C’est l’histoire d’un homme qu’on dit en déphasage avec les milieux politiques. Différent des autres fils de présidents qui souvent, n’hésitent pas à se lancer très tôt dans l’arène politique. Franck Biya fait l’objet d’intrigues. Cependant, ses cartes, il les abat ailleurs.
Dans notre édition 121, nous avons consacré deux pages aux inquiétudes de Chantal Biya, l'épouse du chef de l'Etat. En décidant pour le numéro cette semaine, de nous étendre sur le cas Frank Emmanuel Olivier Biya, d'aucuns pourraient croire que nous nous inscrivons dans la logique d'une cabale contre la famille présidentielle. Loin s'en faut, car, il s'agit-là d'un noyau familial vis-à-vis duquel nous nourrissons beaucoup de respect.
Cependant, cela devrait-il empêcher de faire notre travail d'analyse des faits avec toute la distance et tout le professionnalisme requis aux journalistes que nous sommes? Nous ne le pensons pas et à ce niveau, seuls les faits nous intéressent. En effet, le premier fils du président, Frank Emmanuel Biya, jouit dans l'imagerie populaire d’une présomption d'homme tranquille éloigné des milieux politiques et de leur carcan « griotique ». Et pour abonder dans ce sens, contrairement aux rejetons des autres présidents africains qui, pour certains, sans avoir des talents particuliers, ont été mis en orbite dans l'optique de la préparation d'une succession, Frank Biya semble évoluer dans l'ombre, faisant l'effort de raser les murs. Et pourtant, son nom condense à lui seul théories, espoirs, répulsions et fantasmes. Et dans l’opinion publique, il est perçu comme quelqu’un de bien distant. Il n’a jamais brigué un mandat électif comme son cousin Bonaventure Assam, député extraordinairement populaire dans la région du Sud et dont les frasques dans la capitale ne sont que trop commentées dans les cercles mondains Ou encore ses autres cousins directeurs généraux d’entreprises d’Etat et ministres.
Même dans les rares meetings politiques auxquels Franck Biya a assisté aux cotés de son père, il s'est fait si discret qu'on a toujours eu comme l'impression qu'il n'était point présent. Sur un plan tout à fait empirique, il est en porte-à-faux avec le style m'as-tu vu qu'affectionnent tant la quasitotalité de ceux qui font partie de la cour de son père. Or, tout ceci n'est en réalité qu'un leurre car, si ce fils de président ne bat apparemment pas pavillon politique, il est cependant très actif dans le milieu des affaires, et sa réputation ici ne fait pas que des heureux. Lui qui récemment a fait les choux gras de la presse, l'impression qui se dégage est qu'il n'a pas fini de captiver l'attention de l'actualité. Depuis des années, on perçoit les signes avant-coureurs d’un tumultueux après Biya. D'ailleurs, le fait que les langues ait commencé à se délier du vivant du président de la République sur l'affairisme outrancier de son fils, démontre que lui aussi est une cible potentielle de la reddition des comptes que sans doute le peuple engagera quand son père ne sera plus aux affaires. Cette semaine donc, Emergence fait pénétrer son lectorat dans l'univers des non-dits du fils Biya.
Dans l’antre de l’enrichissement illicite
C’est le plus récent scandale dans lequel il se serait empêtré. En effet, c’est l’Alliance pour la Défense du Bien Public qui, dans une correspondance, a tenu à interpeller les députés contre le premier fils du président, pour pillage du trésor public. Dans cette correspondance adressée aux députés en pleine session parlementaire, cette organisation qui se veut citoyenne s’insurge contre « le fils du président Paul Biya qui a, en 2006 spolié l’Etat Camerounais, c’est-à-dire les Camerounais eux-mêmes, de sommes considérables, qui pourraient dépasser 100 milliards de francs CFA ».
Elle accuse notamment Franck Biya d’avoir joué sur ses appuis dans l’appareil de l’Etat pour « acheter les Obligations du Trésor à Coupon Zéro (OTZ) en dessous de leur valeur de marché puis à se les faire immédiatement racheter à leur valeur à maturité par le trésor public » De fait, « En 1997, face à la crise de trésorerie de l’Etat Camerounais, le ministre de l’économie et des finances de l’époque, Mr Edouard Akame Mfoumou a obtenu de la Banque mondiale et du FMI la permission de « titriser » la dette intérieure du pays, c’est-à-dire de transformer les dettes de l’Etat en titres financiers proposés à des investisseurs privés. L’Etat a donc émis des bons de trésor baptisés Obligations du Trésor à Coupon Zéro (OTZ). Des coupons qui ont été émis notamment pour titriser la dette de l’Etat vis-à-vis des sociétés publiques telles que la CAMTEL et la CNPS pour plus de 110 milliards et 270 milliards respectivement ». Franck Biya n’aurait pas voulu louper l’occasion de se faire du sucre.
A titre d’exemple, Pour une opération comme celle qui concerne 9400 OTZ de la Camtel dont la valeur faciale totale était de 9,4 milliards de francs CFA, la Camtel avait donné ces 9.400 OTZ en garantie à la Société Financière Africaine (SFA), obtenant en retour de cette dernière un prêt de 4,5 milliards sur une durée de 5 ans. Par une alchimie défiant les lois de la finance et la fiscalité, en 2006, la Camtel a décidé de céder ces 9.400 OTZ pour seulement 3,5 milliards, soit le tiers de la valeur faciale à la Société AFRIONE spécialement créée pour cette occasion par Frank Biya. L’alliance pour la Défense du bien public dénonce dans cette opération maffieuse les complicités de la caisse autonome d’amortissement, organisme public de gestion de la dette de l’Etat, au-dessus duquel trône le neveu de Paul Biya Dieudonné Evou Mekou ; Afriland First Bank qui a pré financé à coût de milliards le rachat des 9.400 OTZ bradées. Cette première opération dont la valeur à maturité a coûté 17,4 milliards a débouché sur une ponction sur le trésor public de 14 milliards, aggravant la situation de Camtel en proie à d’énormes difficultés. Il en est de même pour une deuxième opération maffieuse qui a coûté 37 milliards et une troisième sur les 30.000 OTZ de la Cnps d’une valeur de 58 milliards CFA, entre autres.
L'inextricable piège de la Cbc
Un document rendu public en juin dernier par les avocats de l'ancien président du Conseil d'administration de la Commercial Bank of Cameroun (Cbc), Yves Michel Fotso, liste 23 sociétés et individus créanciers de la-dite banque. D'après le document, l'entreprise dénommée « Ingénierie forestière », qui appartiendrait à Franck Biya, fils aîné du chef de l'Etat, aurait été bénéficiaire des crédits de la Cbc. Selon ce document, une bonne partie des dettes qui sont attribuées à Yves Michel Fotso sont entre autres des dus à la Cbc par Hazim Chehade Hazim, 12 milliards ; la Commercial bank Guinea Equatorial, 6,4 milliards ; l'archidiocèse de Yaoundé, 3,1 milliards ; l'Ingénierie Forestière, 2,3 milliards.
Des sources proches du milliardaire embastillé affirmaient que Franck Biya, Hazim Chehade Hazim, Mgr Tonye Bakot et Tawamba étaient « directement et/ou indirectement bénéficiaires des crédits indûment attribués à Yves Michel Fotso par l'administrateur provisoire de la Cbc ». Comme pour insinuer la particularité de la créance de 2,3 milliards de Fcfa portée par la société Ingénierie forestière et, surtout, la particularité de la personnequi se cache derrière cette entreprise, la mise au point des avocats de l’actionnaire majoritaire de la Cbc révélait que la prise en compte de cette créance, dans les rapports de la Cobac et de l’administrateur provisoire, avait fait l’objet de « tripatouillages ».
Un goût maladif pour les affaires forestières même illégales
Si Frank Biya est connu dans la sphère de la foresterie, c'est surtout via sa société Ingénierie Forestière (Ing-F). Lors de l´adjudication publique de 2000, Ing-F s´est vue attribuer pas moins de trois concessions et ce malgré son manque d´expertise technique dans le domaine de la foresterie. Une étude réalisée en 2000 pour le compte de la Banque mondiale attribue à Franck Biya, le fils de l´actuel président du Cameroun le capital de l´Ing-F, pourtant, selon une rumeur qui enflera durant les années 2000, il n´en serait plus le propriétaire. Ingénierie Forestière est propriétaire d´une scierie proche de l´aéroport de Yaoundé. En 2003, elle a repris la scierie de Lomié qui appartenait à la société libanaise bien connue Hazim. La scierie de Lomié ne conditionne pas uniquement du bois abattu par Ing-F, elle transforme également du bois provenant d´autres opérations forestières, y compris menées par des entreprises pratiquant des abattages illégaux.
Dans la scierie, le bois produit légalement est mélangé avec du bois produit illégalement. Greenpeace, l’organisation mondiale indépendante de défense de l’environnement, a mis sur pied en avril 2004 une mission sur le terrain, consacrée à la Vente de Coupe 08 03 78, attribuée à Ing-F. Une Vente de Coupe renvoie à une autorisation d´abattage de 2.500 hectares. Il a été démontré que l´entreprise a abattu des arbres en dehors des frontières de cette concession.
Le ´dépassement ´ a été estimé à quelques 1 800 hectares. Des irrégularités au niveau du marquage ont également été observées. Au Cameroun, des ventes de coupe ont été accordées pour une superficie totale d´environ 1.000.000 d´hectares. Si des pratiques comme celles d´Ing-F se généralisent avec notamment des dépassements importants des surfaces exploitées, elles ne manqueront pas d´hypothéquer la survie du massif forestier camerounais. Cette étude constitue véritablement la face immergée de l´iceberg. Ces dernières années, l´entreprise a été régulièrement prise sur le fait pour des abattages illégaux. La longue liste des infractions commises par Ing-F indique qu´une partie importante du bois qui aboutit sur le marché européen est peut-être produite de manière illégale. L´implication d´Ingénierie Forestière dans l´utilisation frauduleuse de l´autorisation de coupe ARB 192 (jusqu´à l´été 2002) apparaît comme une cerise sur un gâteau déjà bien chargé.
Une autorisation de coupe ARB est en théorie octroyée pour une superficie de 1.000 hectares. Ing-F a été impliquée - avec d´autres entreprises forestières - dans des abattages illégaux portant sur une superficie de quelque 130.000 hectares. Selon l´observateur indépendant Global Witness, il s´agit probablement de la fraude la plus importante jamais détectée au Cameroun. Ing-F s´est vue décerner plusieurs amendes entre autres en 2003 pour des abattages illégaux dans la concession 10- 057. Le montant de l´amende est particulièrement insignifiant si on le compare à la longue liste des infractions commises. Dans le passage sinueux de la scandalocratie Les méthodes de Frank Biya dans les affaires forestières ont souvent entraîné une levée de bouclier de la part de ses pourfendeurs, mettant à jour de nouvelles révélations.
C'est ainsi que, le 24 mars 2003, Global Witness, une entreprise anglaise chargée par l’Union européenne et la Banque mondiale de contrôler l’exploitation du bois au Cameroun, découvrit une exploitation illégale de plusieurs milliers d’hectares en marge d’une concession attribuée à Ingénierie Forestière (IngF). Elle tourna des images vidéo. Mais le chef d’exploitation de IngF fit bloquer la sortie de l’équipe de Global Witness de la concession par des gardes armés de machettes. Les gangsters au service de Franck Biya confisquèrent la caméra des inspecteurs. A cette occasion, Global Witness était capable de noter que Franck Biya utilise pour ses factures, de manière interchangeable, la société camerounaise IngF, ou la société Commercial Forestry Inc. basée légalement au Delaware (un paradis fiscal qu’on ne trouve pas dans les listings des entreprises américaines). Financièrement, il était supposé basé à Monaco, dans la Société générale.
Association de malfaiteurs ?
Dans une interview à l’agence Panapress, la présidente de Survie, Odile Tobner, évoque les activités qualifiées de néfastes pour l’environnement de celui qu’elle appelle le «fils du dictateur camerounais . Elle va ainsi, en juin de cette année, accuser Franck Biya de détruire des milliers d’hectares de forêts camerounaises, dans le cadre de ses activités de chef d’entreprise. «En tant qu’exploitant forestier, Franck Biya continue aujourd’hui encore de détruire les forêts du Cameroun, profitant de la position de son père. Cela nous paraît inadmissible », soulignera-t-elle. Plus tard, d'autres révélations feront état du fait que Franck Biya voulait s’attaquer aux forêts de la Centrafrique en s’associant au fils du président de ce pays, François Bozizé. Ainsi, on apprendra que les rejetons des présidents camerounais et centrafricains se sont vus attribuer des permis forestiers alors qu'ils sont impliqués dans le scandale de l'exploitation illégale des ressources forestières.
La SAIIFC appartient à M. Franck Biya, (fils du président). Les parts sociales de Lcbt sont partagées entre Franck Biya et Francis Bozizé (fils de François). Le 25 octobre 2007, l'Ong Pour la paix et la bonne gouvernance, domiciliée à Bangui (Rca) et à Yaoundé (Cameroun), envoie une note urgente à Louis Michel, chargé du développement et de l'humanitaire auprès de la Commission européenne. On y expose les conditions douteuses de l'attribution des permis forestiers situés à Bayanga et Salo dans la préfecture de la Sangha Mbaéré (Rca).
En effet, alors que la commission d'attribution procède normalement à l'étude des dossiers, le 12 octobre, " à la surprise générale de la majorité des membres de la Commission, un haut responsable du ministère en charge des forêts les informe que, par décision politique de la présidence de la République, ils doivent entériner le choix de la société La centrafricaine des bois tropicaux (Lcbt) pour Bayanga et le choix de Société d'exploitation forestière d'Afrique centrale (Sefac) pour Salo. "
Le dossier de la Lcbt n'avait pas été jugé recevable par la commission faute d'avoir fourni les documents nécessaires. Cependant la commission s'incline devant l'oukase. Pourquoi ? L'Ong donne les explications suivantes : " A l’ origine, Ingénierie forestière du Cameroun, qui appartient à un holding Financier, la Société africaine d'investissement, a créé dans un premier temps Ingénierie forestière de Centrafrique avant de se raviser et de changer de dénomination pour prendre le nom de La centrafricaine des bois tropicaux. La Société africaine d'investissement et Ingénierie forestière du Cameroun appartiennent à M. Franck Biya, (fils du président). Les parts sociales de Lcbt sont partagées entre Franck Biya et Francis Bozizé (fils de François). La société Ingénierie forestière du Cameroun traîne un passé sulfureux. À la demande de la Banque mondiale et de l'Union européenne, un observateur indépendant " Global Witness " a relevé les multiples infractions forestières commises au Cameroun par la société Ingénierie forestière qui a préféré changer de dénomination en Rca " Sur les agissements de cette société au Cameroun on ajoute :
"La Banque mondiale a fait des enquêtes où il apparaît que les sommes dues par Ingénierie forestière à l'État (taxes, impôts, etc.) s'élèvent à plusieurs milliards de francs Cfa. Ingénierie forestière est en quasi faillite. […] Le scandale des exploitations illégales et la mauvaise gestion des ressources forestières par Ingénierie forestière ont été dénoncés par toutes les organisations (Greenpeace, Fonds mondial pour la nature de la Banque mondiale, Wwf, Global Witness, etc.) qui opèrent au Cameroun. [… S'y ajoutent] le refus de signer un quelconque plan d'aménagement forestier avec l'Autorité en charge de l'Environnement et […] la création d'une société commerciale Forestry Inc. basée au Delaware (États-Unis) pour mieux frauder le fisc camerounais ". Le 16 décembre, Alain Girma, ambassadeur de France, représentant de la présidence de l'Union européenne en République centrafricaine et Jean- Claude Esmieu, chef de la délégation de la Commission européenne en République centrafricaine ont adressé une lettre à son président, François Bozizé.
Après les compliments d'usage, notamment l'assertion passablement présomptueuse que le secteur forestier " a été jusqu'ici administré de façon exemplaire ", les excellences assènent : " Cependant, les partenaires au développement de la République centrafricaine ont récemment appris que les permis n° 188 et 189 avaient été attribués par décrets présidentiels n° 07311 et n° 07312 du 2 novembre dernier respectivement à la Lcbt et la Sefac. Or, il apparaît clairement, selon des informations concordantes et fiables, que les entreprises attributaires ne répondent pas aux standards internationaux de bonne gouvernance en matière d'exploitation et de commercialisation du bois, notamment au regard des critères de la Banque mondiale. " Cette conversion à la vertu, venant des " partenaires au développement ", est probablement due au fait que, derrière les attributaires proches des pouvoirs, l'exploitation sera pratiquée par des Asiatiques. Le style de gestion de Franck Biya, dans l'exploitation de la forêt camerounaise, qui a conduit sa société à la déconfiture, alors qu'il doit des sommes considérables à l'État camerounais, n'avait jusqu'à cet instant choqué personne.
Affaires de marchés fictifs
Le nom du premier fils du président camerounais a également été cité dans les affaires de marchés fictifs. C'est ainsi qu'en 2009, l’émission « La grande interview » présentée par Daily Smith, le dissident du Rdpc Mila Assouté a accusé le fils du chef de l'Etat d'être impliqué dans cette pratique, au cours d'une émission télé. Selon Mila Assouté, lesdits marchés ont été confiés aux sociétés "Sgi, Gtc, Ctk et Cwc. Vous pouvez vérifier à qui elles appartiennent" ! Et de poursuivre : "Les comptes sont logés à la Cbc [Commercial Bank of Cameroon]", une institution bancaire du groupe Fotso. En effet, même s'il reconnaît que "Franck Biya est discret, respecte les Camerounais par rapport aux fils d'autres chefs d'Etat", Mila Assouté pense que tout ceci "n'est pas une absolution pour dire que ses entreprises travaillent mieux que celles des autres Camerounais".
Et ce dernier d'ajouter, pour démentir l'idée de la cabale brandie par les responsables du Rdpc pour justifier le rapport du Ccfd, que son parti détient des preuves que le fils du chef de l'Etat, Franck Emmanuel Biya, déjà présenté par le Ccfd comme le propriétaire d'une luxueuse villa sur la Côte d'Azur, est impliqué dans des "marchés fictifs" au Cameroun. "Le Rdmc va remettre au secrétaire général du Rdpc ces bons de commandes", avait alors déclaré Mila Assouté, avant de confier devant les caméras, sur insistance de l'interviewer, une série de documents à Daily Smith. "Il s'agit de neuf bons de commandes. Nous avons des soupçons sérieux sur ces marchés", a affirmé le leader du Rdcm.
Fils crésus
On dirait bien que si rien ne prouve que Biya fils sera le futur président de la République, son père s'arrange à l'aider grâce aux facilités de tous ordres, à se bâtir un avenir en or massif, en s'évertuant à lui mettre le pied à l'étrier de la richesse. Et on dirait bien que cela est payant. De sa principale activité qui est l'exploitation du bois, en 2007, des indiscrétions faisaient état de ce qu'il empochait 9 milliards FCFA par mois, après déduction du peu d’impôts qu’il accepte de payer, dans les activités mafieuses d’exploitation du bois. Même l’un des généraux actifs dans le secteur du bois n'avait pas manqué d’exprimer son mécontentement devant la boulimie de Franck. Avec un tel patrimoine financier engrangé chaque mois, son poste de conseiller à la présidence sur le plan financier ne compte que pour des broutilles.
On dirait bien que comme son père, il a la boulimie de l'argent. On rapporte que d’un incivisme fiscal maladif, Franck Biya se cache derrière des entreprises européennes pour investir et donner l’apparence de rentabilisation d’une partie de la fortune de Paul Biya, chiffrées à des milliards de dollars. Il en est ainsi du Groupe Rougier, une entreprise française engagée dans la coupe sauvage et l’exploitation du bois camerounais. Il en est également des autres entreprises forestières étrangères qui bénéficient des autorisations administratives de coupe au Cameroun, et qui violent toujours une réglementation que le pouvoir n’a pas intérêt à appliquer. La solution des affaires est la meilleure stratégie de Paul Biya pour blanchir le plus proprement possible les fonds de l’État camerounais qu’il pille depuis plus de vingt ans. Suivant l’exemple de feu Mobutu, qui avait confié une partie de sa fortune à son beau fils Jean Pierre Bemba, Paul Biya aurait confié une partie de sa fortune à Franck Biya. Ce dernier, à travers multiples sociétés écran, devrait pouvoir montrer le moment venu qu’il a gagné ses richesses dans les affaires, et non pas comme un héritage de son père. Naturalisé monégasque, Franck Biya, serait, depuis 2009, le propriétaire à Roque brune Cap martin, (où Mobutu possédait également une propriété) de la "Villa isis", avenue Douine. Interrogé par L'Express, l'entourage de ce dernier avait répondu qu'il n'y a là "rien d'anormal pour un homme qui dirige une importante société forestière".
Il n'est plus un secret pour qui que ce soit qu'il a été régulièrement fait état d'acquisition, par Monsieur Paul Biya et sa famille, de châteaux de rêve en France et en Allemagne, de nombreux comptes bancaires. Face à la gravité de toutes ses accusations de corruption, d’enrichissement illicite ou de détournements massifs de deniers publics, certains parmi lesquels l’alliance pour la défense du bien public en appellent à une réaction de l’Assemblée nationale et de la Banque mondiale, notamment en ce qui concerne les Otz. Est-ce possible ?
L’ombre du père trône encore
Chez nous, on le sait, la justice est à plusieurs vitesses. C’est pour cela que tous ces scandales qui s’abattent sur Franck Biya sont classés sans suite. Ceux qui rêvent par exemple de l’ouverture d’une enquête parlementaire sur quelque délit que ce soit concernant Franck Biya peuvent toujours courir. Pour le moment, dans le triangle national, il est tout à fait hors de question qu’on ouvre une quelconque enquête, même au centième degré contre le rejeton présidentiel. Dans cet ordre d’idée, le Cameroun n’est pas une particularité en Afrique, puisque chez nos voisins équatoguinéens par exemple, les enquêtes ouvertes en France contre les biens du fils Obiang Nguema, n’ont eu d’existence que dans l’Hexagone. On pourrait reprendre cet exemple à notre compte. Quand on sait combien les institutions sont faibles au Cameroun et combien le pouvoir exécutif a la mainmise sur les autres pouvoirs, on se demande bien qui va se hasarder à chercher à lever un pan de voile sur l’ensemble des allégations qui pèsent sur Franck Biya ? L’immunité absolue du père déteint positivement sur le fils. Il n’est d’ailleurs pas le seul fils de président africain qui défraye la chronique.
Les fils d’Hosni Moubarak par exemple, Alaa et Gamal, se situaient dans ce sillage quand leur père était aux affaires. Il en fut de même pour les fils Kadhafi. En 2008, la Libye va aller jusqu’à interrompre ses livraisons de pétrole à la Suisse en représailles à la brève détention à Genève de Hannibal, le fils du Guide qui faisait l’objet d’une plainte pour mauvais traitement envers des domestiques. Franck Biya profite aussi dans les grandes largeurs des protections et sûretés qui découlent de sa qualité de fils de président. Voilà pourquoi, quel que soit la gaffe qu’il pourrait commettre, pour le moment, sur le sol camerounais, il est intouchable.
Après Biya, ces accusations pourraient remonter en surface. Vu l’ampleur que tous ces scandales prennent, nous pensons qu’on vit là les signes prémonitoires d’un atterrissage qui risque d’être douloureux. En vérité, les printemps arabes par exemple, nous ont appris que le beau temps n’est jamais éternel, et que tous ceux qui ont été déifiés quand ils avaient dans leurs mains le pouvoir, finissent par redescendre sur terre. Ainsi, ce fut le cas des intouchables fils Moubarak, qui durant l’interminable règne de leur père (30 ans), n’ont eu de cesse de cumuler les dérapages. Aujourd’hui, ils répondent de leurs actes devant la justice de leur pays pour corruption, détournements d’importantes sommes d’argent, opérations illégales en bourse… On l’a aussi vu ce mois de novembre avec Karim Wade, le fils de l’ex président sénégalais, Abdoulaye Wade. L’ancien super ministre fait actuellement face à la cour de répression de l’enrichissement illicite, spécialement mise sur pied dans le cadre de la traque des biens mal acquis engagée par le nouveau gouvernement. Jeudi dernier, Karim Wade a même été auditionné par la gendarmerie. On finit bien par se rendre compte qu’on ne peut flouer le peuple indéfiniment.
Est-il probable que Franck Biya puisse lui aussi connaître une action judiciaire de cette envergure lorsque son père aura plié bagages ? La semaine dernière, on notait que le nouveau président pourrait aller jusqu’à trahir les alliances pour acquérir l’adhésion du peuple. Ce dernier a une mémoire d’éléphant et s’il s’estime avoir été spolié, il faudra bien rendre gorge. Ces exemples d’ailleurs qu’on vient de citer sont assez illustratifs.