France - Togo: Lettre Ouverte à Monsieur Nicolas Sarkozy sur les élections présidentielles de 2010 au TOGO
France - Togo: Lettre Ouverte à Monsieur Nicolas Sarkozy sur les élections présidentielles de 2010 au TOGO
A Son Excellence Monsieur Nicolas Sarkozy, Président de la République Française. Monsieur le Président de la République. Nous avons l’honneur de soumettre à votre très haute attention la présente Lettre Ouverte sur les élections présidentielles de 2010 au TOGO, élections que les Togolais sont en droit d’exiger qu’elles soient transparentes, conformes aux règles démocratiques et aux lois républicaines qui sanctionnent tout mandat électif. Il y a peu de temps de cela, le devoir nous imposa d’envoyer, dans le cadre des futures présidentielles au TOGO, deux Appels dont le premier est un: “Appel fraternel à l’armée nationale” et le second, un “ Appel à la mobilisation du peuple”.
Les Togolais veulent se rendre massivement aux urnes, non point pour voter contre tel candidat ou tel autre, ni parti, mais pour élire et /ou voter pour la démocratie et l’Eta t de droit. Les Togolais veulent se rendre massivement aux urnes, non point pour voter contre tel candidat ou tel autre, ni parti, mais pour réaffirmer que le Togo doit être ce pays où l’enfant du soldat, de l’officier, l’enfant de l’agent permanent, de l’ouvrier, du médecin, du cadre supérieur, l’enfant du professeur, de l’instituteur, de l’homme d’affaire, de l’infirmier ...etc. doivent avoir la même chance. Oui, celui ou celle d’entre eux qui aura les meilleures capacités intellectuelles et autres qualités et l’intégrité requise devra pouvoir devenir Président de la République Togolaise, si telle est la volonté du peuple souverain et républicain.
Enfin, les Togolais veulent se rendre massivement aux urnes, pour proclamer haut et fort que tout mandat politique ne peut émaner que de la volonté du peuple souverain autant que toute forme de dictature est contraire aux intérêts de la nation togolaise. Cette volonté manifeste du peuple togolais ne souffre d’aucun doute et les Togolais ont toujours sacrifié à un tel devoir civique au cours d’élections précédentes pour n’assister au bout du compte qu’à l’outrageuse et dégradante fraude électorale habituelle suivie de violence et de destruction de toutes sortes.
Monsieur le Président de la République, nous avons en son temps, eu à saisir, ses Excellences Monsieur Jacques Chirac, Président de la République et le Premier Ministre d’alors, Monsieur Lionel Jospin, sur l’évolution du processus démocratique en Afrique et ce depuis 2002. Nous avons continué, par ce qui est du cas du TOGO, à nous manifester par écrit à plusieurs reprises auprès du Président durant son second mandat. Comme beaucoup d’Africains, nous ne doutions pas de l’attachement de ce dernier à l’Afrique et ce qui est vrai pour le Président est tout aussi vrai à notre humble avis pour le peuple français. Et pour cause, le Général de Gaulle ne disait- il pas en pleine seconde guerre mondiale à Brazzaville :“S’il est une puissance impériale que les évènements conduisent à s’inspirer de leurs leçons et à choisir noblement, libéralement, la route des temps nouveaux où elle entend diriger les soixante millions d’hommes qui se trouvent associés au sort de ses quarante-deux millions d’enfants, cette puissance, c’est la France.
En premier lieu et tout simplement parce qu’elle est la France, c’est à dire la nation dont l’immortel génie est désigné par les initiatives qui, par degrés, élèvent les hommes vers les sommets de dignité et de fraternité où, quelque jour, tous pourront s’unir.
Ensuite dans l’extrémité où une défaite provisoire l’avait refoulée, c’est dans ses terres d’outre-mer, dont toutes les populations, dans toutes les parties du monde, n’ont pas une seule minute, altéré leur fidélité, qu’elle a trouvé son recours et la base de départ pour sa libération et qu’ily a désormais, de ce fait, entre la Métropole et l’Empire, un lien définitif”. Nous sommes de ceux qui souscrivent à ce lien définitif qu’évoquait le Général, non point du fait que notre admiration pour ce grand homme d’Etat date de nos années de premier cycle du lycée mais pour sa vision, vision qui fait de la France, un point d’équilibre dans les relations internationales. Nous n’en voulons pour preuve, entre autres, que son discours de Phnom Penh (Cambodge) où le Général se fit l’écho de son opposition à la guerre du Vietnam et nous citons:“Eh bien, la France considère que les combats qui ravagent l’Indochine n’apportent par eux-mêmes et eux non plus aucune issue” Et le Général de poursuivre:“Bref, pour longue et dure que doive être l’épreuve, la France tient pour certain qu’elle n’aura pas de solution militaire. A moins que l’univers ne roule vers la catastrophe, seul un accord politique pourrait donc rétablir la paix” Et le Général de continuer, évoquant l’amitié franco-américaine:“La France le dit au nom de son expérience et de son désintéressement. Elle le dit en raison de l’oeuvre qu’elle a accomplie naguère dans cette région de l’Asie, des liens qu’elle y a conservés, de l’intérêt qu’elle continue de porter aux peuples qui y vivent dont elle sait que ceux-ci le lui rendent. Elle le dit à cause de l’amitié deux fois séculaire, que, d’autre part, elle porte à l’Amérique, de l’idée que jusqu’à présent, elle s’en était faite, comme celle-ci se le faisait d’elle-même, à savoir celle d’un pays champion de la conception suivant laquelle il faut laisser les peuples disposer à leur façon de leur propre destin”.
Il nous souvient également, dans le même odre d’idée, le discours de l’Ambassadeur de France au TOGO, Monsieur Campredon, il y a quelques décennies de cela et ce fut un 14 Juillet. L’Ambassadeur au cours de cette allocution traditionnelle de la prise de la Bastille dira et nous citons:“Il y a un pacte plusieurs fois séculaire entre la France et la liberté du monde”. Monsieur Campredon deviendra au terme de son séjour togolais, Ministre dans le Gouvernement de feu Président François Mitterrand.
Sortant donc de la profession de foi en la liberté du Général, foi que le grand homme d’Etat a démontré tout le long de sa vie et la réaffirmation de cette foi par l’Ambassadeur Campredon, nous sommes confortés dans la lutte du peuple togolais, des peuples africains pour l’éradication de la dictature. En fait, que veulent les Togolais? Que veulent les Africains et qu’attendent-ils à la France?
Les Togolais ne demandent qu’à vivre dans un Etat de droit régit par des institutions démocratiques. Les Togolais veulent que leur Président de la République soit élu au cours
d’élection transparente qui respecte le choix et la seule volonté du peuple comme c’est le cas en France. Cette aspiration légitime des Togolais est totalement partagée par tous les Africains. Les Togolais et par extension les Africains attendent que la France, l’illustration vivante de la grande civilisation gréco-romaine et des Hellènes, la France de Descartes, de Voltaire, de Montesquieu et de Mirabeau pour ne citer que quelques uns, de cet aréopage de génies et de grands hommes qui ont peuplé l’Hexagone, la France de l’après de Gaulle s’allie à leur cause dans leur lutte pour l’éradication de la dictature du sol de leur continent et ce quelque soit la forme qu’elle revêt.
Monsieur le Président de la République, qu’il vous plaise de nous permettre de nous faire l’écho, avec toute l’humilité requise, du sentiment des Africains, singulièrement les francophones, lorsqu’ils évoquent l’évolution de la dictature en Afrique. Nous avons, dans des écrits antérieurs, fait état de la désillusion, surtout du francophone d’Afrique, qui ne peut s’exprimer mieux à notre sens qu’en nous référant au fameux livre de Cheick Amidou Kane “ L’aventure ambiguë” où l’auteur écrit, parlant du sentiment qui anime le colonisé d’hier, le francophone d’aujourd’hui envers la France : “ Ma haine est une rédhibition d’amour”. Et bien hélas, de l’avis des francophones d’Afrique, la France demeure, en ce début 21ième, ce pays de l’Occident qui s’oppose et/ou se refuse de faciliter la transition de l’Afrique vers la démocratie et la mise en place d’Etat de droit. D’aucuns vous diront que la position de la France tient au fait que ce sont les dictateurs qui financent les campagnes électorales dans les démocraties européennes, ce qui n’est pas sans nous rappeler les critiques acerbes de feu Président François Mitterrand contre la Banque Mondiale. Le Président Mitterrand disait alors que, de par les mécanismes de la première institution multilatérale de développement du monde, ce sont les pays pauvres de la planète qui enrichissent les pays économiquement avancés du monde.
Il en découle donc selon les Africains, que l’Occident classifiera les dictateurs, pour autant que, ce sont les protégés, ils appartiennent au groupe de bons dictateurs et les autres, bien évidemment, les mauvais. Il s’agit là d’un axiome. L’exemple de mauvais dictateur, la junte militaire en Guinée qui devra être citée devant la Cour internationale de justice pour son massacre de pacifiques manifestants, acte sans aucun doute condamnable et nous le condamnons avec véhémence de toutes nos forces. Quant aux bons dictateurs, nous voudrions bien nous permettre de nous reposer sur quelques passages de La Fontaine dans “Les animaux malades de la peste” pour l’illustrer et nous citons: “ Sire, dit le renard, vous êtes trop bon roi ; Vos scrupules vous font voir trop de délicatesse. Eh bien! manger moutons, canaille, sotte espèce. Est-ce un péché. Non, non. Vous leur fîtes en les croquant beaucoup d’honneur ; Et quant au berger, l’on peut dire qu’il était digne de tous maux”.
Pour revenir au cas spécifique du TOGO, nous ne sommes pas sans savoir que des infractions graves aux dispositions légales républicaines qui gouvernent toutes élections démocratiques ont déjà commencé. Il est déjà fait état d’enregistrement sur des listes électorales de mineurs dans les collèges pour gonfler les chiffres. La réalité est que l’enfant qui naît ce jour dans le hameau le plus reculé du pays, pour peu qu’il soit instruit que son avenir est hypothéqué et qu’il ne lui sera jamais permis d’accéder à la magistrature suprême de son pays, fera un choix simple. Cet enfant, non seulement choisira d’élire la démocratie et l’Etat de droit mais s’engagera aussitôt de son fragile être et de toute son âme dans une juste lutte contre la dictature. Outre, cet aspect ci-dessus évoqué du mal dictatorial, toutes les mesures sont déjà prises pour bourrer les urnes en s’en emparant manu militari de par/ou en vertu du code de violation flagrante des lois nationales que du droit international par un quarteron d’officiers de déshonneur/ d’opprobre. Les membres de la Commission chargée de la surveillance de l’élection n’ont, quant à eux, d’indépendants que de noms, soit par peur ou par affiliation au parti qui s’arroge le pouvoir républicain sans aucun mandat du peuple. Les auteurs de tels actes légalement répréhensibles, se croient hélas au-dessus des lois de la république.
Des candidats de la mouvance démocratique, l’un d’entre eux qui eut à servir son pays d’adoption, la France démocratique au niveau ministériel a été disqualifié et déclaré banni dans son propre pays natal de la course et/ou compétition présidentielle. Pour y arriver, il paraîtrait que le Président de la Cour Suprême s’est vu obliger, le fusil sur la tempe de signer l’acte de disqualification et/ou de bannissement sans qu’aucune disposition juridique/légale y plaide en faveur. Un autre candidat de notoriété de l’opposition subira le même sort que le premier pour des soi-disant problèmes de dossiers médicaux. Telle est la réalité dictatoriale et voici la pratique, en attendant la violence et la destruction. Non, non. La France, l’Occident, les Togolais, les Africains ne sont pas dupes car les vraies raisons de leur disqualification et/ou bannissement sont claires et n’échappent à personne. Qu’à cela ne tienne, les deux disqualifiés ont un candidat en liste pour permettre au peuple togolais de faire le choix de la démocratie et de l’Etat de droit.
Oui, la France, l’Occident n’ont pas besoin de sondage d’opinion pour savoir que les Togolais, les Africains rejettent absolument la dictature.
Monsieur le Président de la République, la classe politique française dans son écrasante majorité ne soutient pas l’état dictatorial qui n’a que trop duré, ni au TOGO, ni nulle part ailleurs en Afrique. Qu’il nous soit permis, Excellence, de saluer votre courage politique depuis votre accession à la magistrature suprême de la France. Dans la droite ligne du gaullisme et appartenant à la nouvelle et jeune génération de Chefs d’Etat de l’Occident du 21ième siècle, vous vous êtes bien honorablement refusé à accepter que les pays africains, surtout francophones, continuent de se voir liés par cet imaginaire et/ou illusoire traité léonin à Paris. Ce faisant, votre Excellence prit soin, avec beaucoup de courage, de démanteler les réseaux Afrique et par voie de conséquence de mettre fin au tristement fameux poste de Monsieur Afrique. Vous avez également fait appel à la maturité de la classe politique africaine et aux dirigeants du continent afin que s’établisse entre la France et les pays africains, un partenariat.
Monsieur le Président de la République, une telle démarche fait que les dictateurs africains sont loin de vous porter dans leur cœur. Hélas, les Africains ont-ils saisi toute la profondeur de votre démarche ? A notre humble avis, non, vous n’avez pas été compris car pour éradiquer les réseaux Afrique, solidement implantés dans l’Hexagone depuis des décennies, il vous faudrait tout le soutien des Africains eux-mêmes. Certes, l’attitude des Africains, singulièrement les francophones, peut s’expliquer au regard des désillusions envers leur Métropole d’hier, qui comme nous l’avons indiqué dans nos écrits précédents demeure si l’on s’en tient au fait que de tous les pays situés à l’extérieur du continent, la France est le pays qui connaît le mieux l’âme de l’Afrique. Du coup, la France peut l’utiliser pour le meilleur et pour le pire et si la France reste attachée à la vision gaulliste, elle doit s’en servir pour le meilleur et ce meilleur ne peut être que la mise en place d’institutions démocratiques et d’Etat de droit sur le continent africain.
Nous sommes de ceux qui continuent de penser que la France se doit de défendre ses intérêts en Afrique eu égard à ses relations historiques avec le continent. Dans ce cadre, il nous faut nous rappeler que feu Président François Mitterrand, tout socialiste qu’il fut, était aussi un gaulliste lorsque les intérêts de la France sont en jeu. Il n’y a rien de condamnable de voir les pays défendre leurs intérêts bien compris. Francophones que nous sommes et fiers de l’être, nous lisons par ailleurs dans le “lien définitif” qu’évoquait le Général, un lien de fraternité et de coopération entre des pays au destin lié par l’histoire et de partenariat que vous venez avec courage d’inaugurer Monsieur le Président de la République. Si la France ne prend pas sans équivoque position pour la démocratie et l’Etat de droit au TOGO et en Afrique, que restera-t-il de l’idéal de liberté qui porte en son sein l’idéal et/ou aspiration démocratiques et républicains des peuples. Comment l’Occident pourra-t-il continuer de condamner la violation inacceptable des droits de l’homme de la junte birmane et dont est victime AUNG SAN SUU KYU, autant que le massacre des moines de ce pays, des moines qui n’ont aucune ambition politique. Comment l’Occident pourra-t-il continuer de s’élever contre la répression sanglante et destructrice d’une théocratie dictatoriale suite à des élections ne répondant pas aux critères démocratiques universellement reconnus et acquis.
Tel Jean Moulin, qui, en refusant de trahir ses compagnons de la Résistance jusqu’à son dernier souffle dans des conditions extrêmes, nous retenons de son courage et sacrifice, le refus de ne point trahir, avant tout, la liberté. En Afrique et partout dans le monde où sévit la dictature, dans le silence et l’indifférence, des anonymes et des sans voix continuent d’emprunter le parcours honorable de Jean Moulin, hélas. Ceux-ci sont la conscience du monde. Nous sommes sans illusion sur les risques de destruction que nous prenons, mais la réalité est qu’il ne s’agit point de notre humble et combien modeste personne. Il ne s’agit point non plus d’aucun homme politique togolais ou africain, il s’agit des peuples togolais et africains.
Le Président Ronald Reagan au plus fort de la guerre froide lança cet appel au Président Mikhail Gorbatchev à propos du Mur de Berlin “Monsieur Gorbatchev, démolissez ce Mur”
Monsieur le Président de la République, le peuple togolais, les peuples africains vous lancent le même appel et à travers vous à tout l’Occident pour que soit démolit sur le continent africain, le Mur de la dictature. Pour ce qui nous concerne, nous continuerons avec foi dans le Créateur et fidèle à nos convictions profondes, la lutte et ce jusqu’à notre dernier souffle, en nous inspirant de ces leaders hors du commun des mortels que nous sommes et des grands hommes d’Etat de notre histoire contemporaine. Oui. Tel un troubadour, nous continuerons de réciter et de chanter la geste des leaders hors du commun à l’instar de celui dont on dit qu’il a montré la voie à l’humanité et qui libéra tant l’opprimé que l’oppresseur. De cet apôtre de la paix dont les écrits sont qualifiés d’avoir changé le monde et qui fut un orateur de bien inégalable. L’homme de paix fit un rêve universel pour la race humaine. Enfin, ce leader d’exception qui face à la brutalité dans la défense de la liberté et de l’indépendance des peuples initia un concept inconnu de l’histoire humaine : la non violence. Oui, nous continuerons de nous inspirer de grands hommes d’Etat et libérateurs des peuples tel celui qui sous les bombes indiquera tout simplement par sa fameuse phrase : ne jamais démissionner face à l’adversité. Et nous terminons par cet autre grand homme d’Etat qui de l’idée qu’elle se fait de la grandeur de son pays y voit un lien plusieurs fois séculaire de ce pays avec la liberté des autres peuples.
Monsieur le Président de la République, tout en saluant une fois encore votre courage politique au regard de la nouvelle relation de coopération et de partenariat que vous préconisez en Afrique, autant que vos engagements démocratiques et républicains, nous vous prions d’agréer, l’expression de notre haute considération.
© Correspondance : Mamavi Sylvain Attiglah