se retire.

Où était « la justice des vainqueurs » quand Gbagbo précipitait la Côte d’Ivoire dans la guerre civile de décembre 2010 à avril 2011 ? Lui, le principal responsable de la situation, a été préservé avec toute sa famille d’une élimination physique qu’il aurait volontiers infligée à ses adversaires réfugiés à l’hôtel du Golf. N’est-ce pas le summum de l’ingratitude que les partisans de Gbagbo, qui savent comment il a fait assassiner le général Guéi et son épouse en 2002, tout comme par la suite le regretté docteur Dacoury-Tabley, et bien d’autres, sans oublier les près de 3000 morts de la crise postélectorale de 2010-2011, osent le présenter comme une pauvre victime alors qu’il s’agit d’un redoutable bourreau de la démocratie ivoirienne ?

Et votre ami Guillaume Soro alors, croyez-vous qu’il soit définitivement à l’abri de la Cpi ? N’est-il pas responsable, notamment avec ses commandants de zone, d’une bonne partie de la crise postélectorale, comme le font remarquer certains rapports d’Ong des droits humains ?

Franchement, il faut que les agents de la haine et du mensonge sur la crise ivoirienne revoient leurs prétentions à zéro. Le président Guillaume Soro a été pendant cinq ans, Premier ministre. Il est l’homme-pont de la Côte d’Ivoire contemporaine, puisque c’est au prix de son engagement que l’idéologie criminelle de l’ivoirité, qui excluait des millions d’Ivoiriens de leur patrie, a dû réviser sa copie. Le combat de 2002 mené par Guillaume Soro était une résistance en légitime défense contre un régime barbare et génocidaire, qui organisait fébrilement la rwandisation de la Côte d’Ivoire. A partir des Accords de Marcoussis en 2003 et jusqu’à l’Accord de Paix de Ouagadougou en 2007, Guillaume Soro a su montrer, y compris en risquant sa propre vie de nouveau, que la lutte armée, pour un combattant de la liberté, ne saurait être une fin en soi. Il faut savoir faire la paix quand les conditions de la négociation avec l’ancien ennemi sont désormais réunies. La paix est l’arme des forts, mais elle est d’autant plus durable que chacun a pu mesurer la détermination de l’autre à ne pas être déchu de sa dignité anthropologique.

Enfin, en 2010-2011, Guillaume Soro était en posture d’arbitre et a donné le meilleur de lui-même comme Premier ministre pour que les élections départagent définitivement les différents acteurs de la crise successorale de l’après Houphouët-Boigny . Comment celui qui a contribué à la solution du problème ivoirien peut-il être considéré comme le problème ? Lorsque Gbagbo s’est mis à réprimer les populations civiles en décembre 2010, lorsque les massacres des milices libériennes de Gbagbo ont commencé à déchirer le pays, fallait-il que Guillaume Soro et ses hommes assistent impuissamment à la destruction du fruit de leurs sacrifices depuis 2002 pour l’avènement d’une Côte d’Ivoire égalitaire ? En légitime défense contre l’imposture de Laurent Gbagbo, les Forces républicaines de Côte d’Ivoire, sous l’autorité légale et légitime du président démocratiquement élu et chef suprême des armées, Alassane Ouattara, ont engagé un combat méritoire contre les dernières hordes criminelles du régime Gbagbo et les ont vaincues, avec le soutien du droit international et des forces internationales légitimes. Je ne vois pas comment on peut reprocher à Guillaume Soro, qui était du côté de la défense de la population civile ivoirienne et du droit, la moindre responsabilité directe dans les pertes en vies humaine que le dictateur Gbagbo a délibérément provoquées.

Il n’y a pas de renvoi possible à un dos-à-dos entre les milices illégales de Gbagbo et les Forces républicaines de Côte d’Ivoire. Gbagbo était dans la forfaiture; il en a payé la facture. Franchement, je le dis sans animosité : Gbagbo est vraiment à sa place à La Haye et Guillaume Soro, aujourd’hui, vice-président de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie, médiateur de la crise égyptienne, est vraiment à sa place comme chef charismatique du Parlement ivoirien. Cet homme politique est une chance pour la Côte d’Ivoire. A la suite du président de la République, S.E. Alassane Ouattara, Guillaume Soro incarne merveilleusement la continuité de l’espérance ivoirienne.

Alors, professeur, le vote récent des lois sur l’apatridie, la nationalité, le foncier en Côte d’Ivoire par l’Assemblée nationale, ne vise-t-il pas, de la part d’Alassane Ouattara et de Guillaume Soro, à se constituer un bétail électoral pour 2015 ?

Rien de tel. Il importe de se souvenir que le Président Alassane Ouattara, dans son acte de candidature et son programme lors de la campagne présidentielle 2010, avait clairement et régulièrement annoncé qu’il poursuivrait le toilettage des lois ivoiriennes dans une perspective plus égalitaire dans les trois domaines cités. En 2010, Alassane Ouattara ne pensait tout de même pas à l’élection de 2015 et ce ne sont pas les apatrides et les naturalisés de 2013 qui ont voté pour lui en 2010 ! L’égalité de genre, l’entrée dans la nation des nombreux Ivoiriens qui s’ignorent, issus des vagues de citoyens nés en Côte d’Ivoire entre la période pré-Indépendance et 1973 sont qui plus est, de vieux points d’entente actés, lors des discussions de Marcoussis, comme en témoigne la succession de décisions présidentielles, de décrets et de lois qui datent de l’après-Marcoussis.

De même, Alassane Ouattara avait annoncé en 2010 qu’il améliorerait la loi sur le foncier de 1998, afin de respecter davantage les droits des héritiers de personnes ayant contracté des droits avérés ou coutumiers sur les terres rurales avant 1998. Là encore, ceux qui prétendent que les lois actuelles les ont brusqués, mentent effrontément et cachent mal leurs projets de reconstruction du bloc ivoiritaire sur les décombres du ressentiment stérile. Enfin, les dispositions parlementaires prises sur l’apatridie, cette terrible condition de personnes qu’aucun Etat ne reconnaît, font l’objet de conventions de New York signées par l’Etat de Côte d’Ivoire, datant de 1954 et 1961. Il ne s’agissait que de les ratifier, pour que l’Etat de Côte d’Ivoire accomplisse enfin une promesse faite depuis des décennies. Qui plus est, il faut rappeler ici que la Côte d’Ivoire, en matière d’apatridie, a pris du retard sur de nombreux Etats ouest-africains qui ont ratifié lesdites conventions longtemps avant elle. C’est le cas du Nigéria, du Sénégal, du Burkina-Faso, du Niger, du Libéria, par exemple. Par ailleurs, comment oublier que le droit du sang a cessé d’être la dominante majeure du Code de nationalité des Etats Africains ?

Lisez la formidable recherche menée par Bronwen Manby sur la question. On découvre que par rapport à de nombreux pays ouest-africains comme le Sénégal, la Guinée, le Niger, le Ghana, le Togo, le Mali, le Burkina Faso, et bien d’autres encore, soit plus de la moitié des Etats africains, le droit du sol permet majoritairement l’octroi de la nationalité à l’enfant né de parents étrangers quand il atteint la majorité. La Côte d’Ivoire, nation de grande exemplarité, ne pouvait rester à la traîne de la cause du pauvre, de l’orphelin, de l’étranger et de la veuve. Remercions-en la majorité au pouvoir. L’élection n’est pas une fin en soi. Ce qu’il faut voir, c’est le degré d’humanité qu’elle augure pour une nation.

Réalisée par Marc Dossa


09/09/2013
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